Thiam, entre exclusion politique et résonance régionale: Analyse d’une affaire à haute portée symbolique

Par Simplice Ongui

Coup de tonnerre à Abidjan : Tidjane Thiam, figure de l’alternance, radié des listes électorales. Derrière cette exclusion, un parfum d’ivoirité, une guerre d’héritage et un malaise démocratique qui dépasse les frontières ivoiriennes. L’Afrique observe, le Sénégal s’enflamme. Et si le vrai enjeu, c’était l’avenir politique du continent ?

Côte d’Ivoire | Cheick Tidjane Thiam, entre exclusion politique et résonance régionale : Analyse d’une affaire à haute portée symbolique

Double Nationalité, Triple Dilemme : Thiam face à l’Histoire

À six mois de l’élection présidentielle ivoirienne d’octobre 2025, l’exclusion de Cheick Tidjane Thiam des listes électorales, en raison de sa supposée double nationalité, fait l’effet d’un tremblement de terre politique. Candidat du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), héritier politique de Félix Houphouët-Boigny, Thiam incarnait pour beaucoup l’alternance démocratique et le retour d’un certain prestige technocratique au sommet de l’État.

Mais au-delà de l’arène politique ivoirienne, cette affaire résonne fortement dans la presse ouest-africaine, notamment au Sénégal, où les grands quotidiens comme L’AS, 2 Minutes, Rewmi Quotidien et En Relief ont consacré leurs unes à cette exclusion. Pourquoi un tel intérêt dans la presse sénégalaise ? Et cette attention confirme-t-elle les accusations récurrentes sur les origines de Thiam, souvent qualifié — à tort ou à raison — de « Sénégalais » ?

Une éviction sous fond d’ivoirité revisitée

La radiation de Thiam repose sur un argument juridique : il aurait perdu la nationalité ivoirienne en 1987, lorsqu’il a acquis la nationalité française. La justice estime qu’en l’absence de renonciation formelle, la double nationalité serait un obstacle constitutionnel à sa candidature. Une décision à forte portée symbolique, rappelant les heures sombres du débat sur l’ivoirité, qui avait écarté Alassane Ouattara dans les années 1990. Ironie du sort, celui qui en fut la victime devient aujourd’hui le président sous lequel la même logique refait surface.

Le soutien médiatique sénégalais : reflet d’une solidarité ou d’une récupération ?

L’ampleur du traitement médiatique au Sénégal interroge. L’AS parle d’un Ouattara qui « joue avec des allumettes », Rewmi évoque un « même destin » pour Thiam et Karim Wade, exclus pour double nationalité, tandis que En Relief insiste sur la répétition du syndrome de l’ivoirité. Tous soulignent un parallèle entre les figures politiques ouest-africaines bridées par des controverses identitaires.

Ce soutien pourrait traduire une solidarité panafricaine : la défense d’une démocratie véritable, fondée sur le droit et l’inclusion, non sur l’identité. Mais il ravive aussi les polémiques anciennes sur les origines de Thiam. De père ivoirien, le célèbre Amadou Thiam, et de mère sénégalaise, Tidjane Thiam est, selon ses détracteurs, « Sénégalais de père et de mère ». Or, cette assertion n’a jamais été confirmée officiellement, et semble davantage relever d’une stratégie de disqualification politique que d’une vérification rigoureuse.

Une bataille d’image et d’opinion

Dans ce contexte, l’affaire Thiam devient une affaire régionale, emblématique des tensions postcoloniales autour de la nationalité, de l’appartenance, de l’héritage politique. Le Sénégal, en relayant aussi massivement cette affaire, s’inscrit dans une défense du pluralisme et d’une certaine élite technocratique africaine menacée par les relents identitaires.

Mais attention : ce soutien n’est pas sans ambiguïté. Si les médias sénégalais expriment une empathie certaine, cette visibilité peut aussi être exploitée pour conforter les accusations d’ »étrangeté » du candidat. Dans le climat politique ivoirien, où la défiance se nourrit des moindres suspicions, ce soutien, aussi bienveillant soit-il, pourrait involontairement nourrir l’argumentaire de ses adversaires.

Conclusion : Le cas Thiam, révélateur d’un malaise démocratique

L’affaire Tidjane Thiam dépasse le cadre d’une candidature écartée. Elle pose des questions profondes sur la maturité démocratique en Afrique de l’Ouest, sur l’usage de la justice à des fins politiques, et sur la place réelle du mérite, de la compétence et de l’unité régionale dans les projets de gouvernance. À l’heure des grandes transitions africaines, c’est peut-être l’avenir du panafricanisme politique qui se joue dans cette exclusion.

Simplice Ongui
Directeur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
osimgil@yahoo.co.uk
Bonjour grand frère, je suis au pays depuis quelques jours !

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