La Côte-d’Ivoire est habitée par un « démon des élections », qui a été entretenu par les « 4 grands de la politique » post-Houphouët

PRAO YAO SERAPHIN

Resté proche de la France, Felix Houphouët Boigny (FHB a réussi à faire de la Côte d’Ivoire un exemple de réussite économique. Jusqu’à la fin des années 1980. Depuis la mort de Felix Houphouët Boigny (FHB), la Côte d’Ivoire s’est trouvée, dès la fin de 1993, dans une situation politique incertaine. À chaque élection, des troubles, à tel point qu’on pense que le pays est habité par un « démon des élections ». Nous fondons cette affirmation par des périodes électorales toujours émaillées de troubles et de morts. Et c’est comme si ce « démon des élections » se manifestent à chaque élection présidentielle. Notre intime conviction est que ce « démon des élections » peut être répudié par des élections ouvertes, transparentes et inclusives sans les « 4 grands ».

  1. Des périodes électorales toujours émaillées de troubles et de morts

Après la mort de FHB, la côte d’ivoire a connu cinq dates troubles : 1995 ; 1999 :  2000 ; 2010 et 2020.

L’élection présidentielle ivoirienne de 1995 s’est déroulée le 22 octobre 1995 afin d’élire le second président de la République de Côte d’Ivoire pour un mandat de cinq ans. Ce 22 octobre 1995, Henri Konan Bédié est élu président de la République de Côte d’Ivoire avec 96,16 % des suffrages exprimés, soit 1 640 635 bulletins de vote en sa faveur.  Le candidat Alassane Ouattara est disqualifié et l’opposant charismatique Laurent Gbagbo lui apporte son soutien en refusant d’être candidat.

Mais en 1999, intervient un coup d’Etat. En effet, le 24 décembre 1999, en Côte d’Ivoire, un coup d’État militaire renverse le président Henri Konan Bédié qui avait succédé six ans plus tôt à Félix Houphouët-Boigny, le père de l’indépendance. C’est la consternation dans le monde. Après quatre décennies de stabilité politique et de relative prospérité, la Côte d’Ivoire, présentée comme un modèle de développement pour les autres États du continent noir, sombre dans le chaos. Le général Robert Guéi prend les rênes du pays. Tout le monde compte sur les élections de 2000 pour restaurer la démocratie heurtée par le coup de force de 1999.

Du coup, l’élection présidentielle ivoirienne de 2000 avait pour but de désigner le troisième président de la République de Côte d’Ivoire. À l’issue du premier tour du 22 octobre 2000, Laurent Gbagbo, candidat du FPI l’emporte. En effet, le 25 octobre 2000, la Commission nationale électorale annonce l’élection de Laurent Gbagbo avec 59,36 % des voix dans un contexte de participation historiquement basse.  Le général Robert Guéi tente de s’imposer par la force.  La victoire de Laurent Gbagbo est notamment contestée par Robert Guéï, qui avait annoncé la dissolution de la Commission électorale nationale et avait été proclamé élu par le ministère de l’Intérieur. Une crise post-électorale éclate avec au moins 300 personnes tuées.

Le candidat du FPI est investi le 26 octobre 2000, ce qui fait de lui le premier président élu n’étant pas membre du PDCI.

L’élection de 2010, après plusieurs années de crise sociopolitique, devrait être la bouée de sauvetage pour tout un pays. Après des années de transition politique et de tensions armées, ce scrutin devait symboliser le retour à une stabilité démocratique. Mais voilà, le médicament a plus fait de mal que le mal lui-même. En effet, en 2010, la Côte d’Ivoire organise l’élection présidentielle la plus attendue depuis des décennies. Pourtant, les élections de 2010 en Côte d’Ivoire ont rapidement basculé dans une crise postélectorale majeure, divisant le pays, suscitant l’intervention de la communauté internationale et plongeant la population dans l’incertitude. Ce bilan des élections de 2010 en Côte d’Ivoire fait état de 3000 morts lors de la crise post-électorale.

