@uel est le meilleur avion de combat ?
Alors que le F-35 est un concentré de technologies misant sur la furtivité et la connectivité, le Rafale a pour lui sa polyvalence et sa carrière opérationnelle. Plutôt foudre américaine ou bourrasque française ? F-35 ou Rafale, les deux chasseurs sont au centre de l’attention. L’un représente à lui seul la dépendance européenne à l’industrie militaire de l’Oncle Sam ; l’autre est une fierté bleu blanc rouge qui pourrait s’imposer comme alternative au premier.
Au-delà de leurs atouts et de leurs faiblesses, choisir l’un des appareils plutôt que l’autre repose souvent sur des considérations stratégiques, économiques et politiques. Le F-35 offre une intégration dans l’écosystème militaire américain et des capacités technologiques de pointe, tandis que le Rafale propose une solution plus autonome, polyvalente et probablement plus économique sur le long terme.
Plus cher programme d’armement de l’armée américaine, le F-35 Lightning II de Lockheed Martin a été admis au service actif en 2015, 15 ans après le vol d’un prototype. Ce chasseur de cinquième génération, qui remplace le F-16 vieillissant, est présenté comme l’avion de combat « le plus létal, le plus résistant et le plus connecté au monde ».
Ordinateur contre omnirôle
Si chaque fabricant peut argumenter de la létalité et de la résistance de son produit, la connectivité est la caractéristique centrale du F-35. « C’est un avion qui est le nœud d’un réseau pour toutes les fonctions, de la logistique au partage de renseignements », explique Jean-Christophe Noël, ancien officier de l’armée de l’air et chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Véritable ordinateur volant, le F-35 doit régulièrement être « mis à jour » sur le tarmac. Chaque F-35 qui vole dans le monde transmet plusieurs milliers de données (vitesse, altitude, état du moteur, etc.) en temps réel qui sont traitées aux États-Unis. Rien ne peut être caché. Plus qu’un bouton on-off caché que pourraient activer les Américains pour clouer au sol les avions, c’est l’absence de mise à jour qui fait perdre à l’avion ses capacités et le rend inutilisable.
De son côté, le développement du Rafale a commencé dans les années 1980 pour remplacer les iconiques Mirage. L’appareil construit par Dassault entre en service en 2004. C’est un avion « évolutif », conçu dès le départ pour être « omnirôle », c’est-à-dire capable de réaliser différents types de missions : supériorité aérienne, dissuasion nucléaire, appui air-sol, luttes antinavires… Plus moderne qu’un modèle de quatrième génération, mais pas assez récent non plus pour prétendre à la cinquième, le Rafale est souvent qualifié d’avion de 4,5 génération.
L’« excellente fiabilité » du Rafale
Le F-35A (version la plus commune) pèse 13 tonnes à vide et peut aller jusqu’à Mach 1,6 (1 958 km/h), avec un rayon d’action d’un peu plus de 2 000 km. Il est armé d’un canon de 25 mm et peut emporter dans ses soutes deux missiles air-air et deux bombes guidées GBU-31 de 2 000 livres (907 kg). Surtout, l’avion est furtif. Sa surface et son profil lui permettent de ne pas être détecté par les échos radars.
Le Rafale n’a pas cette capacité de furtivité, sacrifiée pour porter simultanément différentes armes avec 14 points d’emport. L’avion français évolue à Mach 1,8 (2 203 km/h) et peut emporter 9,5 tonnes, soit l’équivalent de son poids à vide (10 tonnes) : missile air-air longue portée Meteor, missile de croisière Scalp, bombes à guidage laser. Un canon de 30 mm complet de l’armement.
Dassault met régulièrement en avant l’« excellente fiabilité » du Rafale, qui permet des « coûts de maintenance considérablement réduits ». À l’inverse, le développement du F-35 a connu de nombreux déboires.
Pendant un temps, l’appareil ne pouvait tout simplement pas voler par temps orageux. Un comble pour un avion auquel on a accolé le surnom Lightning (« foudre »). Le coût de l’heure de vol s’élève à 42 000 dollars. Enfin, depuis 2018, 11 accidents impliquant le F-35 ont eu lieu, obligeant souvent les pilotes à s’éjecter en catastrophe.
Le F-35 moins cher
Actuellement, plus de 1 110 F-35 ont été produits. Avec les États-Unis, 19 pays se sont tournés vers l’appareil, notamment en Europe : Allemagne, Belgique, Grèce, Suisse, Royaume-Uni, Norvège… Plus d’utilisateurs et d’avions en service signifie plus d’échanges de données, de retours d’expérience et un coût de production moindre. Le rythme de production prévu pour 2025 est de 170 à 190 F-35.
Après une (longue) traversée du désert commercial, Dassault a vendu ses premiers Rafale hors de France à l’Égypte, en 2015. Depuis, huit pays ont choisi le Rafale, dont le rythme de production va atteindre 25 appareils en 2025 contre 21 l’année précédente. Malgré un carnet de commandes plein, Dassault peine à augmenter le rythme de production.
Outre les usines de l’avionneur français, il faut aussi compter sur 400 entreprises françaises et 7 000 personnes pour concevoir les 300 000 pièces du Rafale. Une goutte d’eau en comparaison avec les 1 650 entreprises et 250 000 salariés réunis autour de Lockheed Martin pour concevoir le F-35.
Cet écart d’échelle fait que, généralement, le Rafale reste sans doute plus cher que le F-35, même si les prix exacts restent confidentiels. À titre de comparaison, la Serbie, dernier client en date, a signé pour 12 Rafale pour un montant de 2,7 milliards d’euros, soit 225 millions par appareil. En 2010, la Belgique a signé un contrat de 3,8 milliards d’euros pour l’achat de 34 F-35, soit un peu plus de 111 millions par appareil.
Fil à la patte américain
Toutefois, ces montants sont à nuancer. Ils ne prennent pas en compte les accords de maintenance, la livraison de pièces, l’armement, la formation des pilotes et les infrastructures nécessaires. Le coût total de possession sur la durée de vie des appareils peut ainsi varier considérablement et inverser l’équation économique initiale.
De plus en plus de pays comprennent qu’acheter le F-35, c’est avoir un fil à la patte avec les États-Unis, quand le Rafale permet d’être indépendant. Cette dimension stratégique devient un argument de poids dans les négociations commerciales, particulièrement pour les nations cherchant à diversifier leurs partenariats militaires.
Si les Rafale et les F-35 ont déjà volé ensemble et participé à des exercices conjoints, rien n’a spécifiquement filtré sur des duels (fictifs) entre les deux appareils. Avec sa furtivité, l’avion de Lockheed pourrait tirer avant d’être vu et avoir un avantage certain.
Sa furtivité en fait un outil idéal pour frapper les arrières adverses alors que les défenses sol-air sont de plus en plus durcies, comme le montre la guerre en Ukraine. Le Rafale aurait pour lui sa large gamme d’armement, sa manœuvrabilité et sa fiabilité éprouvée en opération. En espérant que ce duel reste avant tout commercial.
Par Clément Machecourt
Le Point
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