Déclaration du mouvement « Les démocrates de Côte d’Ivoire » suite à l’élimination du candidat Tidjane Thiam de la course à la présidentielle

A l’issue d’une audience qui s’est tenue le mardi 22 avril 2025, le tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau a ordonné la radiation du président du PDCI-RDA Tidjane Thiam de la liste électorale, le privant ainsi de toute participation à l’élection présidentielle d’octobre 2025. Cette nouvelle surprenante a profondément consterné de nombreux ivoiriens au-delà même des rangs du PDCI-RDA. Face à cette situation que beaucoup d’ivoiriens ne comprennent pas, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » s’interroge.

Y aurait-il eu cet emballement médiatique que nous avons constaté et cette décision de justice qui le radie de la liste électorale si le président du PDCI-RDA n’avait pas été président et candidat de ce parti à l’élection présidentielle? Pourquoi ne l’a-t-on pas radié avant, en 2015 ou en 2020, de la liste électorale et pourquoi le fait-on maintenant, en 2025, alors qu’il est candidat à l’élection présidentielle prévue pour se tenir en octobre ? Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » ne croit pas en la sincérité de l’argumentation qui tend à présenter le problème Tidjane Thiam comme une affaire uniquement judiciaire.

Une pratique bien huilée dans les démocraties modernes

Cette affaire Tidjane Thiam reste bien une manœuvre politicienne comme il en existe ailleurs. En la matière, la Côte d’Ivoire n’invente rien. Ces manœuvres politiciennes visant à éliminer un candidat important en se servant des points de vulnérabilité imparables de sa vie sont des pratiques bien connues dans les démocraties contemporaines. Une fois, les potentielles candidatures à la présidentielle déclarées, des cabinets noirs sont commis dans le plus grand secret par des officines politiques pour mener des enquêtes sur les différents candidats parmi les plus en vue, collecter des informations sur eux et leur trouver un ou des points de vulnérabilité de quelque nature qu’ils soient qui permettent de les éliminer de la course à la présidentielle.

Souvent, quand rien n’est trouvé sur le parcours professionnel, c’est dans la vie privée que l’on va fouiller pour trouver l’élément devant servir à les abattre. Une fois les éléments de preuve rassemblés, la justice est actionnée par un tiers à l’effet de porter l’estocade. Tout ce processus se fait dans un jeu de l’ombre connus des seuls initiés.
Le corps électoral est, ensuite, travaillé au corps par la presse pour que cette pratique malicieuse apparaisse comme légitime et juste. C’est ainsi que plusieurs étoiles montantes ont été éteintes. Dans les démocraties contemporaines, cela fait partie des pratiques bien connues dans l’accès aux positions de pouvoir politique. Les sociétés occidentales qui se sont construites autour de certaines valeurs passent par ces valeurs-là pour éliminer les candidatures gênantes.
Bien que légales, ces pratiques choquent le commun des mortels et, surtout, les populations qui voient l’offre politique réduite. En Occident, elles sont utilisées quand le candidat déclaré ne convient pas à l’establishment ou ne lui inspire pas confiance. Et ces manœuvres sont légitimées par le pouvoir judiciaire qui intervient pour rendre légal et crédible le coup bas politique. Il y a donc beaucoup de finesse dans cette stratégie d’élimination douce de l’adversaire. Aux Etats-Unis, elle s’est institutionnalisée et ne choque pas. En Afrique, en revanche, elle est cousue de gros fils blancs bien visibles par tous, même quand ses commanditaires clament leur innocence tout en cachant mal leur activisme débordant.

Comme toujours, la stratégie utilisée dans ces manœuvres politiciennes, c’est d’en faire des affaires de justice (pénales ou civiles) alors que le grand bénéficiaire de ces sombres affaires est la main invisible, le donneur d’ordre qui tire en secret les ficelles et qui tirera les marrons du feu après. C’est ainsi que plusieurs étoiles politiques montantes ont été éteintes ou ont vu leurs ambitions nationales brisées en Occident comme dans les pays africains qui veulent se montrer moins rustres dans l’élimination de l’adversaire politique. Cette manœuvre vise à déplacer le centre de gravité vers un autre candidat qui devient alors le plus en vue, les électeurs n’ayant d’autre choix que de reporter leur sympathie sur lui.

