Stargate: 500 milliards $ pour beaucoup de poudre aux yeux ?

L’annonce a été mise au crédit de Donald Trump, malgré l’absence d’investissement public et le fait qu’il n’ait joué aucun rôle majeur dans un projet annoncé et débuté en mars 2024…Cette entreprise débiée au développement de l’Intelligence artificielle (IA) sera financée à hauteur de 500 milliards de dollars.

Par CHRISTOPHE @POLITICOBOYTX

Sam Altman et OpenAI vantent “une infrastructure qui va permettre de créer des centaines de milliers d’emplois aux États-Unis, conserver l’avance américaine en matière d’IA et produire des retombées économiques positives pour le monde entier”. Il ne s’agit pas d’un centre de recherche, mais bien de data centers et autres bâtiments mais bien de data centers et autres bâtiments abritant les processeurs susceptibles de délivrer la puissance de calcul nécessaire à l’expansion de l’IA, sans oublier l’alimentation en électricité et eau requise. Elle sera située au Texas, consisteen une forme de consortium entre OpenAI, Oracle, MGX et SoftBank, placé sous la direction de Masayoshi Son.

Comme toujours avec Trump et les pontes de la Silicon Valley, il convient de bien examiner les faits avant de s’emballer.

L’annonce ne mentionne aucun financement issu du gouvernement fédéral américain, dont le rôle se cantonnera à faciliter la construction du site en assouplissant certaines régulations, selon le Financial Times. Le communiqué de presse
promet un premier investissement de 100 milliards en 2025 et un total de 500 milliards d’ici 2029. Les capitaux doivent venir d’OpenAI, SoftBank et MGX, un fonds d’investissement détenu par les Émirats arabes unis. Les 100 milliards eux-mêmes ne sont pas encore collectés dans leur totalité, l’annonce devant permettre de séduire des investisseurs supplémentaires.

OpenAI (qui lutte déjà pour lever les fonds nécessaires au maintien de son activité, l’entreprise étant déficitaire à hauteur de 5 milliards par an) ne dispose pas du capital. Oracle est cité comme partenaire technique (aux côtés de Microsoft et les fabricants de puces électroniques Arm et Nvidia).

Pour l’instant, l’essentiel des fonds viendra de SoftBank et des Émirats. Des investissements uniquement privés et encore incertains.

SoftBank et des Émirats. Il ne s’agit ni d’un investissement de la puissance publique ni d’un investissement acté. Il est conditionné à la capacité des partenaires de convaincre d’autres investisseurs de participer à l’effort. Loin d’être acquis, les 500 milliards sont une promesse aussi vague que l’investissement de 80 milliards proposé par le PDG de Microsoft dans ses propres data centers.

L’autre effet d’annonce concerne la nouveauté du projet. Comme le rapporte l’AP, la construction de StarGate a débuté en mars 2024. Larry Ellison a souligné qu’une dizaine de data centers étaient déjà en cours de production et Sam Altman a posté une vidéo montrant l’avancée de la première tranche de travaux le lendemain de la conférence de presse à la Maison-Blanche, dans le but explicite d’appâter les investisseurs.

Comme l’avait rapporté le site The Information l’année dernière, le projet avait débuté sous l’administration Biden. Il était déjà nommé Stargate et consistait en une première tranche d’investissement de… 100 milliards pour un projet devant s’étaler jusqu’en 2029.

Selon le Financial Times, ce projet “en étude depuis un an” servira exclusivement OpenAI, qui n’a pas encore obtenu les financements annoncés pour la première tranche et n’a pas de plan détaillé du chantier à mener ni de l’infrastructure à construire. Autrement dit, rien de neuf depuis mars 2024 ou presque

L’origine du projet s’explique par la frustration d’OpenAI, qui cherchait à s’affranchir de Microsoft pour assouvir sa soif de data center. OpenAi avait reçu l’accord de ce dernier pour construire ses propres infrastructures (Microsoft détient les droits d’exploitations d’OpenAI et est en quelque sorte son premier actionnaire et fournisseur attitré). Restait à trouver d’autres partenaires pour poursuivre l’expansion du chantier.

En décembre, SoftBank avait annoncé un plan d’investissement de 100 milliards de dollars dans le secteur des Technologies aux USA, sur quatre ans. Son implication n’est donc pas surprenante.

La nouveauté vient essentiellement du chiffrage d’OpenAI et de la participation du fonds souverain d’Abu Dhabi. Mais là encore, Sam Altman n’avait pas fait mystère de son intention d’obtenir des investissements auprès des monarchies du Golf.

La véritable nouveauté tient dans l’effet d’annonce recherché en offrant à Donald Trump l’opportunité de présenter et soutenir publiquement l’initiative.

En mars 2024, OpenAI avait donné des indications concernant le gigantisme du projet. Il était question de bâtir une infrastructure de 5 gigawatts de puissance, soit la consommation d’une ville américaine de 3.5 millions d’habitants.