Après des élections paisibles en 2015, la situation dégénère en 2020. Alors que la constitution de 2016 ne l’autorisait pas à être candidat Alassane Ouattara, répondait en ces termes : « nouvelle constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020. Je ne prendrai ma décision définitive qu’à ce moment-là, en fonction de la situation de la Côte d’Ivoire. La stabilité et la paix passent avant tout, y compris avant mes principes », a déclaré le président ivoirien, interrogé sur la possibilité de se représenter, en 2018 par Jeune Afrique. Finalement, il sera candidat dans une élection boycottée par l’ensemble de l’opposition significative. Ce scrutin présidentiel qui a été émaillé par plusieurs incidents dans certaines localités ivoiriennes s’est soldé par la victoire du président sortant Alassane Ouattara avec 94,27% des voix contre 1,99% pour son adversaire, le candidat indépendant Kouadio Konan Bertin dit KKB. Les violences électorales enregistrées dans plusieurs localités ivoiriennes ont fait 85 morts et 484 blessés, selon un bilan livré par Sidi Tiémoko Touré, le porte-parole du gouvernement ivoirien. Il a, en outre, indiqué que 225 personnes ont été interpellées, 176 inculpées et 45 placées sous mandat de dépôt en marge de ces violences.

Après cette sombre période de 2020, la côte d’ivoire s’apprête à aller à l’élection présidentielle de 2025, et ce, dans la peur.

  1. Le « démon des élections » qui se manifestent à chaque élection présidentielle

Ils sont nombreux, ceux qui pensent que la côte d’ivoire est frappée par la malédiction des élections. Pour rappel, une malédiction est un état de malheur inéluctable qui semble être imposé par une divinité, un sort maléfique, jeté sur un individu ou une communauté, ou le destin. C’est donc un sort hostile, malheur constant auquel une personne, une chose semble vouée. Nous ne pensons pas que la Côte d’Ivoire soit condamnée à vivre que des malheurs. Pour nous, le pays est habité par un démon des élections. Le démon est un ange déchu, révolté contre Dieu, et dans lequel réside l’esprit du mal. Nous abordons dans les lignes qui suivent que ce démon est intimement entretenu par les 4 grands de la politique ivoirienne depuis la mort de notre père fondateur, en 1993.

Du multipartisme et les élections de 1990 en Côte d’Ivoire

Dans un climat de la fin de la bipolarisation, des agitations sociales deviennent de plus en plus récurrentes dans le pays, du fait de la population qui aspire à de nouvelles conditions de vie et à un changement au sommet de l’Etat. En effet, l’effondrement du mur de Berlin marque la fin de la guerre froide avec la victoire de l’idéologie occidentale qui laisse place à une troisième vague du processus de démocratisation dans les Etats africains. Dès le milieu des années 1980, Côte d’Ivoire connait des problèmes économiques et pour relancer l’économie nationale, Bretton Woods propose, en 1990, un sixième programme d’ajustement structurel (PAS), mais avec des conditions d’ouverture à la démocratie. De plus, le discours du président français, François Mitterrand, en 1990, apparaît comme un facteur déterminant dans la démocratisation des pays d’Afrique francophone comme la Côte d’Ivoire.

Toutefois, l’évolution de la situation sociopolitique marquée par des soulèvements de masse, ne laisse aucun choix à Felix Houphouët Boigny qui accorde le multipartisme en Côte d’Ivoire en mai 1990. Ainsi, des leaders des partis politiques naissants, dont Laurent Gbagbo du Front Populaire Ivoirien (FPI), Bernard Zadi Zahourou de l’Union Socialiste Démocrate (USD), Francis Wodié, leader du Parti Ivoirien des Travailleurs (PIT) organisent les premières conférences de presse annonçant l’existence de leurs formations politiques sur l’échiquier national.

L’élection présidentielle ivoirienne de 1990 se déroule le 28 octobre 1990 afin d’élire pour cinq ans le Président de la République de Côte d’Ivoire. Cette élection intervient au moment où le pays traverse une crise économique, qui dure depuis la fin des années 1980. Le  » Vieux  » a, selon toute vraisemblance, gagné son pari : plus de 80 % des électeurs lui ont confié un septième mandat à la tête du pays. En effet, le président Houphouët a engrangé 81,68 % des voix contre 18,32 % pour le président Laurent Gbagbo.

