Manchester United « la pire équipe de son histoire »

Martin Mosnier

Treizième de Premier League, Manchester United n’en finit plus de battre des records de médiocrité. Le club change d’entraîneurs à intervalles réguliers, investit à tout va mais rien ne change. Depuis 10 ans, malgré quelques minces réussites, la disgrâce ne cesse de s’aggraver. Aujourd’hui, le problème dépasse Ruben Amorim, Marcus Rashford et tout le reste.

Qu’est devenu Manchester United ? Quelle image a aujourd’hui un gamin ou même un jeune adulte de l’un des plus grands clubs du monde ? Celui d’une équipe en crise perpétuelle, qui claque des centaines de millions tous les ans pour des joueurs qui n’en valent pas tant.

Qu’est-il arrivé aux Red Devils ? Man United a longtemps figuré parmi les meilleurs clubs du monde. Au-delà d’un palmarès gigantesque à 20 Premier League et 3 Ligues des champions, il rayonnait partout où il allait défendant une certaine idée du foot anglais et de sa puissance. De Bobby Charlton à David Beckham, de George Best à Wayne Rooney, d’Eric Cantona à Cristiano Ronaldo.

Depuis le départ d’Alex Ferguson en 2013, United n’a plus gagné un championnat ni une Ligue des champions et ses quelques réussites (une Ligue Europa par-ci, une Cup par-là) freinent à peine l’effondrement. Ses moyens restent pourtant colossaux, ses investissements sur le marché des transferts pharaoniques.

La faute aux managers ? MU a tout essayé

« Quelqu’un est-il vraiment surpris ?, s’est interrogé à voix haute Rio Ferdinand, ancienne légende du club, ce dimanche. Je pense que c’est simplement là où nous en sommes en ce moment. Je ne suis pas ici en état de choc complet. C’est d’ailleurs si étrange de penser que j’en suis venu à m’attendre à ce que nous puissions perdre ce match contre Crystal Palace. » United est entré dans le rang et la nouvelle défaite de dimanche (0-2) intervient dans une séquence terrible pour Ruben Amorim qui semble suivre le même chemin que ses prédécesseurs.

L’an dernier, les Red Devils ont terminé 8e. Aujourd’hui, ils sont 13es et battent des records de médiocrité. Voilà 131 ans qu’ils n’avaient plus perdu 6 de leurs 12 premiers matches de la saison à domicile. « Nous sommes peut-être la pire équipe de l’histoire de Manchester United, nous devons le reconnaître », a lâché le coach portugais le 19 janvier dernier au micro de Sky Sports. Voilà plus de 35 ans que les Reds Devils n’ont pas achevé un exercice au-delà de la 10e place en championnat.

Comme si, après tant d’années de chutes et de disgrâce, Manchester United avait enfin touché le fond. A qui la faute ? Les managers ? United a tout essayé : le coach anglais confirmé (David Moyes), les références internationales au palmarès long comme le bras et à la discipline de fer (José Mourinho, Louis van Gaal), le coach du moment que l’Europe s’arrache (Erik Ten Hag, Ruben Amorim), l’ancienne star du club promis à un grand avenir sur le banc (Ole-Gunnar Solskjaer). Tous se sont fracassés, à des degrés différents et ont vu, derrière, leur carrière piquer très sérieusement du nez.

En médecine, on dirait qu’il s’agit d’une opération à cœur ouvert

Le problème dépasse largement celui de l’entraîneur. Ce n’est pas non plus une question de moyens. United a claqué plus de… 2 milliards d’euros en indemnités de transferts depuis le départ de Ferguson. Combien de joueurs ont apporté une vraie plus-value au onze ? Trop peu. Alors que les fiascos, de Paul Pogba recruté 105 millions d’euros, Jadon Sancho (85 millions), Anthony Martial (60 millions), Romelu Lukaku (84,7 millions) à Antony (95 millions), se sont multipliés au fil des ans pour construire un effectif bancal et surévalué.

Ce décalage entre les moyens financiers et les résultats sportifs est inédit en Europe. Il n’existe pas de précédent d’un club si puissant économiquement et si pauvre sur le terrain, du moins sur une durée aussi longue. Quand la dégringolade dure depuis dix ans, la thèse de l’accident ne fonctionne pas. En 2022, Ralf Ragnick, qui fut manager du club de novembre 2021 à mai 2022, posait un constat cinglant : « On n’a même pas besoin de lunettes pour voir et analyser où se trouvent les problèmes. Il s’agit désormais de savoir comment les résoudre, expliquait-il. Il ne suffit pas de faire quelques petites modifications, des choses cosmétiques. En médecine, on dirait qu’il s’agit d’une opération à cœur ouvert. »

Révolution à City et Liverpool, United regarde les trains passer

Le club manque d’une identité ou, a minima, d’une vision. Liverpool et Manchester City, qui se partagent les championnats depuis la descente aux enfers de l’autre club du Nord de l’Angleterre, ont repensé leur effectif autour d’une philosophie de jeu. Ils ont donné les pleins pouvoirs à deux hommes forts, Jürgen Klopp et Pep Guardiola qui ont remodelé les deux clubs selon leurs envies.

United a regardé les trains passer se contentant de dépenser des centaines de millions sur des joueurs sans jamais penser au cadre dans lequel les intégrer. A ce titre, le retour de Cristiano Ronaldo ressemblait à une fausse bonne idée. Alors que Solskjaer construisait depuis deux ans une équipe développant un pressing haut, il s’est vu confié un attaquant qui ne travaillait qu’avec le ballon dans les pieds. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Aujourd’hui encore, Amorim ne semble pas non plus avoir le matériel nécessaire pour mettre en place ce qui a fait de lui la nouvelle star des bancs européens. « Amorim n’a pas l’effectif pour développer son style et le jeu qu’il a développé au Sporting », tranchait Joe Cole, ancien international anglais, ce week-end sur TNT Sports. Prenant exemple sur Bruno Fernandes qui n’est, selon lui, pas adapté à ce que veut mettre en place le nouveau coach portugais.

Il y a un problème culturel au sein du club

« Il y a un problème culturel au sein du club, diagnostiquait déjà en 2021 Gary Neville, le capitaine des grandes années. Les dirigeants ont prouvé que sans Sir Alex Ferguson, ils ne peuvent pas fonctionner correctement en tant que club de football. Si vous dépensez plus d’un milliard de livres, que vous engagez des managers de classe mondiale comme Mourinho et Van Gaal et qu’ils peinent à obtenir le succès souhaité par le club, c’est qu’il y a quelque chose de fondamentalement erroné dans le club qui fait qu’il ne gagne pas. »

Tout ceci ne semblait jamais vraiment inquiété les propriétaires heureux de voir que les difficultés de l’équipe première ne tarissaient pas les gains économiques. Sauf qu’à force de perdre, le vent commence à tourner. Fin janvier, le club, racheté par INEOS, annonçait à ses supporters que les finances commençaient sérieusement à s’essouffler. Les règles de la Premier League imposent autorisent une perte maximale de 125 millions d’euros sur trois ans.

United en est à 367 millions depuis 2022. En septembre dernier, Omar Berrada, le nouveau président-directeur général du club, annonçait vouloir tendre vers « une meilleure viabilité financière » et que le club opérait « des changements sur nos opérations pour les rendre plus efficaces, pour s’assurer que nous consacrons nos ressources à l’amélioration des performances sur le terrain. » Quatre mois plus tard, Manchester United creuse encore. La question aujourd’hui n’est plus de savoir quand il regagnera un titre mais quand il touchera le fond pour de bon.

Eurosport

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