Tribune N°33: « Le PPA-CI accuse le Rhdp de faire la « promotion du communautarisme au détriment de la République… »

  • Mesdames et messieurs, chers camarades membres de la direction du parti ;
  • Mesdames et messieurs les journalistes, femmes et hommes des médias ;
  • Mesdames et messieurs, vous qui nous suivez de partout

Je voudrais, avant tout propos, vous souhaiter une très bonne année 2025. Que l’année 2025 soit meilleure à tout point de vue pour notre nation, et pour chacune et chacun de vous. Que cette année électorale contraste avec les autres années électorales marquées par les violences depuis 1995. Notre pays ne peut pas continuer de faire des années électorales des années de toutes les sommes des peurs pour nos compatriotes. Le leadership sous-régional auquel nous aspirons légitimement doit être total et entier. La démocratie doit être intégrée aux critères d’appréciation de notre leadership. Or, sur ce point, le Sénégal et le Ghana se présentent comme les locomotives indiscutables. Les blessures que nous laissons à notre nation à chaque élection font courir au pays le risque d’une septicémie de tout le corps social. C’est pourquoi, le PPA-CI continue de demander au gouvernement un débat politique autour des questions potentiellement conflictuelles. Il s’agit de la question, non négociable, de l’inscription du nom du Président Laurent GBAGBO sur la liste électorale et de sa candidature à l’élection présidentielle de 2025, de celle de la mise en place d’une nouvelle CEI et de l’audit de la liste électorale, à défaut de sa reprise intégrale. Sur tous ces sujets, notre parti s’est maintes fois exprimé. Nous continuerons d’en parler aussi longtemps qu’elles seront pendantes et que le gouvernement continuera d’observer un mutisme méprisant vis-à-vis de nos requêtes légitimes. Nous n’arrêterons jamais de nous mobiliser pour cette cause. C’est pourquoi, la direction du PPA-CI salue avec beaucoup d’émotion la grande mobilisation des femmes du samedi 11 janvier dernier au palais de la culture. Les femmes, venues de toutes les régions du pays, ont répondu massivement à l’appel du Président Laurent GBAGBO. Les échanges avec les femmes ont été franches et, une fois encore, le Président a démontré sa proximité avec son peuple. La détermination que les femmes ont montrée est la preuve que la question de la participation du Président Laurent GBAGBO à la prochaine élection présidentielle est une question d’intérêt national. Le gouvernement ne peut continuer de ruser avec un tel sujet qui est susceptible de troubler la paix sociale. Le gouvernement est certainement le seul à ne pas s’en apercevoir. L’ONU, dans des recommandations que le gouvernement ivoirien ne peut nier d’avoir reçues, a fortement demandé une élection inclusive avec la participation de tous. Ce sont ces recommandations dont a parlé le Président Laurent GBAGBO au comité central du 4 janvier dernier. En effet, dans deux rapports, l’un du 1er juillet 2024 et le second du 2 décembre 2024 sur la situation d’ensemble en Afrique de l’Ouest, le Bureau de l’Afrique de l’Ouest des Nations Unies (ONU) a relevé des réserves sur la conduite des opérations de préparation des élections en 2025. Ainsi :

  • Au point 8 du 1er rapport, l’on lit ceci « du 1er au 30 avril 2024, la Commission Electorale Indépendante a procédé à l’actualisation du découpage des circonscriptions électorales en vue des élections présidentielles de 2025. Pendant ce processus et celui de la révision de la liste électorale, l’opposition a critiqué les résultats de ce processus en citant le déséquilibre du découpage territorial. En plus, le Parti des Peuples africains-Côte d’Ivoire a désigné l’ancien Président de la République, Laurent GBAGBO comme son candidat. Il est cependant inéligible à cause d’une condamnation pénale. Le 22 février 2024, le Président Alassane Ouattara, a gracié 51 personnes condamnées dans le contexte de la crise post-électorale de 2020. Toutes ces personnes sont des proches du Président Laurent GBAGBO et de Soro Guillaume, ancien Président de l’Assemblée nationale » .

Dans le langage feutré de la diplomatie, l’ONU ne comprend pas bien pourquoi le Chef de l’Etat Ivoirien peut amnistier les proches du Président Laurent GBAGBO et de Soro Guillaume et se montrer inflexible sur le cas du Président si ce n’est que pour des besoins de calculs politiciens.

