Confrontée à des menaces croissantes aux confins de son territoire, notamment dans les régions frontalières du nord, la Côte d’Ivoire a procédé, depuis 2022, à une refonte profonde de son approche sécuritaire. Exit les coopérations incertaines avec ses voisins sahéliens : le pays mise désormais sur une double dynamique. D’une part, le resserrement de ses liens avec des partenaires historiques comme la France et les États-Unis ; d’autre part, le renforcement d’une architecture de sécurité régionale au sein du Golfe de Guinée.
Tout d’abord, Paris reste un allié militaire de référence pour Abidjan. L’exercice annuel Touraco et les stages plus ponctuels comme celui de tireurs d’élite dirigé début 2024 à l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) de Jacqueville par des instructeurs du 43e BIMa, illustrent la synergie opérationnelle franco-ivoirienne. Côté équipements, les livraisons françaises se poursuivent : après des envois d’armement représentant 12,2 millions d’euros en 2023, un contrat de 50 millions d’euros a été signé avec Thales pour des radars Ground Master 200.
L’engagement américain, structuré autour de l’AFRICOM, suit une trajectoire similaire. Outre les échanges de renseignements, Washington appuie la professionnalisation des FACI. Les éditions successives de l’exercice Flintlock en Côte d’Ivoire, notamment celle de 2022 focalisée sur la neutralisation de cellules djihadistes, s’inscrivent dans cette dynamique.
L’Union européenne, de son côté, a également intensifié son appui. En avril 2024, Bruxelles a approuvé un nouveau programme d’assistance centré sur l’acquisition de drones, véhicules blindés et outils de renseignement. Objectif : contenir les débordements sahéliens et consolider la ceinture de stabilité formée par les États côtiers.
Ce repositionnement découle d’un constat : la coopération avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger n’est plus viable. Les coups d’État successifs ont réduit à néant les efforts collectifs d’antan — patrouilles mixtes, accords judiciaires ou opérations conjointes, à l’image de Comoé en 2020. Désormais unis sous la bannière de l’Alliance des États du Sahel, ces régimes militaires ont rompu les liens sécuritaires avec Abidjan, ouvrant la voie à une recrudescence des infiltrations djihadistes, notamment à partir du territoire burkinabè.
Abidjan a pourtant tenté de maintenir des ponts : début 2023, une aide militaire de 2,3 milliards de francs CFA comprenant 1 000 kalachnikovs, 100 000 munitions et une cinquantaine de pick-up, fut discrètement envoyée au Burkina Faso. Mais ce geste est resté sans reconnaissance officielle, pris dans le dilemme d’un régime putschiste en quête d’autosuffisance idéologique.
En réponse, la Côte d’Ivoire s’est tournée vers des partenaires régionaux plus fiables. Des opérations coordonnées sont régulièrement menées avec le Ghana, et des concertations militaires entre pays de la CEDEAO renforcent l’édifice d’un front sécuritaire dans le Golfe de Guinée. Ainsi, ce recentrage n’est pas un repli, mais une stratégie cohérente de souveraineté et d’efficacité.
F. Kouadio – Cap’Ivoire Info
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