
L’après-midi du 11 avril 2025, a eu lieu le premier panel d’Archibat 2025 sur le thème « Disponibilité foncière et renouvèlement urbain » avec la participation de plusieurs experts et professionnels du secteur. Les échanges ont débuté à 15h30 mn et ont pris fin à 17h 45mn avec une série d’interactions entre le modérateur en la personne de Monsieur DJIMA Karamoko et les conférenciers dont Messieurs Thomas Flavien (Administrateur Adjoint de PFO-Immobilier) et Youssouf OUA TTARA, Urbaniste et Ex-Directeur Général de l’AGDI (Agence de Gestion et de Développement des Infrastructures Industrielles). L’objectif de ces débats était de montrer l’importance de la disponibilité foncière dans le renouvèlement urbain. Ces échanges ont été riches en enseignements.
- Débat et échanges entre conférenciers et modérateur:
Le modérateur prenant la parole dans le cadre de la conduite des échanges a d’abord posé la question suivante aux conférenciers : Qu’est-ce que ce thème vous inspire ?
- Intervention de Monsieur Thomas Flavien
Monsieur Thomas Flavien a commencé par évoquer le projet phare de PFO Immobilier : l’Ivoire Trade Center. Selon lui, ce bâtiment, autrefois abandonné, a été transformé en un centre de conférences, bureaux et commerces, devenant un véritable lieu de vie et d’échanges. Il a souligné l’importance de la rénovation urbaine, qui consiste à réhabiliter des bâtiments existants plutôt qu’à construire systématiquement sur des terrains vierges. Cette approche permet non seulement de préserver le patrimoine, mais aussi de répondre aux besoins des populations tout en optimisant l’espace urbain a-t-il souligné.
- Intervention de Youssouf Ouattara
Monsieur Youssouf Ouattara a, quant à lui, mis en lumière les défis liés à la saturation et à l’obsolescence des zones industrielles d’Abidjan. Il a expliqué comment des initiatives de rationalisation et de réhabilitation ont permis de densifier ces zones, d’améliorer les infrastructures et d’accueillir de nouveaux opérateurs économiques. Il a également insisté sur la nécessité de repenser l’affectation de certaines zones mixtes, devenues majoritairement résidentielles, afin de répondre aux besoins croissants en équipements et services.
A l’issue de ces réponses, le modérateur a adressé la seconde question aux conférenciers en ces termes : Comment se fait l’acquisition foncière à PFO –Immobilier ? En visant Monsieur Thomas Flavien.
En réponse, ce dernier s’est appuyé sur ses expériences en la matière. En effet, parmi les projets emblématiques abordés par sa structure, celui de la transformation de la décharge d’Akouédo fait office de cas inspirant. Selon lui, ce site, autrefois source de pollution, a été réhabilité pour devenir un espace de loisirs, de culture et de formation, créant ainsi une véritable valeur ajoutée pour les habitants et les investisseurs. La réussite de ce projet illustre ainsi l’impact positif que peut avoir une gestion foncière réfléchie et durable.
- Intervention de Monsieur Youssouf,
Pour sa part, le conférencier a répondu à cette interrogation en lien au contexte de la mise en place de la zone industrielle de PK 24. Il a ainsi rappelé que ce projet est arrivé à un moment où les zones industrielles d’Abidjan faisaient face à un défi d’extension de leur espace d’activité. Le projet de la zone industrielle d’Akoupé-Zeudji ayant tardé à être mis en œuvre, les investisseurs dans cette dynamique, se sont installés de par eux-mêmes à travers les propriétaires terriens et cela sans respecter les normes de 100 mètres prévus de part et d’autres de l’autoroute du Nord. Cela a contribué à créer de l’insécurité pour les usagers de cette voie.
En réplique, le modérateur a posé la question de savoir, quelles ont été les mesures de rétorsion de l’Etat en retour ?
Comme réponse, Monsieur Youssouf a répondu que l’Etat envisageait pour la sécurité des usagers de la route, un terre-plein central et des poses de béton le long de cette voie.
