Du 27 Septembre au 09 Novembre 2020, alors que le monde entier vivait la pandémie du COVID, une guerre d’un nouveau genre se déroulait entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, concernant le haut Karabakh, cette région peuplée majoritairement d’Arméniens mais située en Azerbaïdjan. C’est au cours de cette guerre que les drones d’attaques furent utilisés pour la toute première fois, et de façon massive. Depuis 1990 date de leur indépendance de l’Union Soviétique, ces deux pays se sont affrontés plusieurs fois. L’Arménie finissait toujours par avoir le dessus grâce à ses nombreuses divisions de chars.
L’armée arménienne était vue comme la plus efficace de la région. Mais en Septembre 2020, l’Azerbaïdjan a engagé le Bayraktar TB-2, un drone d’attaque de fabrication turque. C’était le baptême du feu pour ce drone, qui a décimé les divisions de chars arméniens à la stupéfaction générale. Ce drone a une caméra embarquée, et on pouvait ainsi voir en temps réel les dégâts infligés aux chars arméniens. L’Arménie a capitulé au bout d’environ 06 semaines de combat.
Ce même Bayraktar TB-2 a retourné de façon spectaculaire la situation en Ethiopie. Après une année de conflit ( Novembre 2020-Novembre 2021) avec le gouvernement central d’Addis-Abeba, les rebelles du Tigrée avancent inexorablement vers la capitale éthiopienne. Ils sont signalés à moins de 190 Km d’Addis-Abeba lorsque le premier ministre éthiopien Abiy Hamed effectue d’urgence un voyage en Turquie, officiellement pour sceller des accords économiques. En réalité, il était allé négocier l’acquisition du Bayraktar TB-2. Dès l’entrée en action de ce drone, le sort des rebelles du Tigré fut scellé. Ils ont reculé jusque dans leur bastion du Tigrée, avant de capituler.
Conçu pour traquer et frapper avec précision les objets petits et mobiles, ce drone est aujourd’hui ce qui se fait de mieux pour des « frappes chirurgicales » dans des conflits de basse intensité, ou asymétrique. Capable de voler 27 heures d’affilée et de frapper une cible de moins de 2 mètres d’envergure à 8 km de distance, ce drone est de l’avis des spécialistes une arme efficace à 100% contre les rébellions ou conflits assimilés. Des djihadistes à moto ou sur des pick-up n’auraient aucune chance d’en réchapper, même de nuit, car il est équipé d’une caméra à vision nocturne.
Par un pilonnage méthodique opéré par le bayraktar TB-2, l’armée nigériane a pu déloger le groupe Boko Haram de la vaste forêt de Sambisa où elle ne pouvait s’aventurer sans accuser de lourdes pertes. En Éthiopie, au Nigéria, ce drone a effectué le travail dont des divisions de soldats étaient incapables, y compris l’aviation conventionnelle. Au Sahel, les armées se sont mises aux drones. C’est par un bombardement aux drones que la ville de Kidal fut libérée. Globalement aujourd’hui les attaques ont baissé d’intensité au Sahel parce que les drones assurent à la fois la surveillance et les frappes de jour comme de nuit, des frappes ciblées sans dommages collatéraux dans la population environnante.
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Défilé de blindés lors des festivités de l’an 64 de l’indépendance. Aujourd’hui l’utilisation
des blindés est remise en cause par les drones.
La Côte d’Ivoire semble ne pas avoir pleinement conscience de ce tournant. On a certes aperçu des drones lors du défilé militaire de l’indépendance en Août 2024, mais ce sont des drones de surveillance. Ces drones n’effectuent de frappes, ce ne sont pas des drones d’attaque, et en cela l’armée ivoirienne est en train d’accuser du retard dans l’utilisation offensive des drones. Tout le matériel impressionnant vu lors du défilé militaire d’Août 2024 (chars, blindés, canons mobiles, pièces d’artillerie, etc………) peut être aisément neutralisé par un ennemi qui utilise des drones, à l’image de ce qu’on a observé dans le conflit en l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et qu’on observe aujourd’hui en Ukraine, où les drones utilisés par celle-ci empêchent les russes d’engager massivement leurs chars et blindés, ceux-ci sont aussitôt repérés et détruits.
La Côte d’Ivoire a acquis 04 hélicoptères d’attaque flambant neuf en 2024 auprès d’un groupe chinois. Ce choix stratégique est contestable, partout en Occident les armées mettent à l’arrêt leurs programmes de développement des hélicos au profit des drones, jugés moins onéreux à opérer, à l’inverse des hélicoptères, qui requièrent des équipages à la fois pour le vol et la maintenance au sol. La guerre d’Ukraine nous apprend que le drone a désormais déclassé à la fois le char, le blindé, l’hélicoptère, et même l’aviation conventionnelle à certains égards. L’hélicoptère peut toujours être utilisé pour projeter des hommes sur le théâtre d’opération. Mais son intervention dans les combats est aujourd’hui remise en cause par les drones. Et cela, l’armée ivoirienne semble ne pas l’avoir pleinement assimilé.
Dans sa lutte contre les rebelles du M-23, la RDC a compris tardivement qu’elle devait miser sur les drones, ce qui lui aurait permis de frapper de façon préventive les dépôts logistiques, les dépôts d’armes et toute concentration de troupes ennemis de jour comme de nuit. C’est cela qui est intéressant avec le drone, 24 heures sur 24 on peut engager l’ennemi et ne lui laisser aucun répit. Si la RDC utilise massivement les drones, elle pourra retourner le cours de ce conflit, comme on l’a vu en Ethiopie et au Nigéria, et comme on le voit aujourd’hui au Sahel où traqués jour et nuit par les drones, les djihadistes sont désormais sur la défensive.
Douglas Mountain
oceanpremier4@gmail.com
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