  • Au point 68 du second rapport relatif aux observations et recommandations, il est écrit « Pendant que la région Ouest africaine et le Sahel font face à des défis complexe marqués par l’insécurité dans une bonne partie du Sahel, l’insuffisance de progrès dans un développement soutenu et des revers démocratiques , couplés avec un manque de progrès sur le retour à l’ordre constitutionnel dans les pays qui sont sous une transition politique, je reste encouragé par le renforcement continue de la gouvernance démocratique dans certains pays, notamment, au Sénégal, où le rôle du Conseil constitutionnel dans la résolution de la tension pré-électorale a encore démontré le rôle critique de la loi basée sur des institutions responsables et inclusives. Le Ghana a aussi démontré la force démocratique de ses institutions y compris les choix des candidats à l’intérieur des partis. Je salue l’effort de réconciliation nationale en Côte d’ivoire et appelle les participants et les organes de gestion des élections à s’assurer que les préparatives ainsi que les prochaines élections de 2025 sont inclusives et participatives ». C’est bien en connaissance de cause que ces rapports ont été portés à la connaissance du Président Laurent GBAGBO et du gouvernement ivoirien. Le langage diplomatique se comprend aussi par les actes.

Tout en relevant ces recommandations de l’ONU, le PPA-CI garde une claire conscience de ce que sa victoire à la prochaine élection repose essentiellement, sinon exclusivement, sur la mobilisation constante sur le terrain. Les recommandations de l’ONU ne font que rejoindre la justesse de notre combat.

Ces précisions, sommes importantes, étant faites, nous abordons les thèmes de la Tribune.

L’économie du présent numéro de la tribune sera essentiellement axée autour de deux sujets majeurs. Ce sont :

  • la violation des droits de l’homme et les conditions de détention de nos militants et des pro-Gbagbo
  • du bilan que le PPA-CI fait de l’année 2024.
  1. La violation des droits de l’homme, les intimidations et les conditions de détention des militants de PPA-CI.

I-1. La violation des droits de l’homme et les intimidations des pro-Gbagbo

La gouvernance politique du régime RHDP est restée constante depuis 2011. Elle est marquée par une restriction des libertés, la violence comme moyen de règlement des contradictions au détriment du dialogue, la promotion du communautarisme qui affaiblit la nation, la corruption qui fausse totalement les indicateurs de performance de l’économie et le déni de justice.

  • Sur le point de la restriction des libertés, le gouvernement ivoirien a franchi des limites que l’on croyait infranchissables au nom de la morale et de l’éthique républicaines. Les libertés principalement visées ont été les libertés d’opinion. Par deux mesures politiques, l’une pour le moment réglementaire et l’autre législative, le gouvernement ivoirien a décidé de restreindre la liberté d’opinion à la fois de la classe politique et celle de la société civile. La première mesure prise a été la révision de l’article 185 du code pénal.

En effet, Le 11 juin 2024, le parlement a adopté une modification de la loi 2019-574 du 26 juin 2019 portant code pénal malgré l’opposition du PPA-CI et du PDCI-RDA. Cette modification a porté sur subtile réécriture de l’article185 du code pénal en élargissant la répression dudit article à l’apologie de tous les crimes. Avant, sa nouvelle rédaction, cet article ne réprimait que l’apologie des crimes de meurtre. Le nouvel article signe l’arrêt de mort des libertés démocratiques fondamentales que sont, entre autres, la liberté d’opinion. Pour s’en convaincre, il faut se référer aux moyens de la commission de l’infraction tels que prévus par l’article 184 du code pénal. Ce dernier précise que « quiconque par geste, propos, cri ou menace, affiche ou tout autre moyen sonore ou visuel soit dans un lieu public ou ouvert au public soit par un moyen permettant le contact visuel ou auditif du public…. ». Comme l’on peut le constater, tous les moyens énumérés par cet article sont les moyens d’expression d’opinion. Malgré leur protection par tous les instruments internationaux de protection et de promotion des droits de l’homme, dont les articles 1,2,3 et 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de l’ONU de 1948 et les articles 1,2,6,8 et 9 de la Chartre africaine des droits de l’homme et des peuples du 28 juin 1981, ainsi que les 1er, 19 et 20 de la Constitution Ivoirienne, le régime RHDP les écrase sans ménagement dans l’unique but de conserver le pouvoir. Il ne s’arrête pas en si bon chemin. Après avoir muselé la classe politique, il s’est donné tous les moyens de faire taire définitivement la société civile, en tout cas, celle qui ne siège pas à la même table que lui.

