Cissé Bacongo, un handicap pour le régime aujourd’hui ?

En nommant Cissé Bacongo, gouverneur du District Autonome d’Abidjan le 27 Décembre 2023, en remplacement de Beugré Mambé qui lui avait été nommé Premier Ministre peu auparavant, le président Ouattara rompait avec une loi non écrite depuis l’indépendance, qui voulait que le maire centrale de la ville d’Abidjan ( aujourd’hui le gouverneur ) soit un autochtone Atchan. Certainement la nomination de Cissé Bacongo n’a pas généré de remous parce qu’un Atchan ( Beugré Mambé ) venait d’accéder à la primature.

Pourtant Beugré Mambé pouvait parfaitement cumuler les deux fonctions. On dit l’homme très organisé. On remarquera que certains ministres sont aussi députés et présidents de Conseils Régionaux. Le regretté Hamed Bakayoko était député de Séguéla, Maire d’Abobo, Ministre de la défense, et Premier Ministre. D’autre part, le district d’Abidjan étant constitué de communes, le gouverneur se tourne les pouces dans son bureau. C’est dire n’y avait pas nécessité absolue de retirer le poste de gouverneur à Beugré Mambé suite à sa nomination à la primature .

Cissé Bacongo avait un bilan assez controversé à la tête de la commune de Koumassi. Il a embellit certains endroits, bitumé et élargi plusieurs axes, construit des marchés secondaires et un grand marché central etc…Mais il a aussi entrepris des déguerpissements dont la presse s’est faite l’écho, et qui ont choqué par leur ampleur et leur brutalité. Visiblement le Président Ouattara n’en a pas tenu compte en le nommant gouverneur du District d’Abidjan. Aurait-il pris la même décision s’il avait vu en personne l’étendue des sites rasés, et ces milliers de personnes abandonnées à elles-mêmes, sans dédommagement ni recasement ? La question reste posée.

Ces zones rasées à Koumassi étaient loin des regards du fait de la position excentrée de la commune. Ainsi, l’opinion n’ a pas vraiment pris conscience du drame qui s’est joué dans cette cité. La député de Koumassi, l’honorable Adjaratou Traoré qui est du même parti que Bacongo, a dénoncé avec force cette situation et tenté d’alerter, mais n’a pas été entendue. Le résultat de tout ceci est que Cissé Bacongo a vu dans sa nomination un satisfecit du président pour ce qu’il a fait à Koumassi, et donc une exhortation à faire davantage !!! Son ardeur a été décuplée.

Aujourd’hui après une année à la tête du District d’Abidjan, son bilan est jugé contrasté par tous, voire désastreux. Certes comme à Koumassi, il a embelli certains endroits du district d’Abidjan, qui ont aujourd’hui fière allure, notamment la zone du Banco, et les abords de la grande mosquée d’Adjamé. Mais d’un autre côté, les déguerpissements qu’il a entrepris, de par leur ampleur, ont causé un traumatisme profond dans la nation, et suscité de l’émoi bien au-delà du pays. Les scènes de personnes fouillant dans les piles de gravats après l’action des bulldozers ont été diffusées sur les médias étrangers. A Port-Bouet les populations impactées ont construit des baraquements de fortune dans le cimetière proche de la zone déguerpie. C’était désastreux pour l’image de la Côte d’Ivoire. Fait inédit, Amnesty International a produit un communiqué condamnant le gouvernement ivoirien, et l’enjoignant à reloger toutes les personnes impactées.

Impitoyable, le gouverneur Bacongo agissait sans que personne au sein du pouvoir ne puisse modérer ses ardeurs. Pourtant dès Février 2024, au lendemain des premiers déguerpissements, il est bien dessaisi de la question en Conseil des Ministres, au profit d’un comité interministériel. Mais ignorant cette décision, et il a continué sur sa lancée déclarant qu’il n’avait pas été nommé pour se tourner les pouces et une « idée fixe » en tête. L’homme supervisait en personne les opérations, visiblement insensible au sort des milliers de familles qu’il mettait à la rue. Pour lui « ces zones ne reflétaient pas la réputation de la ville d’Abidjan » !!!

Aujourd’hui les déguerpissements sont officiellement « suspendus ». Le gouvernement a enfin eu le courage de le mettre sur la touche, et l’empêcher ainsi de raser les quelque 177 zones figurant sur cette fameuse liste de sites à déguerpir. Mais le mal est fait. Si en termes d’infrastructures le bilan du Président Ouattara est impressionnant, sur le plan social toutefois, les déguerpissements l’ont totalement ruiné. Ils constituent une ombre sur le tableau des réalisations du pouvoir en place, c’est le principal angle d’attaque de l’opposition, et tout porte à croire que ce débat va peser dans la présidentielle. On peut parler d’une certaine insensibilité du régime face à la détresse de ces milliers de familles que le gouverneur Bacongo mettait à la rue, souvent après un préavis de juste un ou deux jours.

Aujourd’hui l’homme semble enfin avoir pris conscience du désastre qu’il a causé. Il parle de construire « 15 000 » logements pour reloger les impactés. Evidemment c’est juste de la communication. Aucun logement ne sortira de terre pour les déguerpis. Il veut polir l’image d’homme sans cœur qui lui est désormais associée. Il s’est mis à dos les responsables religieux ( y compris ceux de la communauté musulmane, généralement proche du pouvoir), les commerçants, les ONG, bref la population dans son ensemble. Il a en quelque sorte ébranlé l’électorat du parti présidentiel. Il serait judicieux pour le pouvoir qu’il ne soit pas trop impliqué dans la campagne présidentielle à venir. Il doit se tenir relativement à l’écart quand elle va débuter, car sa trop forte implication fera toujours resurgir le spectre des déguerpissements qu’il a entrepris.

Douglas Mountain

oceanpremier4@gmail.com

Le Cercle des Réflexions Libérales

Commentaires Facebook

Laisser un commentaire