Suspensions à la CEI : Demba Siaka et Demba Traoré ont-ils trahi leur serment (Contribution)

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Par Oupoh Laurent

Le 11 avril 2025 , qui rappelle le 11 avril 2011 dans l’histoire de la Côte d’Ivoire eu égard à la chute de Laurent Gbagbo, restera assurément une date inoubliable dans la dynamique pré-électorale de la Côte d’Ivoire. En effet, c’est ce jour que deux entités qui ont proposé des membres au sein de la Commission Électorale Indépendante (CEI), à savoir Demba Traoré du PPA-CI et Siaka Bamba du PDCI-RDA, ont annoncé leur suspension de participation aux activités de l’institution. Une décision coordonnée, qui appelle à une lecture politique lucide.

Depuis plusieurs mois, l’opinion publique s’interrogeait : comment peut-on siéger dans une institution que l’on conteste et dont on exige la dissolution ? La suspension de participation vient donc apporter une cohérence tant attendue. Mais ne nous méprenons pas : il ne s’agit pas d’une démission, encore moins d’un renoncement. Cette suspension reste réversible, et ouvre clairement la voie à un retour sous conditions. C’est une stratégie de pression plus qu’une rupture institutionnelle. Pour le moment , selon une analyse à chaud !

Dans le cas de Demba Traoré, la posture prend une tournure encore plus singulière. Dix jours avant l’annonce officielle, il écrivait déjà aux CEL du Kabadougou et du Folon pour exiger la radiation d’électeurs prétendument irréguliers. Une initiative qui n’a reçu aucun écho chez ses collègues commissaires et qui laisse penser qu’il préparait, en coulisses, le clash qu’il feint aujourd’hui de subir. Pire encore, il affirme avoir agi sur instruction de Laurent Gbagbo, violant ainsi l’esprit du serment qu’il a prêté devant la République. Peut-on encore parler d’indépendance dans l’exercice de ses fonctions ?

Son homologue Siaka Bamba, représentant du PDCI-RDA, va adopter assurément la même stratégie : suspension sans rupture, critique sans retrait, posture de victime sans preuve concrète. Cette double ambiguïté fragilise leur crédibilité personnelle autant que la parole politique de leurs formations respectives.

Mais au-delà des postures, il est nécessaire de dénoncer les amalgames qui circulent autour du processus électoral. Les partis d’opposition évoquent six millions d’irrégularités, un chiffre impressionnant mais trompeur. Une irrégularité ne signifie pas un électeur. Un même inscrit peut cumuler plusieurs manquements administratifs (photo, empreintes, filiation…). Présenter ces chiffres comme autant d’électeurs irréguliers revient à manipuler l’opinion. Suggérer que six millions d’inscrits sont frauduleux, sur une liste de 8,7 millions, dont seulement trois millions après 2010, c’est insinuer que 70 % du fichier serait faussé. Une hypothèse qui ne tient ni statistiquement, ni politiquement.

Dans ce contexte, la CEI reste droite dans ses bottes. Elle continue ses travaux, suit son chronogramme, et ne se laisse pas distraire par les soubresauts. Car au fond, ce que recherchent certains, ce n’est pas tant la réforme que le contrôle du jeu électoral.

Que les partis veuillent discuter, proposer, améliorer, soit. Mais qu’ils le fassent avec responsabilité, sans double discours. Le peuple ivoirien mérite mieux que des suspensions spectaculaires sans lendemain ou des chiffres lancés à la volée sans rigueur.

La CEI n’est pas parfaite. Mais la démocratie, elle, se construit avec des institutions, pas contre elles.

Oupoh Laurent
Analyste politique

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