Cette information est passée en boucle dans les médias sans qu’on ne sache exactement de quoi il en retourne. Lors du sommet Russie-Afrique de 2024, Vladimir Poutine a claironné que la Russie avait effacé pour ’’ 20 milliards de dollars de dettes africaines ’’. L’information a fait sensation, et fut reprise par toute la presse. Pourtant c’était une information brute, qui ne donnait aucun détail, ni sur les dettes, ni sur les pays bénéficiaires. Aucun média ne peut à ce jour fournir d’explication sur le contenu de cette annulation de dettes. Le flou est total.
Cette information n’est pas nouvelle. C’est en 2017 que Vladimir Poutine, recevant le Président guinéen Alpha Condé alors président de l’Union Africaine, avait pour la première fois annoncé ‘’l’annulation de 20 milliards de dollars de dettes des pays africains les plus pauvres’’, sans donner plus d’explications. Depuis, l’information est reprise dans tous les sommets Russie Afrique. En 2023, on parlait même de ‘’23 milliards’’, puis en 2024 on est revenu à ‘’20 milliards’’.
Toujours en 2017, Vladimir Poutine a également affirmé que la Russie‘’avait durant les 20 dernières années, annulé plus de 140 milliards de dollars de dettes, dont 30 milliards de dollars à Cuba et 11 milliards de dollars à la Corée du Nord’’.Tout cela reste impossible à vérifier.
Concernant les dettes annulées en Afrique, la Russie parle de ‘’réorienter les financements de cette annulation vers des projets sociaux économiques des pays concernés’’. Là encore c’est le flou. Les pays africains vont-ils rembourser leurs dettes, la Russie utilisant ensuite les fonds pour le financement des projets dans ces pays ? Un peu à l’image des programmes de désendettement mis en place par certains pays européens ? Cette annonce fut faite en 2019. En 2025, soit 06 années plus tard, on ne peut citer aucun pays où l’approche a été mise en œuvre. La Russie a certes signé beaucoup d’accords avec les pays africains depuis 2014, mais ces accords sont militaires pour la plupart.
Dans les années 70 et 80, la Somalie, l’Ethiopie, l’Angola, le Zimbabwe et l’ensemble des pays d‘Afrique australe étaient de gros clients de l’armement russe, aux côtés de l’Algérie, de l’Egypte et de la Libye, les clients traditionnels sur le continent. Il y avait des clients secondaires comme le Mali, le Congo Brazzaville, Madagascar, etc….dont les achats étaient toutefois marginaux. Après la chute de l’URSS en 1990, et les difficultés financières qui ont suivi, la Russie exigeait des paiements au comptant pour ses équipements. Ainsi peu de pays ont pu s’endetter auprès d’elle à partir de cette date, ce jusque dans les années 2010.
Ainsi si la Russie a réellement annulé des dettes, elles ont certainement été contractées lors d’achat d’armement entre les années 60 et la fin des années 80. Il y a tout lieu de croire que vu leur ancienneté, la Russie éprouvait beaucoup de difficultés à récupérer son argent, dans un contexte profondément bouleversé. La Somalie devenue un Etat failli, l’Ethiopie a changé plusieurs fois de régimes et n’est plus un client de premier plan, l’Egypte a basculé chez les occidentaux, la Libye a deux gouvernements depuis la chute de Kadhafi, le Zimbabwe est en banqueroute depuis les années 2000, les besoins militaires de l’Angola ont baissé depuis la fin de la guerre civile…etc…Seul l’Algérie est resté un client fiable. Aussi la Russie n’avait pas d’autre choix que de ’’remettre les compteurs à zéro’’.
Enfin il est fort probable que les dettes annulées n’atteignent pas le montant annoncé par les Russes. Nous sommes aujourd’hui dans une guerre de communication entre les grandes puissances, la Russie voulant certainement passer pour une nation qui a fait un « effort maximal », et donc qui se tient aux côtés des plus faibles.
Douglas Mountain
oceanpremier4@gmail.com
Le Cercle des Réflexions Libérales
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