De la mort de Houphouët-Boigny à l’élection présidentielle de 1995

Tout commence à la mort du président Houphouët. Après avoir constaté le décès du « Vieux » à Yamoussoukro, le premier ministre Alassane Ouattara revient sur Abidjan et annonce par les médias le décès du président et met en place un comité d’organisation des obsèques, alors que ce n’était plus son rôle (L’article 12 en 1993). En effet, il avait cessé d’être premier ministre à l’instant où le président expirait. Selon feu Laurent Dona Fologo, Ouattara ferraille pour prendre le pouvoir. Il lui demande de se joindre à lui pour contester l’application de la Constitution en son article 11. Ouattara va aussi sonder le chef d’Etat-major, Robert Guéi pour avoir le soutien de l’armée.

Conscient maintenant de ce que le premier et dernier premier ministre d’Houphouët-Boigny veut lui ravir sa place, Bédié sort de sa zone de confort. Il se fait entourer de blindés de la gendarmerie et fonce à la RTI. Il prononce un discours à la télévision : « La constitution, notre loi suprême, me confère dans cette dramatique situation, des responsabilités dont je mesure le poids, des responsabilités de chef de l’Etat. Je les assume dès maintenant. Je les assumerai dans le droit fil de celui qui en fut l’inspirateur et le pays sera gouverné. Le pays sera gouverné pour tous, Ivoiriens et étrangers vivant sur notre sol. A cette fin je demande à tous de se mettre à ma disposition ».

Notons que la Constitution, révisée par les soins de Houphouët en 1990, prévoit que le président de l’Assemblée nationale accède automatiquement à la présidence jusqu’à la fin du mandat en cours (en septembre 1995). C’est ainsi que Henri Konan Bédié, 59 ans, devient président de la République.

L’élection présidentielle ivoirienne de 1995 s’est déroulée le 22 octobre 1995 afin d’élire le second président de la République de Côte d’Ivoire pour un mandat de cinq ans.  L’élection présidentielle s’est déroulée sans l’opposition significative. En effet, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ont décidé de boycotter les élections, dans le cadre du front républicain. Le 5 avril 1995, Laurent Gbagbo, président du FPI, et Djéni Kobenan, secrétaire générale du RDR, se sont donnés la main pour constituer le PDCI en adversaire commun et absolu. Il s’agissait pour les deux seuls partis à l’échelle nationale de mettre en synergie leurs efforts, pour obtenir des avancées dans le cheminement démocratique de la Côte d’Ivoire. Le front républicain venait ainsi de naître. Deux partis idéologiquement opposés venaient de se mettre en alliance, une alliance que certains ont qualifiée de contre-nature, « l’arrangement » fut matérialisé par le Boycott actif.

Au terme d’une campagne émaillée d’incidents meurtriers, le président sortant, Henri Konan Bédié, est réélu chef de l’État, avec 96,16 % des suffrages. Successeur constitutionnel de Félix Houphouët-Boigny depuis la mort de celui-ci, en décembre 1993, et candidat du Parti démocratique de Côte-d’Ivoire, ancien parti unique, il était opposé à Francis Wodié, candidat du Parti ivoirien des travailleurs. Les deux grands partis d’opposition, le Front Populaire Ivoirien (social-démocrate) de Laurent Gbagbo et le Rassemblement des républicains (R.D.R., centriste), avaient appelé au « boycottage actif » du scrutin afin de protester contre la modification du code électoral. Celle-ci a notamment empêché la candidature de l’ancien Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny, Alassane Ouattara, candidat du R.D.R. et principal rival de Henri Konan Bédié.

Candidat contre Félix Houphouët-Boigny en 1990, Laurent Gbagbo décide de boycotter le scrutin afin d’apporter son soutien à Alassane Ouattara.

Ce qu’il convient de noter c’est que le président Gbagbo et Alassane se sont alliés pour combattre le président Bédié.

De la mauvaise théorisation du concept de l’Ivoirité au coup d’Etat de 1999

C’est ici que commence la partition du général Robert Gueï.  Notons que le président Félix Houphouët-Boigny se méfiait de Robert Gueï. C’est pour l’avoir à l’œil, qu’en 1990, il avait nommé au poste de chef d’état-major des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), alors que celui-ci était loin d’être l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé. En effet, il était un jeune colonel de 49 ans. À ceux qui avaient tenté de l’en dissuader, arguant notamment de la vénalité supposée de l’officier, le « Vieux » aurait répondu, non sans cynisme : « Eh bien, s’il aime l’argent, je lui remplirai les poches ! ».