Cette pratique relève des interférences de l’exécutif ou de l’establishment pour favoriser le candidat de son choix en se servant du pouvoir judiciaire. Et, ce qu’on voit, c’est un parti-pris décisif, et ce mot est très important dans la stratégie, du pouvoir judiciaire dans la confrontation politique afin que la présidentielle soit pliée pour un camp. Et, le pouvoir judiciaire intervient effectivement au bon moment du temps politique. Cela permet de discréditer la victime et de salir son image auprès des électeurs, de ses partisans et de ses soutiens.

En plus, la victime est rendue responsable elle-même de son propre sort pour n’avoir pas pris toutes les précautions requises avant de se porter candidat. C’est une manœuvre d’une malice très fine et qui se présente comme une transposition dans l’arène politique du comportement dans la vie du pervers narcissique. On a vu qu’aux Etats-Unis cette manœuvre politicienne a été abondamment utilisée contre l’actuel président sans pouvoir l’ébranler ni éroder le capital de sympathie des populations en son endroit.

L’analyse du mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire »

Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », le président Tidjane Thiam voit son nom retiré de la liste électorale non pas parce qu’il s’est prévalu d’une autre nationalité, terme qu’on aurait pu utiliser pour qualifier son cas mais qu’on a évité d’employer à cause de l’histoire sombre qui lui est attachée. A cause de ce concept sorti du chapeau magique des juristes ivoiriens, des personnes, dans ce pays, ont menacé de « tout gnangami ». Et, il y a eu la rébellion de 2002.

Le président Tidjane Thiam a été radié de la liste électorale à cause de ses ambitions politiques qui choquent d’autres ambitions politiques non moins importantes. Le temps où le jugement a été rendu étant un temps politique, il en découle que le jugement en lui-même est politique. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit-on.

La politique n’est pas un marigot propre, il faut le dire. Ce que vit le président Tidjane Thiam est politiquement et humainement détestable mais c’est le jeu politique. C’est une stratégie légale et légitime qui fait partie du jeu politique. Est-ce une forme de vengeance et donc un règlement de comptes contre son parti par rapport à un antécédent pareil ? Seuls les initiés peuvent répondre à cette question. C’est aussi un test important pour son parti pour voir s’il est combattif et est capable de mobiliser à la hauteur du rang qu’il clame. La mobilisation devient, en ce moment-là, un enjeu important. Elle est à la fois un message pour l’extérieur et un message pour les partenaires et adversaires politiques.

Retenons, pour terminer sur ce point, que Machiavel soutient que
– « gouverner, c’est faire croire »,
– « en politique, le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal »,
– « quand il s’agit d’offenser un homme, il faut le faire de telle manière qu’on ne puisse redouter sa vengeance »,
– « la fin justifie les moyens ».
Machiavel est le maître à penser du jeu politique contemporain.
La stratégie que nous venons de présenter relève donc de la politique politicienne qui va avec la manipulation des masses. Et cette politique politicienne est l’une des nombreuses ficelles des grands hommes politiques du monde et qui leur assurent leur charisme.

Le chemin emprunté est dangereux

L’Afrique aurait tort d’emprunter ce chemin des perversions de la démocratie moderne qui permet au pouvoir judiciaire d’interférer dans les élections présidentielles et d’agir avec célérité pour éliminer l’adversaire susceptible de l’emporter ou de sérieusement bousculer le parti au pouvoir. Nos Etats sont fragiles et même très fragiles. Et nos peuples n’ont pas encore la maturité démocratique nécessaire pour accepter facilement que le candidat qu’ils adulent soit éliminé comme ça et qu’on passe à autre chose. Les actuels détenteurs du pouvoir au Sénégal ont su astucieusement évité ce piège des Machiavel africains mais au prix de nombreux morts.

Notre monde actuel est très instable. Et, dans le jeu des intérêts, rien n’est garanti : le soutien ou le protecteur d’hier peut se révéler d’une perfidie insoupçonnée. La mainmise sur l’armée n’est aucunement une assurance tous risques pour un dirigeant quel qu’il soit. On a vu des hommes forts être facilement chassés du pouvoir par des militaires ou par des populations révoltées que l’armée a, ensuite, rejoint alors qu’ils étaient présentés par la presse d’Etat, la presse internationale en mission et les milieux diplomatiques partisans comme incontournables, indéboulonnables et les plus aimés par les populations. On a aussi vu des étincelles se transformer en incendies dévastatrices de la cohésion sociale, en un embrasement général qui a réveillé les inimitiés communautaires enfouies dans les cœurs. Le Rwanda et, plus récemment, le Soudan sont des exemples encore frais dans nos mémoires d’Africains.