Aberration écologique financée par l’argent du pétrole

d’une ville américaine de 3.5 millions d’habitants. D’où la nécessité de coupler les data centers à de nouvelles centrales électriques. Le cout écologique du projet s’annonce désastreux, d’autant plus que Donald Trump souhaite que
l’alimentation électrique soit assurée par des centrales à charbon. Si cela reste improbable, l’hostilité de la Maison-Blanche envers le solaire et l’éolien (deux énergies en forte croissance et abondantes au Texas) ne laisse rien présager de bon.

À cette question s’ajoute celle de la consommation d’eau nécessaire au refroidissement et de la quantité de matières premières requises pour produire les tonnes de microprocesseurs impliqués. On se dirige vers une aberration écologique financée par l’argent du pétrole des Émirats. Tout ça pour une finalité des plus vagues.

Si le projet arrivait à son terme, on voit mal comment il permettrait de créer les centaines de milliers d’emplois promis par Sam Altman. Une fois construites, les infrastructures en question ne\ nécessiteront pas une main-d’œuvre importante pour fonctionner. Quant au produit, sa finalité est plutôt de remplacer des tâches humaines par de
l’IA que de créer de nouveaux emplois. Le modèle économique d’OpenAI consiste à vendre ses logiciels d’IA génératives à des utilisateurs et entreprises souhaitant les utiliser pour réaliser des gains de productivité, c’est-à-dire
essentiellement licencier des employés ou supprimer des postes. Les bénéfices pour le reste du monde sont donc encore moins évidents.

Des promesses douteuses et un modèle économique incertain

De même, faire le lien entre la sécurité des États- Unis et la capacité d’OpenAI à sortir ChatGPT-5 n’est pas évident. S’il est question de concurrencer la Chine, rien n’empêche Pékin de mettre en place une infrastructure comparable.

La viabilité économique du projet est également incertaine. En 2024, OpenAI aurait réalisé 3.6 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour une perte nette de 5 milliards. Les données sur le chiffre d’affaires du secteur (toutes entreprises et tous pays confondus) sont assez opaques, mais la presse évoque souvent une fourchette située entre 6 et 20 milliards. Ou un rapport de 50 pour 1 en termes de ratio investissements/recettes (50 dollars d’investis pour 1 dollar de recette). Les applications types ChatGPT et ses concurrentes directes (Gemini de Google, Doubao du chinois BiteDance, etc.) ont dégagé un chiffre d’affaires de seulement 1.1 milliard de dollars en 2024. Pas de quoi rentrer rapidement dans les frais de Stargate.

Si le marché peut connaître une très forte croissance lorsque les entreprises vont adopter en masse les assistants IA et autres fonctionnalités types ChatGPT, pour l’instant, l’IA générative manque cruellement de fiabilité et ne
parvient pas à produire les gains en productivité espérés. Les modèles les plus avancés sont trop chers pour être commercialisés et les modèles gratuits de type agents IA censés servir d’assistant personnel sont loin d’être au point. Quant à ChatGPT Pro, OpenAI a reconnu qu’il n’était pas rentable, malgré les 200 dollars par mois facturé à chaque utilisateur.

Des luttes d’influence derrière l’annonce ?

Compte tenu du contexte tendu en matière de développement de l’IA générative, qui se heurte à des limites économiques et environnementales pour faire face à son besoin de données et de puissance de calcul, l’annonce orchestrée par Sam Altman pourrait être interprétée comme une manière désespérée de lever des fonds. Ou une réponse par anticipation aux annonces de Meta, Microsoft et Amazon, qui projettent d’investir des dizaines de milliards de dollars dans leurs propres infrastructures.

Du reste, SoftBank a intérêt au succès de Sam Altman, puisque l’organisation a déjà investi 13.5 milliards dans OpenAI en octobre 2024. Et Oracle fait partie des entreprises (avec Nvidia) qui ont le plus bénéficié de l’expansion du secteur, en tant que fournisseur de l’infrastructure permettant aux modèles d’IA de tourner.

Offrir à Trump une victoire politique en lui donnant l’exclusivité et la paternité du “deal” permet aussi à Sam Altman de se protéger un minimum de la furie d’Elon Musk. Particulièrement remonté contre Altman, le nouvel homme fort du
gouvernement Trump considère OpenAI (dont il était l’un des cofondateurs avant d’en être éjecté par le Conseil d’administration) comme un concurrent direct. Il a lancé pas moins de quatre procédures judiciaires contre Sam Altman. Il lui reproche, entre autres, le choix d’OpenAI d’abandonner son statut d’entreprise à but non lucratif. Sans surprise, Elon Musk est entré dans une folie furieuse en découvrant l’opération de communication de la Maison-Blanche. Il s’en est pris violemment à Altman, au risque de saboter Donald Trump.

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