Coup de théâtre: L’Afrique avait-elle besoin de Qatar pour faire asseoir Tshisekedi et Kagame à la même table ?

L’Union Africaine fait l’objet depuis de moqueries sur les réseaux sociaux, incapable de faire asseoir Kagame et Tshisekedi, autours d’une même table de négociation.

Rencontre surprise entre les présidents Tshisekedi et Kagame à Doha, un cessez-le-feu évoqué

Sous la médiation de l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani, les chefs d’Etat congolais et rwandais « ont réaffirmé l’engagement de toutes les parties en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel », selon le ministère des affaires étrangères qatari.

Le Monde avec AFP

Les présidents congolais, Félix Tshisekedi, et rwandais, Paul Kagame, se sont rencontrés dans le plus grand secret, mardi 18 mars à Doha, où ils ont discuté d’un possible cessez-le-feu pour tenter de mettre fin au conflit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Cette rencontre surprise a eu lieu alors que des pourparlers entre Kinshasa et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), qui devaient se tenir le même jour en Angola, n’ont finalement pas eu lieu.

Le conflit dans l’est de la RDC s’est intensifié ces derniers mois. Le M23, piloté, selon des experts des Nations unies (ONU), par l’armée rwandaise, a lancé à la fin de janvier une offensive d’envergure, s’emparant en l’espace de quelques semaines des deux grandes villes de l’Est congolais, Goma et Bukavu.

RDC: L’Angola annonce des « négociations directes » entre Kinshasa et la rebellion du M23

Médiateur de l’Union africaine (UA) dans cette crise, le président angolais, Joao Lourenço, avait invité la RDC et le M23 à « entamer des négociations directes de paix » mardi à Luanda. Ces pourparlers devaient être les premiers entre Kinshasa et le M23 depuis la résurgence du groupe armé, à la fin de 2021. Mais dans la soirée, le ministère des affaires étrangères angolais a déclaré dans un communiqué que les négociations prévues n’avaient finalement pas eu lieu « en raison d’événements de force majeure ».

Peu après, le ministère des affaires étrangères qatari annonçait qu’une rencontre entre les chefs d’Etat congolais et rwandais s’était, en revanche, tenue dans la journée à Doha, sous la médiation de l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani. « Les chefs d’Etat ont réaffirmé l’engagement de toutes les parties en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel », a-t-il déclaré dans un communiqué qui ne fait aucune mention du M23. Ils ont également « convenu de la nécessité de poursuivre les discussions entamées à Doha afin d’établir des bases solides pour une paix durable ».

Le ministère qatari a publié une photo sur le réseau social X montrant Félix Tshisekedi et Paul Kagame assis dans des fauteuils placés face à face, le regard tourné vers l’émir affichant un large sourire. Selon une source proche de la présidence congolaise, cette rencontre a été tenue « secrète » jusqu’à la montée de M. Tshisekedi dans un avion de retour pour Kinshasa.

Coup de théâtre

« Un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel vient d’être décidé entre la RDC et le Rwanda », a annoncé sur X, tard dans la soirée, Tina Salama, la porte-parole du président congolais. « Les modalités de l’exécution de ce qui a été convenu seront précisées dans les jours qui viennent », a toutefois nuancé la cellule de communication de la présidence congolaise dans un communiqué. Dans la nuit, la présidence rwandaise a affirmé que les dirigeants avaient discuté « du besoin urgent d’un dialogue politique direct » pour répondre aux « causes profondes du conflit ». « Le président Kagame a fait part de sa conviction que si toutes les parties travaillent ensemble, les choses peuvent avancer plus vite », a-t-elle ajouté sur X.

L’annonce de cette rencontre entre deux présidents qui nourrissent ouvertement une animosité réciproque est un coup de théâtre, alors que les regards étaient tournés vers les tentatives, toutefois compromises, de Luanda pour résoudre la crise. Kinshasa, qui a jusqu’ici rejeté toute discussion avec le M23, considéré par les autorités congolaises comme un « groupe terroriste », ne s’était cependant pas engagé à mener des négociations directes avec le groupe armé.

Le M23, qui dit défendre les intérêts des populations tutsi dans l’est de la RDC, avait quant à lui déclaré qu’une délégation serait présente pour « prendre part au dialogue direct à la demande des autorités angolaises ». Mais lundi soir, il a fait volte-face et annoncé qu’il ne participerait pas, estimant que « les sanctions successives imposées à [ses] membres, y compris celles adoptées à la veille des discussions de Luanda, compromettent gravement le dialogue direct ». L’Union européenne (UE) a pris lundi une nouvelle série de mesures contre les acteurs du conflit, visant plusieurs dirigeants du M23, dont son chef, Bertrand Bisimwa, mais aussi plusieurs responsables de l’armée rwandaise.

Jusqu’ici toutes les tentatives diplomatiques pour mettre fin au conflit en RDC ont échoué. A la mi-décembre, les présidents Tshisekedi et Kagame devaient se rencontrer à Luanda en vue d’un accord. Mais les deux parties n’ont jamais réussi à s’accorder sur les termes, aboutissant à l’annulation du sommet à la dernière minute.

L’est de la RDC, région riche en ressources et frontalière du Rwanda, est ravagé depuis trente ans par des violences impliquant une myriade de groupes armés ainsi que certains pays voisins défendant leurs propres intérêts, notamment économiques. Les dernières violences ont fait plusieurs milliers de morts et forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leur foyer, selon l’ONU et le gouvernement congolais.

Avec Le Monde et AFP

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