Successeur constitutionnel d’Houphouët, Henri Konan Bédié redoutait, pour sa part, l’indépendance et l’esprit frondeur de Gueï, dont la popularité chez les hommes du rang l’agaçait. Un jour d’octobre 1995, il l’a donc relevé de son poste pour le nommer ministre du Service civique, puis par la suite, son ministre de la Jeunesse et des Sports. On se souvient qu’a la veille des élections de 1995, il avait refusé de réprimer les manifestations de l’opposition. « L’armée ne doit intervenir que lorsque la République est en danger, avait-il expliqué au cours d’une mémorable conférence de presse. Dès lors que la compréhension guide les pas de chacun, qu’il soit du parti au pouvoir ou de l’opposition, je ne vois aucune raison pour que les militaires aillent s’exciter dans la rue. » disait-il. Pour avoir tenu de tel propos, Henri Konan Bédié ira loin en le radiant de l’armée à la suite d’un « complot » dont la réalité est loin d’être avérée.

En 1999, quatre ans après l’affront, et alors même qu’il venait d’être amnistié et mis à la retraite d’office, le général prend donc une éclatante revanche en devenant le troisième président de la Côte d’Ivoire indépendante, à l’issue d’une mutinerie par des éléments de la Force d’intervention rapide des para-commandos (Firpac). Cette unité d’élite, qu’il a lui-même créée, s’était tristement illustrée, en mai 1991, lors d’une sanglante expédition punitive sur le campus de Yopougon.

A l’époque, toute la presse ivoirienne, pour une fois unanime, de l’ensemble de la classe politique et d’une bonne partie des Ivoiriens étaient soulagés de voir s’éloigner le spectre de la guerre civile qui planait sur le pays. En effet, la gouvernance du président Henri Konan Bédié de 1993 à 1999 a plongé le pays dans une certaine instabilité sociopolitique, avec la clé de voûte, le concept d’Ivoirité mal compris et présenté. L’histoire n’a pas retenu si ce jour-là du 21 Novembre 1974, il faisait beau temps. Mais aucun des Ivoiriens qui arpentaient les rues d’Abidjan n’a pu se douter que sous la plume de Pierre Niava, vient de naître le mot « ivoirité ».  Dans un article intitulé « De la griotique à l’ivoirité », évoquant la pensée du penseur, artiste et écrivain Ivoirien Niangoranh Porquet, Pierre Niava promulgue ainsi le concept d’ivoirité dans toute sa virginité. Ramsès Boa Thiémélé (2003) ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit « Dans un article publié en 1974, Pierre Niava, rendant compte des activités artistiques d’un jeune créateur, fait de la Griotique un « des éléments d’approche d’un nouveau concept, celui de l’ivoirité. Il est né d’une prise de conscience d’une gamme de traits et de caractères propres à l’Ivoirien. Ce concept, pour être dynamique se donne une orientation prescriptive, tendant à maintenir, à développer et à renforcer ce qui existait déjà. L’ivoirité est un concept multiforme englobant la dynamique socio-économique, le triomphe culturel dont le tenant artistique est la Griotique, la pensée de l’homme ivoirien dans toute sa profondeur » (Pierre Niava, « De la griotique à l’ivoirité » in Fraternité Matin du 21 novembre 1974, p. 14, cité par Boa Thiémélé, op. cit., p. 88). Et c’est à l’occasion de la Convention du PDCI-RDA en août 1995 à Yamoussoukro, que le président Henri Konan Bédié reparle de ce concept: « Ce que nous poursuivons, c’est bien évidemment l’affirmation de notre personnalité culturelle, l’épanouissement de l’homme ivoirien dans ce qui fait sa spécificité, ce que l’on peut appeler son ivoirité. » (Bédié, 1995). Il est vrai qu’au lendemain de l’accession au pouvoir d’Henri Konan Bédié, des intellectuels s’interrogent sur ce que signifie « être ivoirien ». Il va se développer une idéologie de l’ivoirité où la nation et la citoyenneté sont redéfinies à partir d’une distinction entre les authentiques autochtones (« Ivoiriens de souche ») et les diverses autres composantes de la population. Et c’est là que le concept culturel bascule vers la politique.

