Au lendemain du meeting de Tidjane Thiam à la place Ficgayo de Yopougon le 15 février dernier, on apprend qu’il est assigné en justice par des secrétaires de section qui réclament sa destitution de la présidence de son parti au motif qu’il ne respecterait pas les critères d’éligibilité. Pourtant l’homme est élu à la présidence de son parti depuis décembre 2023. Aussi est-on amené à se demander pourquoi ces secrétaires de section (s’ils existent vraiment) ont attendu tout ce temps pour entreprendre leur démarche. Pourquoi cette plainte intervient-elle pile au lendemain du premier meeting de l’homme dans la capitale ?
On peut se rappeler qu’en 1999, les ennuis de celui qui était alors l’ex-premier ministre Alassane Ouattara ont débuté lorsqu’il avait planifié un premier meeting à Dabou, après son « intronisation » au palais des sports quelques jours plus tôt devant des dizaines de milliers de partisans. Le régime du président Bédié prit peur, et résolut de ne plus le laisser s’exprimer devant la foule. Les ennuis judiciaires ont alors commencé pour lui, suite là aussi à une plainte déposée devant la justice pour empêcher le meeting de Dabou.
Ce fut la crispation du climat politique, suivie d’une polarisation de la société, qui aboutit en décembre de la même année à la catastrophe que l’on connaît. Le pays mit douze années à s’en remettre (1999-2011).
En 2001 on crut prendre un nouveau départ, mais le nouveau pouvoir, celui du président Gbagbo a reconduit les mêmes méthodes d’exclusion du président Bédié vis-à-vis de l’ex-premier ministre Ouattara. Ce qui aboutit au cataclysme de 2002, qui quoi que l’on dise, est le prolongement de celui de 1999, parce que le mal, c’est-à-dire l’exclusion n’avait pas été traité à sa racine.
Aujourd’hui tout porte à croire que le régime du président Ouattara reprend les mêmes vieilles méthodes d’exclusion des régimes précédents, en voulant faire sortir du jeu un opposant politique au moyen de la justice. N’oublions pas que le congrès qui a élu Thiam à la présidence de son parti en décembre 2023, avait été une première fois empêché suite à une décision de justice. Les peuples qui ne tirent pas les leçons de l’histoire sont condamnés à la revivre dit-on. Cela semble être malheureusement le cas de la Côte d’Ivoire qui s’apprête à revivre une histoire qu’elle a déjà connue. Comment croire que le régime actuel qui tire une grande partie de sa légitimité de son combat contre l’exclusion, soit aujourd’hui celui qui la met en œuvre, en tentant au moyen de la justice d’exclure un candidat qu’il refuse d’affronter dans les urnes.
Pourtant le pouvoir a un bilan formidable. Aujourd’hui l’eau coule dans les robinets. Or l’eau est devenue une denrée rare dans les capitales africaines. Quasiment plus d’interruption dans la fourniture de l’électricité aux ménages. La section Bouaké-Katiola de l’autoroute sera bientôt lancée. Ceux qui vont à Aboisso ou Assinie ont le confort de rouler sur une autoroute jusqu’à la ville de Samo. Plus de nid de poules sur les tronçons N’Douci-Gagnoa, Yamoussoukro-Daloa, sur la côtière etc. des routes entièrement refaites.
Toutes les principales villes ont un boulevard central ou une pénétrante 02 X 02 voies (Divo, Agboville, Daloa, San Pedro, Ferké, …etc…). Les universités, les barrages hydro-électriques, l’expansion du port, le métro, les ponts et échangeurs à Abidjan et à l’intérieur etc. Le pays est certes endetté, mais l’endettement a servi à quelque chose. Les résultats sont là. Il faut les mettre en avant par une communication appropriée. Il faut faire parler par les chiffres. Hormis les déguerpissements de ces derniers temps qui ont quelque peu terni le tableau sur le plan social, toute attaque du bilan du régime reste purement démagogique.
Les propositions concrètes de Thiam sont pour le moment inexistantes. Mais il ne pourra pas se démarquer de la ligne libérale actuelle, il ne pourra rien proposer de fondamentalement nouveau. Ce n’est ni un dieu ni un demi-dieu, il faut aller à la confrontation avec lui sur les chiffres. Il est novice, il n’a jamais dirigé un pays, ce ne doit pas être bien difficile de le déstabiliser. On parle des douze travaux de l’éléphant d’Afrique comme sa création. Ces travaux figuraient dans le plan directeur de la ville d’Abidjan depuis les années 60 et 70. Ils étaient affinés au fur et à mesure. Thiam n’a fait que les ressortir du tiroir. Ils ont été imaginés par d’autres avant lui. Thiam dit attendre d’être désigné par son parti comme candidat avant de dévoiler son programme. Mais il ne pourra rien proposer sur lequel le régime n’aura pas de chiffres à faire valoir.
Alors pourquoi vouloir absolument l’écarter par la justice ? Le régime joue gros en procédant de façon aussi visible. Le régime paraît effrayé par le meeting de Yopougon. Cette peur est totalement injustifiée. Réussir un meeting et amener le pays à voter pour soi sont deux choses assez éloignées l’une de l’autre. Mais en s’acharnant sur lui, le régime peut booster son ascension. Ousmane Sonko ne représentait pas vraiment une menace, mais a fini par devenir l’idole de toute une nation lorsque Macky Sall s’est acharné à vouloir l’écarter par la justice, comme il l’avait fait de Karim Wade et de Khalifa Sall, des rivaux potentiels. Thiam ressortira encore plus auréolé, va prendre encore plus de volume si le pouvoir veut procéder avec lui de la sorte. La démarche risque d’aboutir exactement à l’effet inverse comme au Sénégal.
Le président Ouattara jouit d’une grande estime sur le plan international, il perdrait ce capital de sympathie s’il se lançait dans cette bataille. De plus, cela donnerait du grain à moudre aux régimes du Sahel, et il n’est pas sûr que les troubles politiques prendront fin une fois la page des élections tournée. Le climat politique restera tendu parce que le champion d’une partie importante de la population aura été écarté. En fait, la quasi-certaine candidature du président Ouattara à un quatrième mandat pourra être « tolérée » par l’opinion s’il n’écarte pas ses rivaux. S’il le fait, la contestation de sa victoire risque d’être permanente, quand bien même celle-ci ne souffrirait d’aucune irrégularité.
Le président Ouattara devra asseoir sa victoire sur son bilan, et non sur la justice, s’il veut qu’elle soit légitime.
Douglas Mountain
oceanpremier4@gmail.com
Le Cercle des Réflexions Libérales
MrDouglas le cas Thiam est différent de celui de ADO. l’état n’a encore rien dit dans cette affaire,le rhdp ne sait pas encore prononcer sur la nationalité de Mr Thiam à ce que je sache.ceux sont plutôt les militants du PDCI qui en parle.mais diantre Mr Thiam lui même ne savais pas que selon la constitution ivoirienne pour diriger un parti politique ou pour diriger le pays il faut être exclusivement ivoirien ? Ce n’est pas le pouvoir qui est a dit à Thiam qui peut se présenter à crédit c’est plutôt à ses militants qu’ils faut en vouloir ,ceux qui lui ont dit de se présenter avec sa double nationalité et après ils vont gérer.qu’est ce que le pouvoir à avoir dans cette histoire ?