Les déguerpissements vont-ils reprendre après les élections ?

Dans une bien curieuse publication diffusée sur le réseau social X et repris par les principaux organes d’information le Lundi 07 Avril dernier, le gouverneur Bacongo, au bas d’un poster de sa personne déclare :

@IbrahimaBacongo

« Je voudrais qu’on puisse me dire à la fin de ma mission : « Ce fut dur pour lui, mais il a essayé. Ce fut compliqué, on l’a conspué, insulté, on lui a jeté des pierres, mais à la fin, il a réussi ». Alors oui, je fais un sale boulot, le sale job, mais je suis convaincu que l’histoire reconnaîtra que je l’ai fait dans l’intérêt commun. », Déjeuner de presse, janvier 2025 »

l’homme semble reconnaître de nouveau la souffrance qu’il a infligée aux populations. Déjà dans son allocution lors des festivités du feu d’artifice du 31 Décembre, il avait prononcé un discours similaire, promettant au passage la construction de « 15 000 logements » pour les déguerpis. Ainsi après avoir tétanisé l’opinion par son caractère impitoyable et impassible, il admet aujourd’hui avoir effectué le « sale boulot ». S’il faut saluer l’humilité de l’homme, la déclaration ne lève pas forcément toutes les inquiétudes. Une question centrale demeure : a-t-on fini avec les déguerpissements, ou faut-il s’attendre à de nouvelles souffrances pour les populations des quartiers précaires si le parti au pouvoir remporte les élections et si Bacongo est maintenu à son poste de gouverneur ?

Il faut rappeler que sur une liste de 176 sites à déguerpir, seulement une vingtaine ont été rasés. Il reste donc plus de 150 zones à déguerpir. Le gouverneur Bacongo compte-t-il s’arrêter là ? Ou va-t-t-il reprendre là où il s’était arrêté une fois la page des élections tournée ? Aussi longtemps qu’une réponse claire n’aura pas été donnée à cette question, les populations de ces zones vivront dans l’angoisse.

Bien qu’il soit homme de loi, Bacongo a foulé au pied cette disposition contenue dans le code de l’urbanisme qui commande d’indemniser avant de déguerpir et non l’inverse, et de fournir un site de recasement aux populations impactées. Il s’est souvent appuyé sur des mises en demeure datant de cinq ou dix ans, voire plus, pour justifier des opérations menées avec brutalité, et du jour au lendemain. Les populations ont été abandonnées à leur sort.

Aujourd’hui les populations des quartiers précaires ont d’autant plus de raisons d’être inquiètes que tout le monde sait que la « pause » décrétée par le gouvernement dans les déguerpissements, a été imposée au gouverneur Bacongo. L’homme avait la ferme intention de poursuivre, même dans ce contexte électoral. On a dû frapper du poing sur la table pour l’amener à entendre raison. Seul contre tous, alors que tout le monde y compris dans son propre camp lui recommandait la modération dans ses actions, l’homme était insensible aux critiques. Sa publication du 07 Avril, si elle se veut apaisante, ne lève pas toutes les inquiétudes. Elle laisse percevoir que la fixation de raser et démolir le dévore toujours.

L’image du pouvoir a été fortement abîmé dans les déguerpissements, il y a aujourd’hui un fossé entre lui et les populations des quartiers précaires. Bacongo a totalement ruiné le bilan social du régime. Les déguerpissements seront certainement un thème de la campagne à venir. L’homme a fait un grand tort à son camp dans son excès de zèle.

Certes il a aussi posé des actions notables, notamment la construction d’un nouveau marché fruitier, l’embellissement de la zone du banco, des abords de la grande mosquée d’Adjamé, et de certains autres endroits. Dans sa courte publication, le gouverneur Bacongo dit être convaincu que l’histoire retiendra qu’il a agi dans l’intérêt commun. Un bel optimisme pour quelqu’un qui s’est livré à autant de destructions.

En fait l’histoire risque surtout de retenir l’image de ces familles dans le désarroi total, au milieu des gravats des quartiers détruits, se lamentant, cherchant des objets à emporter, et implorant la clémence des autorités. Ces images ont inondé les réseaux sociaux et les écrans de télévision, et ont déclenché des condamnations au-delà des frontières ivoiriennes. Elles risquent d’être à jamais associées à son œuvre en tant que gouverneur du district d’Abidjan. C’est cela que l’histoire risque de retenir.

Douglas Mountain

oceanpremier4@gmail.com

Le Cercle des Réflexions Libérales

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