Le camp du 43ᵉ bataillon d’infanterie de marine va passer, aujourd’hui, entre les mains de l’armée ivoirienne, mais la présence française va se maintenir dans le pays, dans une formule plus flexible.
Par Marine Jeannin (Abidjan, correspondance) et Elise Vincent
Le président ivoirien l’avait annoncé lors de ses vœux de fin d’année, le 31 décembre 2024 ; ce devrait être chose faite, jeudi 20 février. A l’issue d’une cérémonie en présence du ministre ivoirien de la défense, Téné Birahima Ouattara, et du ministre français des armées, Sébastien Lecornu, la France doit rétrocéder à la Côte d’Ivoire, jeudi, le camp militaire du 43e bataillon d’infanterie de marine, situé dans la commune de Port-Bouët, à Abidjan, qu’elle occupait depuis 1978. Une étape-clé dans le réaménagement du dispositif militaire français en Afrique, amorcé en 2022, mais aussi la fin d’une longue négociation entre Paris et Abidjan.
La rétrocession du camp de Port-Bouët, qui doit prendre désormais le nom du premier chef d’état-major de l’armée ivoirienne, Thomas d’Aquin Ouattara, a débuté en avril 2023. C’est à cette date que la France a discrètement commencé à retirer ses premiers effectifs. Le mouvement n’a été finalisé que le 20 janvier, avec l’arrivée d’un premier bataillon de 90 parachutistes ivoiriens dans le camp, aux côtés de militaires français. Un passage de relais par étapes a ensuite été organisé en vue de la cérémonie du 20 février, afin qu’à cette date, la rétrocession de la base soit véritablement opérationnelle.
Au-delà des affichages, le retrait militaire français de Côte d’Ivoire n’est pas assorti d’une rupture politique comme au Mali, au Burkina Faso, au Niger, voire au Tchad. Alors qu’environ 1 000 soldats étaient encore présents en Côte d’Ivoire fin 2023, leur effectif a été progressivement réduit à 600 en 2024, puis entre 300 et 400 aujourd’hui, selon les sources. C’est seulement d’ici à l’été que le seuil le plus bas devrait être atteint, pour maintenir une centaine de soldats de façon semi-permanente en fonction des rotations.
Les soldats français restitueront officiellement le camp du 43e BIMA aux autorités ivoiriennes ce jeudi 20 février 2025.
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Nouvelle coopération
Même avec ces effectifs réduits, les Français ne vont pas déserter le pays. La base de Port-Bouët est seulement « rétrocédée ». Le détachement français pourra y continuer ses activités. Une école nationale à vocation régionale des systèmes d’information et de communication, soutenue par la France, va notamment y poursuivre ses activités. Il s’agit d’un domaine très sensible pour les armées, signe d’une forte confiance entre Paris et Abidjan. La France doit aussi rester impliquée dans l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme, à Jacqueville, en périphérie d’Abidjan, et à l’Institut de sécurité maritime interrégional, également dans la capitale économique.
Selon la lettre d’information Africa Intelligence, les Français devraient également garder la main sur leur dépôt de munitions, tout en gardant la possibilité d’engager des moyens aériens (ravitailleur et hélicoptère notamment), si nécessaire. « Il n’y aura pas de déploiement permanent de l’armée de l’air, mais des déploiements temporaires sont envisageables pour des exercices d’interopérabilité avec l’armée de l’air ivoirienne », détaille le cabinet de M. Lecornu. Les forces françaises conserveront aussi « un lot de véhicules nécessaires » aux activités du partenariat militaire, confirme l’entourage du ministre.
Le 43e BIMA de Port-Bouët a été restitué à l’armée ivoirienne, conformément à l’annonce du chef de l’État. Des démarches sont en cours pour permettre l’installation des soldats ivoiriens sur le site.
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« Il s’agit d’adapter la coopération de défense à une réalité régionale en évolution rapide », résume une source diplomatique française, alors que Paris vient d’achever son retrait forcé du Tchad et prépare son départ du Sénégal. La nouvelle formule de coopération choisie entre la France et la Côte d’Ivoire devrait être « plus flexible, plus réactive et plus à l’écoute de l’évolution des priorités des autorités ivoiriennes », de manière à exprimer « un partenariat bien plus équilibré », estime-t-elle.
Sujet de crispation
Les modalités du désengagement français de Côte d’Ivoire sont le résultat de minutieuses négociations, alors que les autorités ivoiriennes hésitaient à rompre leurs attaches sécuritaires avec Paris. « Nous avons proposé aux chefs d’Etat africains de réorganiser notre présence. (…) Je peux vous dire que dans quelques-uns de ces pays, on ne voulait pas enlever l’armée française ou même la réorganiser, mais on l’a assumé ensemble », avait à ce titre déclaré, dans une formule qui avait fait polémique, le président français Emmanuel Macron, lors de la conférence des ambassadeurs le 6 janvier, à Paris, faisant notamment allusion à la Côte d’Ivoire.
La diminution du dispositif militaire français en Côte d’Ivoire est, de fait, périlleuse pour les deux parties. Pour les forces françaises, le port d’Abidjan a toujours été un point d’entrée logistique-clé pour ses opérations sur le continent. Même si le nombre de troupes permanentes est réduit, aucun état-major ne souhaite que ce « plot » disparaisse complètement. Du côté d’Abidjan, la présence militaire française, déterminante dans la crise des années 2002-2011, reste un sujet récurrent de crispation dans l’opinion. Mais le président, Alassane Ouattara, 83 ans, qui n’a toujours pas dit s’il se représenterait pour un quatrième mandat à l’élection présidentielle prévue en octobre, fait partie de cette génération de chefs d’Etat pour qui la présence militaire française rassure les investisseurs voire constitue une forme d’« assurance-vie ».
Marine Jeannin (Abidjan, correspondance) et Elise Vincent
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