Après les échanges entre les panélistes et le modérateur, celui-ci a élargi la discussion au public en l’invitant à un partage d’expériences et d’expertises sur la question.
- Partage d’expériences et d’expertises sur le thème
Les Présidents et représentants des Ordres des Architectes des pays participants et autres professionnels du domaine du cadre bâti ont à tour de rôle pris la parole pour mettre en lumière leurs expériences et expertises nationales en la matière.
De leurs contributions, se sont dégagés les points suivants :
- Importance d’une vision globale dans la Problématique foncière
L’un des défis majeurs dans le renouvèlement urbain réside dans la gestion du foncier. En Afrique, le foncier est souvent utilisé comme une réserve spéculative, ce qui freine les projets d’envergure. Par exemple, au Burkina Faso, après des décennies de gestion foncière par des propriétaires terriens, l’État a repris le contrôle des terres pour permettre la réalisation de projets structurants. Cette approche, bien qu’impopulaire auprès de certains, a permis de mobiliser les ressources nécessaires pour des initiatives de grande ampleur. Cependant, il ne s’agit pas seulement de mobiliser des terres. Il faut également une méthodologie claire et inclusive. Les populations doivent être consultées et impliquées dans le processus. Une approche qui combine donc négociation, transparence et accompagnement peut faciliter l’acceptation des projets. Par exemple, au Burkina Faso, des projets de restructuration urbaine ont été menés avec succès dans des quartiers centraux comme ZAKA, grâce à une concertation étroite avec les habitants.
- Problématiques connexes aux projets de renouvèlement urbain
La question du renouvellement urbain soulève des problématiques complexes, notamment en ce qui concerne la disponibilité foncière et l’implication des populations concernées. Sur quel foncier allons-nous reconstruire la ville ? Voilà une interrogation centrale.
Dans le passé, des projets de rénovation urbaine ont été initiés, parfois au prix du déplacement de populations, comme ce fut le cas à la gare de Bassam en Côte d’Ivoire. Ces initiatives, bien qu’ambitieuses, ont souvent laissé des questions en suspens : que faire maintenant ? Comment gérer ces espaces ? Aujourd’hui, la décision revient aux autorités, mais il est impératif de leur rappeler que les écarts sociaux et les besoins des populations ne peuvent être ignorés.
- Impératif de proposer des solutions adaptées aux besoins des populations
Pour réussir un projet de renouvellement urbain, il est essentiel de proposer des alternatives viables et attractives aux populations concernées. Offrir des logements décents, accessibles et mieux équipés peut inciter les habitants à accepter de quitter des zones précaires. De même, relocaliser des industries dans des espaces mieux adaptés, avec des infrastructures modernes, peut contribuer à améliorer leur rentabilité et leur fonctionnement.
L’exemple de Yopougon, en Côte d’Ivoire, illustre bien cette approche. Lorsqu’une usine de basserie a souhaité étendre ses activités, des négociations ont été menées avec les habitants pour libérer les terrains nécessaires. Grâce à un dialogue ouvert et à des promesses tenues, les populations ont accepté de partir sans conflit.
- Nécessité d’allier force étatique et dialogue constructif
Le rôle de l’État est crucial dans les projets de rénovation urbaine. Un État fort, capable de mobiliser des ressources et d’imposer des règles claires, est indispensable. Mais la force seule ne suffit pas. Il faut également une vision globale et des réponses concrètes aux besoins des populations. Les projets doivent intégrer des solutions durables, mêlant mixité sociale, infrastructures modernes et respect des aspirations locales.
- Remise du métier d’architecte au cœur des projets de gestion urbaine
La réflexion autour du renouvellement urbain met en lumière une problématique essentielle : le rôle des architectes et des professionnels du secteur dans la planification et la gestion des espaces urbains. Il semble que cette profession ait perdu, au fil du temps, la nécessité de mener une réflexion globale et inclusive. Trop souvent, les opérations d’aménagement sont menées sans impliquer tous les acteurs concernés, ce qui limite la portée et l’efficacité des projets. Les architectes, doivent donc se positionner au cœur de cette problématique pour proposer des solutions adaptées et pérennes, capables de transformer nos villes tout en répondant aux besoins des populations.
