C’est la saison des soldes et du mercato pour les mercenaires du droit, prêts à vendre des
justifications juridiques et des dribbles démonstratifs au plus offrant pour soutenir des thèses
farfelues et malodorantes. Quelques fois c’est par ignorance, mais bien souvent c’est par mauvaise
foi. Nous avons entendu et lu des avocats français et ivoiriens de Tidjane Thiam dirent que son père
était français et donc qu’il l’était lui aussi à sa naissance en 1962. Malcompréhension et mauvaise
interprétation.
Oui, le père de Thiam était français (né à Dakar le 05 août 1923), mais précision de taille, ça c’était
avant l’indépendance du Sénégal le 04 avril 1960. C’est dire qu’après cette date Thiam père est
devenu exclusivement sénégalais, donc plus français (suivi plus tard d’une naturalisation ivoirienne
par Houphouët Boigny le 06 novembre 1962).
La rupture étatique (indépendance) entraîne de facto un changement de nationalité des
ressortissants de la partie détachante (nouvelle nationalité des indépendants). L’indépendance
implique le reversement de fait des ressortissants et originaires du nouvel État à la nationalité
revendiquée par l’État nouvellement créé. Avec perte de l’ancienne nationalité et acquisition
automatique de la nouvelle. Chaque ex-colonisé avait donc systématiquement la nouvelle nationalité
de ses origines géographiques.
Les Sud-soudanais peuvent-ils aujourd’hui revendiquer la nationalité soudanaise parce qu’étant
soudanais hier (indépendance du Sud-Soudan du Soudan en 2011) ? Les érythréens doivent-ils
réclamer la nationalité éthiopienne et revendiquer les mêmes droits qu’eux, parce qu’étant éthiopiens
hier (indépendance de l’Érythrée de l’Éthiopie en 1993). Que dire de l’Autriche-Hongrie, du Kosovo
face à la Serbie, et de bien d’autres nations ?
Autrement, pendant qu’on y est :
1. Pourquoi, si le détachement juridique et légal n’est pas suivi d’effet en termes de nationalité, tous
les français de l’époque et leurs descendants ne sont eux-mêmes pas devenus sénégalais ou ivoiriens
également par réciprocité ou communauté identitaire ?
2. Selon le raisonnement de « la nationalité à la naissance » tous les africains francophones sont
donc tous de nationalité française, pas les Thiam seulement. Car nos parents, grands-parents et
arrière-grands-parents étaient aussi tous français à l’époque coloniale. Il s’ensuit donc qu’eux étant
français et nous étant nés d’eux, tous les originaires des anciennes colonies françaises sont alors
français de naissance. Est-ce le cas ? Pourquoi l’État français nous demandent alors des visas et
expulsent ‘ses propres compatriotes français d’Afrique’ ?
En guise de témoignage, nous même qui écrivons en ce moment ces lignes, avons eu nos deux
parents qui ont séjourné en France, pour cause d’une formation professionnelle en ce qui concerne
le père et pour faire du tourisme quant à la mère. Bien que tous deux soient nés pendant la
colonisation, donc directement français à la naissance, chacun a sollicité et obtenu un visa en bonne
et due forme avant de se rendre sur le territoire français. Procédure normale et obligatoire, vu
qu’après l’indépendance en 1960 ceux-ci sont devenus exclusivement ivoiriens et ne sont plus
français. Que dire donc de leurs enfants ? Puis-je dire que je suis français parce que mon père et ma
mère l’ont été à un moment donné de leur vie ? La réponse est non ; et c’est la situation de nombre
de personnes aujourd’hui. Attention à ne pas mélanger les contextes socio-historico-juridiques.
3. La grande France avec ses nombreux experts et spécialistes du droit va-t-elle naturaliser son
propre citoyen d’origine. Le dossier de naturalisation de Thiam contenait nécessairement les infos
sur ses parents, la date de naissance et la nationalité de son père.
4. Thiam père est décédé à Rabat au Maroc le 06 janvier 2009. Il était donc bien vivant lorsque son
fils Tidjane Thiam partait en France en 1980 pour les études. Le père n’a t’il jamais dit au fils, au
détour d’une causerie, qu’ils étaient tous français, ou même un des six aînés de Tidiane n’a t’il jamais
parlé de ce sujet ? Invraisemblable.
5. Avec quel passeport Tidjane Thiam est-il parti en France ? Là réside une des clés de toute cette
affaire. En effet, si le fils était déjà français de naissance, pourquoi se fait-il délivré un visa au lieu
d’un passeport français ? Si c’est un visa qui lui a été délivré, ce que son père ne pouvait ignorer, vu
le jeune âge de son fils en ce temps pourquoi son père intellectuel confirmé s’est-il tu et n’a pas
réclamé en lieu et place un passeport français pour son fils ?
Et si c’est avec un passeport français, pourquoi peut-on encore le naturaliser ? Et pourquoi acceptet-il également une naturalisation, plutôt que la délivrance d’un certificat de nationalité vu qu’il est
déjà français ?
Les avocats de Thiam peuvent-ils brandir un courrier de protestation, d’interpellation ou de
réclamation adressé aux autorités françaises de la part de Thiam père ou fils suite à cette
‘incohérence’ et ‘injustice’ faite à Tidjane ce citoyen français de ‘naissance’ ? Pourquoi est-ce une
quarantaine d’années après que subitement de manière opportuniste Thiam se découvre une francité
de naissance ?
6. Les avocats français et ivoiriens de Thiam allèguent que l’État français s’est trompé en
naturalisant Thiam vu que ce dernier est français de naissance. En le disant, ils admettent qu’un État
puisse se tromper. Sauf que dans cette affaire, si un État s’est trompé c’est bien l’État ivoirien, qui a
permis la délivrance de certaines pièces et positions exclusivement réservées aux Ivoiriens.
(présidence de parti politique, inscription sur la liste électorale, etc.), vu qu’il a déjà perdu depuis le
1er mars 1987 la nationalité ivoirienne suite à sa naturalisation. Ce, conformément à l’article 48 du
code de la nationalité ivoirienne de 1961, qui dit : « perd la nationalité ivoirienne l’ivoirien majeur
qui acquiert volontairement une nationalité étrangère, ou qui déclare reconnaître une telle
nationalité ».
7. La seule preuve à apporter, si elle existe et ce dont nous doutons fort, c’est la naturalisation
française du père de Tidjane Thiam avant la naissance de ce dernier en 1962. Sans cela tout est de
la pure distraction et de l’affabulation. Thiam fils n’est pas né français, comme son père n’était plus
français après l’indépendance de son pays d’origine.
Le mensonge, la manipulation, la forfaiture et l’imposture ne passeront pas. Seuls les ignorants
croient tout ce qu’on leur raconte. L’histoire et les faits sont têtus.
Un observateur anonyme de la vie politique ivoirienne.
Commentaires Facebook