QUAND LA CEI CONVOQUE LES RELIGIONS POUR MAQUILLER UNE CRISE POLITIQUE

Par une invitation en apparence anodine, la Commission Électorale Indépendante (CEI) de Côte d’Ivoire tente d’éteindre un feu qu’elle a elle-même attisé. Ce mercredi 16 avril 2025, les confessions religieuses sont conviées à une « importante réunion d’information et d’échanges sur le processus électoral », à son siège de Cocody. Le communiqué, relayé par la presse locale précise que chaque organisation devra se faire représenter par deux personnalités. Une manœuvre de dernière minute qui ne trompe personne.

Car cette convocation survient dans un climat particulièrement tendu. Plusieurs partis politiques viennent de suspendre leur participation au processus (oui au processus) électoral, dénonçant une CEI « inféodée au pouvoir » et refusant la révision des listes électorales. Une revendication pourtant élémentaire dans toute démocratie soucieuse d’équité. En opposant une fin de non-recevoir à cette exigence, la CEI a volontairement fermé la porte à toute transparence. Dès lors, son soudain empressement à dialoguer avec les chefs religieux interroge.

Derrière cette réunion aux airs de consultation républicaine, c’est une opération de légitimation en urgence qui se joue. La CEI, désavouée par une bonne partie de la classe politique, cherche à s’appuyer sur une autre autorité morale : les leaders religieux. Leur présence, leur bénédiction implicite, seraient précieuses pour habiller un processus électoral discrédité. En convoquant l’imaginaire d’un « consensus social », on tente de reléguer les partis politiques significatifs au rang de perturbateurs isolés.

Mais les chefs religieux ne sont pas dupes. Leur rôle n’est pas d’offrir un vernis moral à des institutions défaillantes, encore moins de servir de caution silencieuse à un simulacre électoral. S’ils acceptent de répondre à cette convocation, ce ne peut être que pour rappeler à la CEI – et au pouvoir en place – que la paix sociale ne saurait reposer sur la mise à l’écart des forces politiques, de personnalités et de citoyens, encore moins sur le refus obstiné de la transparence électorale.

La mascarade ne convainc plus personne. Et le recours aux figures spirituelles pour contenir la colère citoyenne risque, à terme, de les exposer eux aussi à une crise de légitimité. Il appartient aux religions de rappeler, avec fermeté, que leur neutralité ne doit jamais devenir une complicité.

©DR KOCK OBHUSU
ÉCONOMISTE – INGÉNIEUR

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