- Prise en compte de l’importance des espaces publics et des équipements collectifs
Un autre aspect crucial de la rénovation urbaine est la création d’espaces publics et d’équipements collectifs. Dans certaines villes de pays comme la Chine, des espaces de loisirs et de détente sont aménagés sur des dizaines d’hectares pour permettre aux populations de s’épanouir. En revanche, dans des villes comme Abidjan en Côte d’Ivoire, trouver un espace pour que les enfants puissent jouer ou que les familles se retrouvent le week-end relève parfois du défi.
Il est par conséquent, impératif d’anticiper ces besoins. Les opérations de régularisation et de lotissement menées par le ministère doivent inclure dans cette perspective des règles garantissant la programmation d’équipements et d’espaces de loisirs. Cela permettra alors de doter les quartiers de structures adaptées et d’améliorer la qualité de vie des habitants.
- Opérations en faveur d’une meilleure régulation des lotissements
La question de la régulation des opérations de lotissement est également centrale parmi les défis posés par le renouvèlement urbain. Il est inacceptable qu’un individu puisse initier un projet de lotissement sans une réflexion globale sur le quartier concerné. Dans des pays comme le Bénin, aucun aménagement de plus de 15 hectares ne peut être réalisé sans l’approbation du gouvernement. Cette approche garantit une cohérence avec les plans de développement urbain.
En Côte d’Ivoire, il est urgent d’instaurer des autorisations préalables strictes pour les lotissements. Cela permettra d’éviter des aménagements anarchiques qui compromettent l’équilibre des agglomérations. Il est également nécessaire d’arrêter les lotissements villageois non encadrés, qui posent de nombreux problèmes en matière d’urbanisme.
2.8. Exemples à explorer pour des solutions inclusives
La « Cité des arts » en Côte d’Ivoire, créée pour accueillir des personnes à revenus modestes tout en les rapprochant de leur lieu de travail, montre qu’il est possible de concevoir des projets inclusifs et fonctionnels. Ce modèle peut être adapté et reproduit pour répondre aux défis actuels du renouvellement urbain.
Cependant, une question demeure : comment intégrer les villages périurbains d’Abidjan dans cette dynamique de renouvellement, sachant qu’ils revendiquent souvent une certaine autonomie ? La réponse réside dans un accompagnement adapté, qui permettra de concilier modernisation et respect des spécificités locales.
In fine, le renouvellement urbain est une opportunité pour transformer nos villes, mais cela nécessite une approche équilibrée. L’État, les opérateurs privés et les populations doivent travailler ensemble pour construire un avenir urbain harmonieux, où chacun trouve sa place. De ces partages d’expériences et expertises, plusieurs recommandations ont été suggérées.

- Recommandations
Les intervenants ont formulé plusieurs recommandations clés :
3.1. Adopter une planification rigoureuse: Une approche méthodique est essentielle pour garantir la viabilité des projets et leur impact à long terme.
3.2. Favoriser la collaboration public-privé : Une synergie entre les acteurs publics et privés est indispensable pour mobiliser les ressources nécessaires et maximiser les retombées économiques et sociales des projets de renouvèlement urbain.
3.3. Promouvoir des solutions durables et inclusives: Les projets doivent intégrer des dimensions environnementales et sociales, en tenant compte des besoins des communautés locales.
3.4. Repenser les usages des territoires : L’optimisation des espaces existants, qu’il s’agisse de bâtiments ou de zones industrielles, est un levier stratégique pour répondre aux besoins croissants des populations urbaines.
Conclusion et perspectives
Les échanges au cours de ce premier panel ont mis en évidence l’importance de la rénovation urbaine et de la gestion foncière dans le développement des villes africaines. Ces initiatives permettent non seulement d’améliorer le cadre de vie des populations, mais aussi de dynamiser l’économie locale en attirant des investisseurs et en créant de nouveaux espaces adaptés aux besoins actuels. Les panélistes ont appelé à une réflexion collective et à une planification rigoureuse pour relever les défis de l’urbanisation croissante.
Avec Sercom
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