En tout cas, le général Gueï prend le pouvoir à 59 ans et met en place le Comité national de salut public (CNSP) où il est sans doute le moins marqué politiquement. En effet, l’intendant général Lassana Palenfo et le général de brigade Abdoulaye Coulibaly, présentés comme les numéros deux et trois de la junte, passent pour proches de Ouattara.

L’objectif du CNSP était d’assurer la période de transition après le coup d’Etat militaire, afin de s’assurer que le pouvoir revienne au civil. C’est dans ce contexte qu’une constitution a été adoptée au référendum de juillet 2000 et une nouvelle structure de gestion des élections, la Commission Nationale Electorale (CNE) a également été créée, pour organiser les élections générales dont la présidentielle de 2000. Le président du CNSP, le putschiste, Robert Guéi décide finalement de se présenter comme candidat à la présidentielle de 2000, alors qu’auparavant, il avait mentionné qu’il n’avait aucune intention de préserver le pouvoir.

Finalement, la candidature du premier ministre Alassane Ouattara à l’élection présidentielle du 22 octobre 2000 avait déjà été rejetée par la chambre constitutionnelle de la Cour suprême, au motif que son ascendance ivoirienne était « douteuse » et qu’il s’était « prévalu d’une autre nationalité », sur la base de la nouvelle Constitution approuvée par référendum le 23 juillet 2000. Le candidat Laurent Gbagbo, du FPI, se retrouve face au militaire, Robert Guéi. À l’issue du premier tour du 22 octobre 2000, Laurent Gbagbo, candidat du FPI l’emporte. Mais au cours de la proclamation des résultats du scrutin présidentiel par le CNE, le candidat Robert Guéi fait arrêter le processus et démet le président de cet organe électoral, Honoré Guié de ses fonctions. Cette tentative de coup de force du Général Robert Guéi a entrainé l’introduction des armes dans le jeu électoral avec l’affrontement entre les forces putschistes et des divisions favorables au président Laurent Gbagbo, puis un affrontement contre les civiles et gardes républicaines. Une crise post-électorale éclate avec au moins 300 personnes tuées. Ce que nous retenons ici, c’est l’attente stratégique entre Laurent Gbagbo et Robert Guéi avant les élections et la mise à l’écart du premier ministre Alassane Ouattara.

Des 10 années de crise politique à une crise postélectorale meurtrière en 2010

Le président Laurent Gbagbo prend donc le pouvoir dans des conditions calamiteuses. Le 19 septembre 2002, une tentative de coup d’État a lieu de manière simultanée à Abidjan, Bouaké et Korhogo. Les rebelles, au nombre de 750, échouent à prendre la ville d’Abidjan mais les principales grandes localités de la moitié nord du pays, Bouaké et Korhogo, tombent entre leurs mains. Le pays est divisé en deux et Laurent Gbagbo gouverne dans des conditions très difficiles, avec un gouvernement rempli de rebelles et un premier ministre toujours imposé. L’accord de Ouagadougou signé le 4 mars 2007 par le président Laurent Gbagbo, le chef des Forces nouvelles Guillaume Soro et le président burkinabé Blaise Compaoré, a aidé à ramener la paix en Côte d’Ivoire et à réunifier le pays. Le rendez-vous était donc pris pour octobre 2010, pour l’élection présidentielle. Les Ivoiriens s’attendaient à des élections paisibles à même de les sortir de l’instabilité politique. Mais la Commission électorale indépendante (CEI), chargée de l’organisation et la supervision du référendum, ainsi que des élections, créée en 2001, a été incapable de proclamer les résultats dans les délais. C’est ainsi que resurgit une crise postélectorale qui va se solder par au moins 3000 personnes tuées selon Human Rights Watch.

Ce que nous notons ici, c’est que le président Henri Konan Bédié avait soutenu le candidat Alassane Ouattara contre le président Laurent Gbagbo.

