La « guerre tarifaire » de Trump et le désordre mondial

Deux jours après avoir lancé sa « guerre tarifaire », Donald Trump a dû faire marche arrière et annoncer que son application serait reportée de 90 jours, sauf pour la Chine, sur laquelle il maintient, pour l’instant, un tarif de 145 % sur ses exportations. Ce recul est toutefois partiel et ne clôt pas la crise planétaire qu’il a ouverte. Trump maintient en effet des droits de douane de 25 % sur l’aluminium, l’acier et les automobiles, ce qui continue d’affecter l’Union européenne, le Canada, le Mexique, le Japon et la Corée du Sud, entre autres. Un droit de douane de 10 % est maintenu pour tous les pays.

Cette « guerre » n’est pas terminée. L’imprévisibilité de son plan, les pressions de la crise actuelle de l’économie capitaliste ainsi que les protestations massives du peuple travailleur américain peuvent encore faire changer d’avis Trump. Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour lui dire : « Bas les pattes ! »

Le recul de Trump est une preuve de sa faiblesse

Trump et son gouvernement veulent donner l’impression qu’ils maîtrisent la situation et que ce recul faisait partie d’un plan calculé pour ouvrir des négociations. Mais c’est faux.

Leur recul a été déclenché par l’hécatombe brutale qu’il a provoquée dans l’économie capitaliste américaine et mondiale déjà fragilisée. En moins d’une semaine, à cause de la chute des marchés boursiers, les principales entreprises cotées à Wall Street ont perdu la somme extraordinaire de 6 000 milliards de dollars (millions de millions) (données AP, Bloomberg, dans Clarín, 6/4/2025).

Selon Fortune, les valeurs nettes d’Elon Musk (Tesla), Mark Zuckerberg (Facebook) et Jeff Bezos (Amazon) se sont ajoutées à une perte collective de 80 milliards de dollars depuis le 2 avril dernier, date à laquelle le président a baptisé « Jour de la libération » une période durant laquelle l’économie capitaliste américaine et mondiale déjà dégradée a connu une hécatombe brutale. (Infobae, 8/4/2025). De nombreux analystes bourgeois ont décrit ce qui s’est passé comme une chute « historique », un « bain de sang » et des « conséquences dévastatrices ».

Dan Ives, analyste principal chez Wedbush Securities, avait qualifié les tarifs douaniers de Trump de « plus grand désastre jamais vu sur les marchés ». « Ce sera un Armageddon économique » (Clarín, 6/4/2025). JPMorgan, la plus grande banque américaine, a averti qu’une récession mondiale pourrait être déclenchée.

Trump s’est montré confiant quant à sa capacité à ne pas reculer. Face aux critiques et aux manifestations de rue, il n’y est pas allé avec le dos de la cuillère et a déclaré : « Ne soyez pas faibles ! Ne soyez pas stupides ! (…) et la grandeur en résultera ! » (Ambito, Argentine, 7/4/2025). Il s’en est pris aux pays du monde entier : « Ils me lèchent le cul », a-t-il raillé lors d’un dîner avec des députés républicains au cours duquel il a assuré : « Je sais ce que je fais ». (El País, 10/4/2025). Mais cela n’a duré que 48 heures.

Le New York Times a décrit la « pathétique marche et contremarche » de Trump. Et à propos du gouvernement de Trump, il a noté que « si vous engagez des clowns, vous devez vous attendre à un cirque. Et, chers compatriotes américains, nous avons engagé une bande de clowns » (Thomas L. Friedmann, dans La Nación, Argentine, 10/4/2025).

Il reste à confirmer qu’ils ont également reporté les droits de douane que Trump a imposés à deux petits îlots isolés (Heard et McDonald), peuplés uniquement de pingouins et de phoques, situés à 4 000 km au sud-ouest de l’Australie.

Le capitalisme subit la crise la plus grave de son histoire.

Le coup de pied au tableau politique et économique de Trump s’explique par le fait que le capitalisme impérialiste traverse depuis des décennies une énorme crise économique, politique, sociale et environnementale. Il ne s’agit pas d’une crise conjoncturelle.

