Covid-19: Comment le confinement de 2020 a profondément altéré notre mémoire et nos souvenirs

A l’inverse d’autres événements historiques, la crise du printemps 2020 n’a pas stimulé, mais altéré nos capacités mnésiques, ce qui pose des défis singuliers aux historiens.

Par William Audureau

Le confinement, quel confinement ? Mémorisation en berne, pauvreté des souvenirs, difficultés à dater les événements… Cinq ans après l’entrée en vigueur de restrictions sanitaires inédites en France, le 17 mars 2020, la recherche scientifique s’accorde à dire qu’aucun événement contemporain n’a autant déréglé notre mémoire, et ce, à différents niveaux.

Des capacités cognitives durablement touchées

Difficultés à trouver ses mots, à se remémorer des détails de la journée, confusion sur la date du jour… Dès 2020, des personnes hypermnésiques ont senti leur « superpouvoir » perdre en efficacité. Les personnes vulnérables ont été encore plus touchées. Aux Pays-Bas, le déclin des capacités cognitives de malades d’Alzheimer s’est accéléré depuis l’instauration des mesures sanitaires.

Même pour des personnes sans terrain pathologique particulier, les dégâts ont perduré.

En Angleterre, une étude de l’université d’Exeter publiée en novembre 2023 a montré une « détérioration sérieuse » des fonctions cognitives des plus de 50 ans après le confinement, avec des effets sur la mémoire pendant plus d’un an.

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Que sont les troubles cognitifs décrits dans la forme COVID long ?

Andrea Brioschi Guevara, neuropsychologue et chargée de cours à la faculté de psychologie – Université de Genève

Il y a eu une profusion d’études de plus ou moins bonne qualité décrivant des troubles cognitifs après une infection au COVID. Mais ce qui a été clairement démontré, c’est qu’il existe un ensemble de troubles pouvant toucher la mémoire, les fonctions exécutives (qui nous servent à viser un objectif tout en s’adaptant aux aléas de la vie quotidienne) , le raisonnement logique et l’attention. Parmi les patients qui viennent en consultation dans notre Centre Mémoire, la plupart se plaignent au premier plan de « fatigue cognitive », pour exécuter des tâches qui leur semblaient auparavant faciles. Il est très probable que ces efforts épuisent leurs ressources attentionnelles et que cela rejaillisse sur l’ensemble de leurs fonctions intellectuelles. De façon très intéressante, ces troubles ne peuvent pas toujours être expliqués par une maladie préexistante, ni par les traitements reçus pour soigner l’infection ou le passage éventuel en soins intensifs, mais ils seraient plutôt dus à l’infection elle-même. De plus, ils peuvent toucher des personnes ayant eu une forme modérée voire légère de COVID, indépendamment du fait d’avoir perdu ou non l’odorat lors de l’infection.
fatigue chronique.

Sait-on ce qui pourrait expliquer cette fatigue cognitive et l’impact de l’infection au COVID sur le cerveau ?

De nombreuses recherches sont en cours pour déterminer les mécanismes en cause. Plusieurs facteurs intrinsèques et extrinsèques à l’infection interviennent dans cette fatigue cognitive. Les hypothèses proposées sont une réaction inflammatoire ou immunitaire persistante, un état dépressif ou anxieux, des troubles du sommeil.

Quels types de mémoire peuvent être plus particulièrement touchés ?

Les types de mémoire qui se sont révélés être les plus altérés après une infection par le COVID sont la mémoire épisodique (les souvenirs des évènements de notre vie) et la mémoire de travail. En ce qui concerne la mémoire épisodique, pour savoir s’il s’agit d’un problème de stockage des informations en mémoire ou de leur récupération, on a recours à des tests où les patients doivent retenir une liste de mots qui appartiennent à différentes catégories. On leur demande ensuite de rappeler ces mots, soit sans aide (rappel libre), soit en leur donnant les indices des catégories des mots (« fruits » par exemple). Si les indices les aident à se rappeler mieux, cela signifie qu’ils avaient encodé l’information mais la récupération était défaillante. Si même avec des indices, les patients ne se rappellent pas, cela montre qu’ils n’ont pas « stocké » correctement l’information. Dans une majorité des cas de COVID long, c’est l’étape de récupération en mémoire qui est la plus altérée.

L’autre forme de mémoire qui peut être atteinte dans le COVID long est la mémoire de travail, mémoire à court terme qui permet de garder en tête une information juste le temps de la traiter. La mémoire de travail est essentielle pour le raisonnement, la compréhension, le traitement de plusieurs tâches en parallèle, et c’est donc très handicapant lorsqu’elle est affectée.

Le « brouillard mental » est-il spécifique du COVID ou décrit dans d’autres maladies ?

Le terme de « brouillard mental » a été utilisé par les patients atteints de COVID long et repris par les médias pour décrire la perte des moyens intellectuels qu’ils ressentaient. On a aussi utilisé la terminologie de « brouillard mental » dans le cadre des troubles cognitifs dus à une fatigue mentale, qu’elle qu’en soit l’origine.

Les troubles cognitifs liés au COVID long sont-ils irréversibles ou peuvent-ils s’atténuer ou se soigner ?

Les troubles cognitifs s’atténuent et se résolvent, avec du temps et du repos. Il est important de ne pas nier qu’il peut exister des difficultés avérées, nécessitant parfois des adaptations du travail pendant un ou plusieurs mois selon les cas. Des stratégies de prise en charge peuvent aussi être mises en place. Des séances organisées en groupe avec un neuropsychologue permettent aux patients d’obtenir des informations validées sur le COVID long, la fatigue cognitive, les différentes formes de mémoire, les fonctions exécutives et d’apprendre des méthodes pour optimiser leur attention, améliorer leur mémoire, compenser les défaillances…

https://www.observatoireb2vdesmemoires.fr/publications/limpact-du-covid-long-sur-la-memoire

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