De l’élection présidentielle paisible de 2015 à l’élection apocalyptique de 2020

Si l’élection présidentielle du 25 octobre 2015, s’est déroulée dans le calme et la paix, celle de 2020 a plongé la Côte d’Ivoire dans l’émoi et la peur. L’élection présidentielle ivoirienne de 2020 a eu lieu le 31 octobre 2020 afin d’élire le président de la République de Côte d’Ivoire. Alors que le président Ouattara avait achevé ses deux mandats, il s’est obstiné à faire un troisième mandat. L’opposition avait d’ores et déjà qualifié d’échec ce scrutin, pendantt que le premier ministre Guillaume Soro, en exil en Europe, avait affirmé ne plus reconnaître le président Alassane Ouattara et appelé à œuvrer à son départ. En fin de compte, les violences électorales enregistrées dans plusieurs localités ivoiriennes ont fait 85 morts et 484 blessés, selon un bilan livré par Sidi Tiémoko. Le 9 novembre 2020 à Daoukro, Toussaint N’Guessan Koffi, âgé de 34 ans a été décapité au cours d’une marche de l’opposition. Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montrait plusieurs individus donnant des coups de pied dans la tête de la victime. Ces images avaient provoqué une vive indignation.

Le scrutin, boycotté par l’opposition, voit la réélection du président sortant Alassane Ouattara dès le premier tour, avec un pays meurtri. Ce qu’il faut retenir ici, c’est que le président Bédié s’est désolidarisé du président Ouattara pour faire front avec l’opposition contre lui.

  1. Le répudier par des élections ouvertes, transparentes et inclusives sans les « 4 grands »

L’élection présidentielle ivoirienne de 2025 est prévue pour se dérouler le 25 octobre 2025, afin d’élire le président de la République de Côte d’Ivoire pour un mandat de cinq ans. Mais tous les ingrédients sont réunis pour une nouvelle crise postélectorale. Trois faits le prouvent.

En premier lieu, l’hypothèse d’un autre mandat de trop du président Alassane Ouattara. En effet, ses partisans l’appellent à se présenter à nouveau alors que l’opposition estime qu’il n’est pas autorisé à le faire selon la Constitution de 2016.

En second lieu, quatre grands noms de la politique ivoirienne restent radiés de la liste électorale provisoire: le président Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, Guillaume Soro et Tidjane Thiam, des absences qui empêchent pour l’instant leurs candidatures à la présidentielle du 25 octobre 2025. Concernant l’ancien président Laurent Gbagbo, il a été innocenté par la cour pénale internationale (CPI), dès lors, aucune juridiction ivoirienne ne doit salir son image et sa dignité. Il doit avoir son nom sur la liste électorale.

En troisième lieu, la révision de la liste électorale qui ne trouve pas un écho favorable auprès de la CEI, reste une pomme de discorde.

Dans ce verglas politique, la voie de sortie qui nous semble responsable, est unique. Réinscrire les noms de Charles Blé Goudé, de Guillaume Soro, de Tidjane Thiam et du président Laurent Gbagbo sur la liste électorale. Pour le président Laurent Gbagbo, il s’agit de rétablir l’honneur d’un ancien président qui a été accusé de « braquage de la BCEAO ». En outre, étant donné que la relation entre le président Laurent Gbagbo et le président Alassane Ouattara risque d’être explosive si les deux présidents se retrouvaient à nouveau en course pour la présidentielle, il serait socialement et politiquement avantageux pour le pays, qu’ils se rencontrent pour s’entendre sur un accord.  Dans une sorte de « gentlemen’s agreement », donc un accord informel entre les deux, ce serait profitable pour le pays s’ils décident, de leur propre chef, de ne pas se présenter à l’élection présidentielle du 25 octobre 2025. Le RHDP du président Ouattara pourra choisir parmi « la demi-douzaine », un bon candidat. Au niveau du PPA-CI, les potentiels bons candidats ne manquent pas et le président Gbagbo saura choisir le mieux placé pour cette bataille.

Ainsi, nous aurons des candidats de la nouvelle génération, comme le souhaite le président Alassane Ouattara. On dit souvent : « à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ». D’ailleurs, en 2010, le président Alassane Ouattara a été un candidat à titre exceptionnel puis par dérivation, en 2020. Pour chasser donc « le démon des élections » dans notre pays, il faut des élections ouvertes à tous, transparentes et paisibles avec une « nouvelle génération ».

Comme le rappelle le livre saint des chrétiens, « la sagesse vaut mieux que la force, mais la sagesse du pauvre est méconnue et ses paroles, personne ne les écoute », je voudrais terminer par cette citation de Platon qui nous enseigne en ces termes : « la justice de l’intelligence est la sagesse. Le sage n’est pas celui qui sait beaucoup de choses, mais celui qui voit leur juste mesure ».

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