Les socialistes révolutionnaires la considèrent comme la plus grave de son histoire, car elle est encore plus importante que la crise de 1929 au XXe siècle. D’abord et avant tout, elle est plus longue et plus étendue dans le temps que celle-ci. Elle a commencé en 2007/2008 et dure déjà depuis 17 ans. Ensuite, parce qu’elle a fini par être liée à d’autres crises et à l’aggravation de la crise environnementale provoquée par le capitalisme lui-même. Les politiques de Trump peuvent par exemple déclencher le début d’un nouveau pic aigu de crise économique.

Il s’agit d’un processus plus large de décomposition absolue et de désarroi du capitalisme impérialiste. La perspective est celle d’une aggravation de la crise économique et sociale. Cependant, elle ne pourra être surmontée qu’en luttant pour des gouvernements ouvriers qui ouvrent la voie au socialisme.

Ajoutant de l’huile sur le feu du désordre mondial du capitalisme.

Dans ce contexte, Trump lance une contre-offensive impérialiste contre-révolutionnaire. Il cherche à soumettre la politique de pillage et d’exploitation de l’impérialisme chinois, deuxième puissance mondiale, aux impérialismes mineurs, comme l’Union européenne ou la Russie et les semi-colonies. Simultanément, il tente de faire échouer les luttes du mouvement de masse et de revenir sur les acquis de la quatrième vague féministe ainsi que sur les droits de la dissidence sexuelle. Le tout est accompagné d’une offensive raciste et anti-migrants aux États-Unis et dans le monde. Mais il reste à voir où tout cela aboutira.

L’affrontement avec la Chine est un élément central de ce désordre mondial du capitalisme impérialiste. Trump est confronté à une contradiction profonde dans sa « guerre des tarifs ». Un pourcentage élevé des produits exportés de la Chine vers les États-Unis le sont par des multinationales américaines : 56 % des chaussures vendues aux États-Unis, par exemple, proviennent de la Chine et sont de marques comme Nike, qui y possède 195 usines. L’entreprise y est implantée depuis 1981. Apple fabrique la plupart de ses iPhone en Chine et en produit peu aux États-Unis. Trump va-t-il imposer des droits de douane de 145 % sur les produits de ces entreprises ? Jusqu’où Trump est-il prêt à aller ?

Selon Trump, cette « guerre tarifaire » ferait entrer les États-Unis dans « un âge d’or » et les sortirait « de leur déclin ». Il affirme avec enthousiasme que « les investissements arrivent » et que « de nouveaux emplois vont être créés ». Le « rêve américain » semblait à nouveau à portée de la main. Mais tout indique que c’est le contraire qui risque de se produire, aux États-Unis comme dans le reste du monde.

Selon les analystes impérialistes eux-mêmes, le tremblement de terre économique actuel pourrait conduire à une récession aux États-Unis et dans le monde. Cela entraînerait une nouvelle stagnation de l’économie capitaliste, avec une baisse de l’emploi et des salaires. L’inflation que Trump prétend combattre pourrait se développer dans le pays. En effet, les droits de douane sur les produits importés (nourriture, jouets, chaussures ou voitures) amèneront les entreprises à faire répercuter ces taxes sur les prix. Cela aura un impact négatif sur le niveau de vie des travailleurs américains.

La tentative de Trump de surmonter la décadence de l’impérialisme américain et le désordre mondial est vouée à l’échec. La tendance actuelle est que la crise économique mondiale s’aggrave, que les tensions et les affrontements entre classes dirigeantes s’intensifient et, surtout, que les luttes ouvrières et populaires se multiplient aux États-Unis et dans le monde entier face aux conséquences d’une pauvreté et d’une inégalité sociale accrues, provoquées par le plan de Trump et les plans d’ajustement et de réduction des gouvernements capitalistes.

La première grande réponse a commencé à être donnée par le peuple américain avec plus de 1 200 mobilisations le 5 avril dans différentes villes du pays, qui ont également été reproduites dans de nombreuses capitales européennes. Aux États-Unis, le slogan central de la mobilisation était « Hands off », dirigé contre Trump et Elon Musk. Des grèves générales ont par ailleurs eu lieu en Grèce, en Belgique et en Argentine.

Ces mobilisations marquent la voie à suivre pour affronter et vaincre les attaques réactionnaires de l’extrême droite de Donald Trump aux États-Unis et partout dans le monde.

10 avril 2020

 

Miguel Sorans

Membre des directions d’Izquierda Socialista, Argentine, et de l’Unité des travailleuses et des travailleurs – Quatrième Internationale (UIT-QI).

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