Face à l’intensification des cybermenaces et à la digitalisation croissante du continent, la cybersécurité s’impose comme un enjeu stratégique majeur pour l’Afrique. Dans un entretien accordé à Financial Afrik, Franck Kié, Directeur général de Ciberobs Consulting, revient sur les défis et opportunités liés à la résilience numérique en Afrique. Il en appelle à une mobilisation collective des États, des entreprises et de la jeunesse pour faire de la cybersécurité un levier de développement durable.
Une résilience numérique à construire sur trois piliers
Pour Franck Kié, la résilience numérique n’a rien d’un concept théorique. Elle désigne la capacité des gouvernements, institutions et entreprises à anticiper, se préparer et répondre efficacement aux cyberattaques. Elle repose, selon lui, sur trois leviers essentiels : l’investissement dans les infrastructures, la coopération entre les acteurs publics et privés, et la formation ainsi que la sensibilisation des utilisateurs.
Ces piliers doivent être renforcés de manière coordonnée afin de bâtir un écosystème numérique sûr, inclusif et innovant. « En Afrique, de nombreuses initiatives émergent pour fédérer les décideurs autour de solutions concrètes. C’est cette dynamique que nous soutenons », souligne-t-il.
Crises globales : un catalyseur de prise de conscience
Les crises successives, notamment la pandémie de Covid-19, ont provoqué une accélération de la digitalisation des services. Mais cette transition s’est accompagnée d’une explosion des cyberattaques. « L’attaque récente contre la Caisse nationale de sécurité sociale marocaine en est un exemple frappant. Elle illustre combien la cybersécurité est devenue un enjeu vital », insiste Franck Kié.
La médiatisation de ces incidents joue un rôle crucial dans l’évolution des mentalités : les États et entreprises comprennent désormais que sécuriser le numérique n’est plus une option, mais une nécessité.
Répondre au déficit de compétences
L’Afrique accuse un retard important en matière de ressources humaines qualifiées dans le domaine de la cybersécurité. Pour y remédier, trois priorités sont identifiées : renforcer les capacités des institutions de formation existantes, investir massivement dans les infrastructures éducatives, et développer des formats innovants comme les formations en ligne ou les hackathons.
L’objectif : détecter les talents sur tout le continent et combiner enseignement présentiel et distanciel pour toucher un public plus large.
Structurer l’écosystème et promouvoir l’inclusion
À travers Ciberobs, Franck Kié et son équipe s’engagent activement dans la structuration de l’écosystème cyber africain. La plateforme organise régulièrement des événements réunissant gouvernements, entreprises et experts afin de promouvoir un dialogue public-privé, d’élaborer des standards communs et d’encourager l’innovation inclusive, avec une attention particulière portée aux jeunes et aux femmes.
Pour une souveraineté numérique maîtrisée
La question de la souveraineté numérique est centrale. Franck Kié la définit non comme une indépendance absolue – qu’il juge illusoire – mais comme la capacité de l’Afrique à choisir ses partenaires, à contrôler ses infrastructures, ses données et ses technologies.
Aujourd’hui, moins de 10 % des données africaines sont hébergées sur le continent. Un constat inquiétant, mais porteur d’opportunités : investir dans les data centers africains renforcerait considérablement l’autonomie stratégique du continent.
Un rôle clé pour les institutions financières et les gouvernements
La sécurisation du numérique africain passe aussi par une implication accrue des institutions financières, qui doivent considérer la cybersécurité comme un bien commun, au même titre que les infrastructures physiques. Quant aux décideurs politiques, ils sont appelés à mettre en place un cadre réglementaire stable, garantissant la protection des citoyens tout en favorisant les investissements.
Le Bénin, un exemple à suivre
Interrogé sur le choix du Bénin pour ses actions, Franck Kié cite une série de facteurs favorables : stratégie nationale de cybersécurité depuis 2021, création d’institutions dédiées au numérique, et engagement actif au sein de l’Alliance Smart Africa. Un écosystème en pleine structuration qui illustre, selon lui, le potentiel d’une Afrique jeune et innovante.
Intelligence artificielle : opportunité et vigilance
L’intelligence artificielle représente un enjeu majeur pour l’avenir du continent. Ciberobs en a fait le thème central de ses travaux en 2023, et prévoit d’y consacrer un événement dédié. « L’IA offre des perspectives immenses, mais doit être encadrée par des garde-fous éthiques », prévient Franck Kié.
Un appel à la jeunesse africaine
En conclusion, le fondateur de Ciberobs lance un appel fort à la jeunesse africaine : « L’Afrique n’est plus le continent du futur, elle est le continent du présent. La cybersécurité est un secteur d’avenir, stratégique pour notre développement. Il est temps de s’y engager pleinement.
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