Les quatre hommes, qui ont été reconnus coupables en appel d’« actes terroristes » pour leur participation à l’attentat meurtrier qui a frappé le pays le 13 mars 2016, ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.
Le moment était solennel. À l’annonce de la décision, la salle est restée silencieuse. Les juges de la Cour d’Appel d’Abidjan, devant lesquels le procès s’est ouvert le 3 février dernier, ont confirmé la peine de réclusion à perpétuité prononcée à l’encontre de quatre des dix accusés, qui avaient été condamnés en première instance par le tribunal criminel, en décembre 2022, à l’issue d’un procès historique pour la Côte d’Ivoire.
Hantao Ag Mohamed Cisssé, Sidi Mohamed Kounta, Mohamed Cissé et Hassan Barry ont été, à nouveau, reconnus coupables de « complicité d’assassinat », « complicité de tentative d’assassinat » et « actes terroristes » pour avoir participé à l’attentat de Grand-Bassam, qui a endeuillé la Côte d’Ivoire le 13 mars 2016.
Ce jour-là, le pays a, pour la première fois, été frappé par le terrorisme jihadiste : armés de kalachnikovs, les assaillants avaient tiré sur la foule de badauds et de touristes qui se pressaient en grand nombre sur la plage et dans les restaurants de Grand-Bassam, cité balnéaire très fréquentée. Avant d’être abattus par les forces de police, les assaillants ont tué 19 personnes et fait 33 blessés. L’attentat, revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), avait provoqué une onde de choc dépassant les frontières ivoiriennes.
À peine la décision prononcée, Me Térémé Diaby, l’une des avocates de la défense, s’est approchée du banc des accusés pour expliquer la décision à ses clients. L’un d’entre eux, Sidi Mohamed Kounta, s’effondre en larmes en entendants ses mots. « Je ne suis pas un terroriste », répète-t-il, alors que les quatre hommes sont escortés hors de la salle d’audience par un important dispositif de sécurité.
Des réparations qui se font attendre
Sur les bancs du public, les réactions des victimes et de leurs proches sont mitigées. « Je suis triste pour ceux qui sont morts, glisse l’une d’entre elles, dont le fils a été blessé lors de l’attaque. Mais la vérité, c’est que cette condamnation me réjouit et me rend triste à la fois. Je pense que l’on aurait pu les condamner à une peine lourde, mais limitée dans le temps. Nous sommes tous des êtres humains. » Surtout, elle insiste sur les difficultés face auxquelles certaines victimes, ainsi que leurs familles, doivent faire face.
la vérité, c’est que cette condamnation me réjouit et me rend triste à la fois. Je pense que l’on aurait pu les condamner à une peine lourde, mais limitée dans le temps.
témoigne une mère dont le fils a été blessé dans l’attentat
Près de dix ans après l’attentat, certaines n’ont en effet toujours pas été dédommagées. « Les juridictions ivoiriennes considèrent que ce sont les terroristes et leurs complices qui doivent réparer. Mais, dans la pratique, c’est l’État qui devrait se porter garant et trouver les fonds nécessaires afin de procéder à ces réparations », plaide Me Amadou Camara, avocat de la partie civile. Pour lui, il y a urgence. « L’État ne doit pas attendre l’issue d’un procès en cassation avant de commencer à indemniser les victimes et leurs proches, car les victimes pourraient encore attendre des années. »
L’avocat n’en salue pas moins une décision qui « soulage, au regard de la violence avec laquelle ces actes ont été perpétrés ». « Cela permettra certainement aux victimes et à leurs familles de faire leur deuil », estime-t-il. Et pour lui, si les accusés « peuvent se défendre en affirmant avoir contribué de manière naïve, le résultat est que leur contribution a été décisive dans l’accomplissement de ces actes de terrorisme ».
Les « boucs émissaires »
Tout au long des audiences de ce procès en appel, comme lors du procès en première instance, ce n’est qu’une petite partie des accusés qui a fait face aux juges. Sur les dix accusés condamnés à la perpétuité en décembre 2022, seuls les quatre ayant fait appel étaient présents, les six autres étant en fuite ou détenus au Mali. Pour les avocats de la défense, les quatre hommes ont fait office de « boucs émissaires », en l’absence des principaux responsables.
« Nous espérions être entendus en appel, l’émotion étant passée », a déclaré Me Térémé Diaby face à la presse, à la sortie de l’audience. Ses clients n’avaient, a-t-elle affirmé, « pas connaissance » qu’ils étaient impliqués dans un « projet terroriste ». L’avocate, qui estime que « tout au long de ce procès, il n’a pas été démontré qu’une aide ou une assistance a été portée », a annoncé que les quatre hommes avaient l’intention, désormais, de se pourvoir en cassation.
Parmi les grands absents de ce procès, il y a d’abord Kounta Dallah, dont une photo avait été diffusée peu après la tuerie. Lors du procès en première instance, ce « marabout » malien avait été présenté par l’accusation comme « le répartiteur des tâches », le coordinateur de l’attentat. Il n’a, pour l’heure, pas été retrouvé. Tout comme 18 des 14 prévenus qui avaient été identifiés par les autorités dans ce dossier
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