Après ces épisodes douloureux, ceux qui se croyaient tout-puissants et qui se croyaient au faîte de leur gloire et de leur pouvoir se rendent compte qu’ils n’étaient pas aussi aimés que ça et qu’une autre attitude plus sage que l’entêtement affiché existait et était à leur portée. Mais, il était déjà tard pour eux. Et les exemples sont légions. En plus d’avoir perdu le pouvoir, ces hommes forts d’un moment et leurs partisans ont vu tous leurs biens saisis et mêmes leurs milliards cachés dans des comptes à l’étranger ou dans des paradis fiscaux étaient passés à la trappe des nouvelles autorités. Ça s’est déjà passé dans l’histoire de certains pays africains.

Sachons raison garder

Tous ces scénarios dont l’histoire de l’Afrique confirme la réalité recommandent l’extrême prudence et de la mesure dans la manipulation, en période électorale, des leviers du pouvoir. La politique est le monde de la compétition. Mais, il faut une compétition saine, juste et équitable. Ce n’est pas non plus bon de pousser à la violence pour espérer lui imposer une violence légale plus forte. Les risques de dérapages et de perte de contrôle de la stratégie rendent cette option dangereuse. Quand chacun se braque et estime que sa violence est légitime, il y a de grands risques de dérapage. L’affrontement des pôles contradictoires tombe très vite dans l’antagonisme.

En considération de ces faits et parce que les plaies de la crise post-électorale de 2010 ne sont pas encore totalement pansées et cicatrisées, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » appelle toute la classe politique à s’entendre pour offrir des élections apaisées aux ivoiriens.

Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » réitère sa demande de voir tous ceux qui le désirent être exceptionnellement, comme en 2010, autorisés à participer à l’élection présidentielle de cette année. Et cela, au nom de la paix.

Les dirigeants et militants du PDCI-RDA sont des sœurs et frères ivoiriens. Les dirigeants et militants du PPA-CI sont des sœurs et frères ivoiriens. Les dirigeants et militants de GPS sont des sœurs et frères ivoiriens. Les dirigeants et militants du RHDP sont des sœurs et frères ivoiriens. Chacun aime la Côte d’Ivoire à sa manière, avec ses moyens et a ses voies à lui pour conduire sur les sentiers du développement. Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » aucune de ces formations politiques n’aime la Côte d’Ivoire plus que l’autre.

La Côte d’Ivoire est notre bien à nous tous et d’aucun en particulier. Nous devons, ensemble, garantir son développement et sa prospérité et non la détruire. Aucun sang ivoirien ne doit être versé encore à cause de la politique et pour un fauteuil présidentiel. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » continuera de parler et parlera toujours à ces grandes formations politiques jusqu’à ce que vienne une Côte d’Ivoire véritablement rassemblée et unie autour de conditions d’élections justes, inclusives et sans violence.

La construction d’un État de droit n’est nullement au-dessus de la construction de la paix. Il est mieux de construire la paix que de s’accrocher à la construction d’un État de droit qui sera détruit s’il n’y a pas de paix. En Afrique, c’est la paix qui garantit la viabilité de l’Etat de droit et de l’Etat tout court et non l’inverse. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » veut la paix pour tous, pour les ivoiriens et pour tous les habitants de la Côte d’Ivoire. Tout autre chemin ne serait qu’un suicide collectif.

Il faut que cessent les crocs-en-jambe juridico-politiciens et les palabres incessants autour des conditions d’élections justes et équitables qu’on s’arrange toujours à habiller avec le costume de la compétition déloyale. Un jour, il pourrait n’être plus possible aux partis politiques de faire de la politique dans ce pays. Tout excès nuit et le ras-le-bol conduit toujours à des décisions extrêmes et regrettables. Trop est trop.

La Côte d’Ivoire sent le soufre. Les semaines et mois à venir risquent d’être intenables. Et les discours vont se durcir. C’est une certitude. Mais, les ivoiriens sont fatigués par ces tensions continues. Ils n’aspirent qu’à la paix. Malheureusement, personne ne voit cette lassitude et cette exaspération générale. Le silence est interprété comme une approbation alors qu’il est l’expression d’une désapprobation sourde. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire parle et interpelle. Que ceux qui ont des oreilles pour entendre entendent ce que dit le peuple silencieux et fatigué qu’on risque de voir applaudir bruyamment en cas de mésaventure.

Fait à Abidjan, le 27 avril 2025.

Pour « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ».

Le Président

Prof. Séraphin Prao

Commentaires Facebook

Laisser un commentaire