Le Président Laurent Gbagbo a rencontré les villageois d’Adjamé-Village ce samedi 25
janvier 2025. Lors de cette rencontre, il a tenu un discours d’engagement dont il est important
de prendre en compte plusieurs aspects à savoir : le contexte politique, le message principal,
et la réception de ce discours par les habitants.
Contexte Politique
Cette rencontre s’inscrit dans une dynamique de solidarité, de compassion et de fraternité, où
Laurent Gbagbo de par son influence incontestable apporte un soutien et un réconfort à la
population éprouvée, notamment dans des zones stratégiques comme Adjamé. Le village
d’Adjamé, bien que situé dans un milieu urbain, conserve une importance symbolique en tant
que lieu de mixité culturelle et ethnique, représentant une partie significative du peuple
ivoirien.
Message Principal
Le message a été clair et percutant car directe et adaptée à son audience. Le président Gbagbo,
connu pour son charisme, a axé son message sur des thématiques de justice sociale et d’unité
face aux défis actuels. Le passage qui a “retenu l’attention” reflète un appel à la mobilisation
citoyenne ou à la réaffirmation de l’identité ivoirienne, des éléments centraux dans sa
rhétorique.
Réception et Mobilisation
La forte mobilisation observée souligne un intérêt et une adhésion significative de la
population à l’engagement du Président Gbagbo. Cela est un signe de résilience de sa base
politique et un regain d’intérêt pour ses propositions.
Analyse d’un Passage Clé
Pour notre analyse nous avons pris en compte les questionnements suivants :
• Les thèmes abordés : Gbagbo a-t-il évoqué des enjeux économiques, sociaux, ou culturels
spécifiques au village d’Adjamé ?
• Le ton employé : Était-il conciliant, combatif, ou rassembleur ?
• L’impact sur le public : Les réactions (applaudissements, slogans repris, silence respectueux)
donnent des indices sur la résonance de ses propos.
Un passage a retenu notre attention particulière :
«Comparer la Côte d’Ivoire aux États-Unis, c’est comme comparer le margouillat et
l’éléphant. Si les États-Unis doivent à une banque ou à un État, qui viendra leur tordre le cou
ou le bras pour payer ? Personne. Dans ce monde, personne ne peut aller tordre le cou aux
États-Unis. Mais nous, tout le monde peut tomber sur nous et y’a rien ! Et il n’y aura rien ! Ils
sont même assis sur nous et ils peuvent fumer leur cigare. C’est pourquoi, en politique comme
ailleurs, comparaison n’est pas raison. La Côte d’Ivoire, ce n’est pas les États-Unis. Alors,
quand je parle de la DIGBA DETTE de la Côte d’Ivoire, certains disent que les États-Unis
sont endettés… Eh ehhh, tu ne peux pas enlever ta bouche là-bas ? »
NOTRE ANALYSE
Le passage du discours du Président Laurent Gbagbo utilise un registre oral et des métaphores
imagées pour transmettre un message à la fois politique et pédagogique sur les rapports de
force internationaux et la gestion de la dette publique :
1. Structure argumentative : une opposition entre les États-Unis et la Côte d’Ivoire
Laurent Gbagbo commence par une comparaison entre la Côte d’Ivoire et les États-Unis, deux
entités qui incarnent des positions diamétralement opposées sur l’échiquier mondial. Il utilise
une métaphore animalière – le margouillat (un petit lézard inoffensif) et l’éléphant (symbole
de puissance et de poids) – pour illustrer la disproportion des forces économiques, politiques
et stratégiques entre les deux nations.
L’objectif de cette comparaison est double :
• Souligner la vulnérabilité des pays africains, dont la Côte d’Ivoire, dans le système mondial.
• Dénoncer les parallèles erronés que certains font entre des réalités économiques et politiques
fondamentalement différentes.
2. La domination systémique : une critique implicite de l’impérialisme
Le Président Gbagbo illustre la domination des puissances mondiales en employant une image
forte : « tout le monde peut tomber sur nous » et « ils sont même assis sur nous et peuvent
fumer leur cigare ».
Ces formulations évoquent :
• L’impuissance des pays africains face aux pressions internationales, notamment
économiques.
• La passivité ou la résignation forcée face aux acteurs mondiaux (banques, États puissants).
En associant cette image à l’acte de « fumer un cigare », Gbagbo dénonce également une
forme d’arrogance ou d’indifférence des puissances dominantes envers les souffrances des
nations plus faibles.
3. Le rejet de la comparaison comme argument rhétorique
L’expression « comparaison n’est pas raison » agit comme un leitmotiv pour déconstruire
l’idée que des pays comme la Côte d’Ivoire peuvent être analysés ou jugés à l’aune des États-
Unis.
• Le Président Gbagbo rappelle que les contextes, les ressources, et surtout les rapports de
force ne sont pas comparables.
• L’usage de cette formule proverbiale vise aussi à renforcer l’autorité de son discours : il se
positionne comme un leader conscient des spécificités ivoiriennes et de l’injustice des
comparaisons simplistes.
4. La dette comme symptôme de dépendance et d’asymétrie
Le président évoque « la DIGBA DETTE de la Côte d’Ivoire » (terme signifiant une dette
écrasante ou ingérable dans son usage). En ironisant sur ceux qui utilisent l’endettement des
États-Unis comme argument, il souligne plusieurs points :
• Les États-Unis, en tant que superpuissance, jouissent d’une immunité face à leurs créanciers
grâce à leur position hégémonique.
• À l’inverse, la Côte d’Ivoire est vulnérable aux pressions des institutions internationales et
des créanciers étrangers.
• Cette situation reflète l’asymétrie des relations internationales, où les règles économiques ne
s’appliquent pas équitablement.
5. Style et tonalité : une rhétorique populaire et incisive
Le style du Président Gbagbo est volontairement oral, avec des interjections (« Eh ehhh, tu ne
peux pas enlever ta bouche là-bas ? »), des répétitions, et une proximité avec son auditoire. Ce
registre :
• Crée une connexion immédiate avec le public en simplifiant des concepts complexes dont
nous autres économistes faisons souvent usage par déformation professionnelle.
• Donne un ton sarcastique et moqueur pour disqualifier les arguments opposés.
• Rend son discours plus accessible et mémorable, tout en affirmant son autorité et son
expérience politique.
6. Message sous-jacent : appel à la souveraineté et à la lucidité
En filigrane, le discours de Gbagbo contient un appel à :
• La souveraineté économique : Il critique l’endettement excessif, perçu comme une forme de
dépendance, et appelle implicitement à une gestion plus autonome des ressources nationales.
• La lucidité politique : Il exhorte son auditoire à ne pas se laisser tromper par des
comparaisons fallacieuses et à reconnaître les réalités des rapports de force internationaux.
Conclusion
Ce message au passage est un exemple de la rhétorique pragmatique et incisive du Président
Laurent Gbagbo. Il dénonce les déséquilibres du système mondial tout en appelant à une prise
de conscience des limites structurelles des pays comme la Côte d’Ivoire. À travers un langage
imagé et populaire, il parvient à transmettre un message à la fois critique et pédagogique,
adressé à ses compatriotes mais aussi à une communauté internationale attentive à la position
des leaders africains sur les enjeux de souveraineté et d’indépendance.
©DR KOCK OBHUSU
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