Monnaie ouestafricaine: Il y a 5 ans, l’arnaque de l’ECO

De l’Ivoirien Nicolas Agbohou au Camerounais Martial Ze Belinga, en passant par le Sénégalais Ndongo Samba Sylla, les économistes africains avaient sévèrement critiqué la déclaration faite par Emmanuel Macron sur le franc CFA à Abidjan le 21 décembre 2019. Comparant les changements annoncés par le président français (départ de la France du Conseil d’administration de la Banque Centrale des États de l’Afrique occidentale et retrait des réserves en devises du Trésor public français) à une vraie arnaque, ils estimaient que la France, une fois de plus, nous avait roulés dans la farine, tout comme elle avait fait croire jadis à Meka qu’une décoration de pacotille faisait de lui l’ami des Blancs dans “Le Vieux Nègre et la médaille” de Ferdinand Oyono car la « nouvelle » monnaie, dont le nom a été volé à la Communauté Économique des États d’Afrique occidentale, sera toujours fabriquée à Chamalières (dans le Puy-de-Dôme) et contrôlée par la France.

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À ces critiques, qui me paraissent fondées, je voudrais ajouter 4 remarques. La première, c’est que, comme l’ECO concerne 8 pays de l’Afrique de l’Ouest, il eût été plus respectueux et plus logique que la déclaration sur cette monnaie se fasse avec les chefs d’État des 8 pays et non uniquement avec Dramane Ouattara qui chaque jour donne l’impression qu’il est heureux d’être le plus grand valet du gouvernement français. Ce que fit Macron lors de sa visite dans la capitale économique ivoirienne n’est rien d’autre qu’un foutage de gueule. Jacques Chirac s’était comporté de la même manière en convoquant, à Abidjan le 19 juillet 1995, Alpha Oumar Konaré mais le président malien refusa d’obtempérer sans que le ciel ne lui tombe dessus.

Deuxièmement, quand Macron dit que les réserves de change des pays de la zone franc ne seront plus domiciliées au Trésor public français, on aimerait connaître le montant de ces réserves (14 milliards d’euros, selon François Asselineau, candidat à l’élection présidentielle de 2017 et président de l’Union populaire et républicaine) et on aimerait savoir si la France compte les rendre aux Africains et quand.

Troisièmement, les peuples des 8 pays africains ne sont point désireux d’une petite et ridicule réforme du franc CFA. Ce qu’ils exigent, c’est la disparition pure et simple d’une monnaie que certains qualifient à juste titre de monnaie nazie, tant les méthodes de Charles de Gaulle dans ce domaine sont similaires à celles d’Adolf Hitler. En d’autres termes, ce qui intéresse les Africains, ce n’est pas le changement du nom de la monnaie mais la rupture. Le député belge, Laurent Louis, l’a bien exprimé le jour où il s’adressait au président français au Parlement européen en ces termes: “Si vous voulez aider l’Afrique, Monsieur Macron, foutez-le camp de ce continent, laissez les Africains gérer leurs richesses naturelles au lieu de les spolier et surtout mettez un terme à ces aides au développement qui en réalité ne servent qu’à arroser des Occidentaux qui font semblant d’aider les peuples via des ONG qui en réalité ne s’aident qu’elles-mêmes quand elles ne reviennent finalement pas dans les valises diplomatiques pour financer secrètement ceux qui les ont décidées. Le vrai problème de l’Afrique, Monsieur Macron, c’est vous et vos semblables qui dirigent ce monde et pour qui l’Afrique n’est qu’un hard discount à ciel ouvert où vous pouvez vous servir allègrement !”

Quatrième et dernière remarque : la création d’une nouvelle monnaie au service de l’Afrique concerne uniquement les Africains qui ont les experts et les idées qu’il faut pour mener à bien l’opération. Nous voulons nous occuper nous-mêmes de notre monnaie dans l’Afrique dite francophone comme les anciennes colonies anglaises s’occupent des leurs car jamais la classe dirigeante française ne s’est montrée honnête, ni juste, ni sincère avec nous. “L’heure de nous-mêmes a sonné” (Aimé Césaire) et nous voulons “reprendre possession de nous-mêmes” (Alexandre Lizotte). Un sondage d’opinions montrerait aisément que les Africains francophones sont fatigués de cheminer avec un pays qui a toujours rusé avec ses propres principes et dont l’unique but, en transformant le franc CFA en ECO, est de “torpiller le projet de la CEDEAO ou de le retarder le plus longtemps possible, de couper l’herbe sous le pied des critiques en éliminant les symboles qui fâchent sans toucher au fond du problème” (Demba Moussa Dembélé).

Seuls les peuples, à travers des sociétés civiles vraiment indépendantes et ne travaillant que pour l’intérêt général, sont mieux placés pour faire aboutir le combat de la monnaie africaine qui débuta en 1987. C’est à eux qu’incombe désormais la tâche de trouver et de mettre assez rapidement en œuvre les moyens de pression qui conduiront le gouvernement français à lâcher prise sur la monnaie qui, rappelons-le, est un élément de la souveraineté nationale car nos chefs d’État, corrompus, dociles et peureux, ne sont pas en mesure de tenir tête à la France. Il est temps que les mouvements de la société civile se mobilisent et se fassent entendre car, comme le dit bien l’économiste togolais Kako Nubukpo, “on ne peut pas en même temps revendiquer notre indépendance et attendre que ce soit l’ancien colonisateur qui nous donne l’autorisation d’agir”.

Jean-Claude DJEREKE

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