Santé de la reproduction / En Côte-d’Ivoire, l’IVG n’est plus un crime dans certains cas – mais peu de femmes le savent

• Ce qu’il faut savoir sur l’Ivg

A 15 ans, MC en classe de 4e dans un établissement privé de Yopougon contracte une grossesse alors
qu’elle venait de passer les vacances à l’intérieur du pays chez une tante. Entre crainte des parents et
regard dédain de ses amis d’école, MD est gagnée par l’anxiété qui la ronge. Que faire devant cette
situation ? D’après son témoignage, la grossesse était encore au premier stade, elle n’était pas
visible. Elle s’est donc confiée à ses amies pour envisager un avortement. « J’avais peur de la réaction
de mes parents et je n’avais pas les moyens d’aller voir un médecin. Je me suis confiée à mes amies
pour une solution clandestine », fait savoir la jeune adolescente qui n’ira pas jusqu’à la solution du
pire. Elle eut son salut par une bonne volonté qui a pu informer ses parents à temps. Au regard de
son âge et de son statut d’élève mineur, les parents l’ont conduite dans une clinique du quartier pour
l’interruption de sa grossesse.

Les cas MD sont légion dans nos établissements scolaires et dans divers milieux en Côte d’Ivoire.
Longtemps considéré comme un crime, l’avortement était jusqu’à une période récente une sorte de
tabou même chez des praticiens de soins de santé. Rares étaient les médecins, infirmiers ou sages-
femmes qui prenaient le risque d’avorter des filles enceintes. Et les décès par avortement clandestin
gagnaient du terrain. Selon une étude menée par un groupe de médecins ivoiriens dont Dr Joseph
Bénié Bi Vroh en 2007, au moins 47 mille femmes perdaient la vie par an du fait des avortements
provoqués. Selon la même étude, Les principaux déterminants des avortements étaient : la pression
familiale et sociale (27,7 %), le trop jeune âge (22,2 %), les difficultés économiques (21,3 %) et la
volonté de poursuivre la scolarité (15,5 %).

Aujourd’hui encore le risque est là mais entre-temps, la législation aussi répressive qu’elle demeure a
évolué et une interruption de grossesse n’est plus systématiquement condamnée. L’article 427
nouveau du Code pénal (19 juin 2024) autorise désormais l’interruption volontaire de grossesse (IVG)
sous certaines conditions :

– Lorsque la vie de la femme est en danger
– Lorsqu’elle est enceinte à la suite d’un viol ou d’un inceste
– Lorsque la grossesse met en péril sa santé physique ou mentale.

A partir de là, les praticiens devraient être à l’aise pour intervenir dans une Ivg sans risque d’être
poursuivis pour peu qu’ils respectent la législation. Le seul handicap cependant reste le manque
d’information et de sensibilisation de masse.

Cela doit être l’affaire des pouvoirs publics, des Ong et des médias et le message-clé à passer est
simple. Un cadre légal existe : il protège et encadre l’accès à l’IVG sécurisée.

Dans les écoles comme dans les centres de santé, il faut l’enseigner tout en insistant sur l’article 427
nouveau pour que les jeunes filles sortent de cette spirale du silence.

J’ai consulté le cahier de leçons de ma fille de Cm1 et j’ai vu un cours sur ‘’Comment éviter les
grossesses précoces’’. Quand je l’interroge, elle me récite merveilleusement la leçon. « Pour éviter
les grossesses précoces il faut éviter les rapports sexuels, il faut écouter les parents, ne pas avoir de
mauvaises fréquentations ». La leçon s’arrête là.

Pourtant à cet âge les jeunes élèves sont plus attentifs et retiennent les leçons. Il faut donc aller plus
loin et leur enseigner la voie légale à suivre pour un avortement sécurisé quand une grossesse non
désirée et précoce survient. Cela limiterait le recours à la clandestinité dû en partie à un manque
d’éducation et de sensibilisation.

L’article 427 nouveau du code pénal ivoirien comporte des avancées notables pour un avortement
sécurisé. Mais une loi seule ne saurait suffire. Il faut que les structures médicales soient prêtes à
l’appliquer. De nombreuses femmes ignorent leurs droits ou font face à des obstacles comme la
stigmatisation, le coût du traitement et l’accès aux services. Ces barrières doivent être levées pour
une meilleure santé de la reproduction.

SD à Abidjan

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