En effet, l’ordonnance 2024-368 du 12 juin 2024 relative à l’organisation de la société civile est perçue, en Côte d’Ivoire et ailleurs, comme un instrument de musèlement et de contrôle de la société civile.   Cette ordonnance comporte de nombreuses dispositions qui compromettent l’existence même des organisations de la société civile, qui sont critiques vis-à-vis du régime, est compromise. En effet, le gouvernement peut dissoudre, par décret pris en Conseil des ministres, une association s’il estime qu’elle viole les obligations de l’ordonnance susvisée. Or, certaines de ces obligations sont énoncées de façon assez floue de sorte à laisser une large interprétation desdites obligations au gouvernement. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’à l’occasion de la 47e session de l’Examen Périodique Universel (EPU) du Haut-Commissariat des droits de l’homme des Nations Unies (OHCHR) tenue à Genève du 4 au 15 novembre 2024, les participants ont été particulièrement critiques sur la question des droits de l’homme dans notre pays. Même si le gouvernement a essayé de minimiser la portée des critiques qui lui ont été adressées, les 22 recommandations qui lui ont été faites sont révélatrices de l’ampleur des menaces qui pèsent sur les droits de l’homme en Côte d’Ivoire.

En définitive, en 2024, le gouvernement ivoirien s’est donné le pouvoir de choisir l’opposition et la société civile qui sont compatibles. Nous sommes dans une logique d’homologation des opinions politiques avec l’article 185 nouveau du code pénal et celles de la société civile avec l’ordonnance 2024-368 du 12 juin 2024 relative à l’organisation de la société civile. Aucune mauvaise foi n’est suffisante pour soutenir le contraire de ce que le RHDP veut imposer à notre pays un régime de parti unique. Le recours systématique à des notions pénales à la fois floues et larges comme « atteinte à la sûreté de l’Etat, troubles à l’ordre public etc., participe de la confiscation des libertés publiques et des acquis démocratiques. Comme l’atteste la suppression pure et simple des syndicats dans le milieu estudiantin. En effet, d’une mesure provisoire de suspension des syndicats dans le milieu universitaire, le gouvernement est passé à la vitesse supérieure en dissolvant tout simplement, par décret, lesdits syndicats le 31 octobre 2024. L’annonce de cette dissolution rappelle que c’est bien en application de l’article 22 de l’ordonnance 2024-368 du 12 juin 2024 que ladite dissolution a été prise.

  • La violence, comme l’unique moyen de gestion des contradictions politiques, est consubstantielle au régime du RHDP. Cette violence se manifeste par la chasse permanente aux opposants politiques. Au cours de l’année 2024, le régime du RHDP a battu son propre record dans sa hargne contre les opposants notamment du PPA-CI et les proches de Soro Guillaume. Ainsi :
  • Le 5 octobre 2024, l’enlèvement, à son domicile, du ministre Dosso Rodel, SGA en charge de la société civile. A ce jour il est encore en détention préventive avec son fils aîné, condamné quant à lui, à 6 mois d’emprisonnement ferme Il est poursuivi pour des infractions génériques servies à tous les opposants.
  • Le 19 décembre 2024, Gala Kolé BI, activiste militant du PPA-CI a été arrêté. Il est poursuivi pour les mêmes infractions génériques de complot contre l’autorité de l’Etat, publication de fausses nouvelles de nature à entraîner le discrédit sur les institutions ou atteinte au moral de la population et troubles à l’ordre public. Il a été placé sous mandat de dépôt et il croupit en prison.
  • La condamnation pour « troubles à l’ordre public », le 21Août 2024, à des peines lourdes (deux ans d’emprisonnement ferme et 5 ans de privations de leurs droits civiques) de messieurs Kando Soumahoro et de Mamadou Touré, des proches de l’ancien Premier ministre Soro Guillaume.
  • Le 29 novembre 2024, monsieur Ange Romain Dagaret-Dassaud, cadre du PDCI-RDA a été interpellé. Il lui ait reproché des propos diffamatoires contre le Chef de l’Etat pour avoir attribué à celui-ci le coup d’Etat de 1999.Il a eu plus de chance, après avoir été inculpé, il a été placé sous-contrôle judiciaire.
  • Le 5 décembre 2024, ouverture du procès de Damana Adia, 2ème Vice-Président du PPA-CI. Ce procès, qui s’ouvre à moins d’un an de l’élection présidentielle, est perçu par le PPA-CI comme étant un procès politique.
  • 4 décembre 2024, ouverture du procès de Koua Justin, SGA du parti, poursuivi pour des faits liés au troisième mandat conflictuel du Chef de l’Etat. Ce procès pour la PPA-CI tout aussi politique que celui de Damana Adia.
  • Le 8 janvier 2025, ouverture du procès de Etienne Eponon, SGA du parti et de Koffi dit le drone, un cyberactiviste proche du PPA-CI.
  • Billaud Daniel SGA chargé de la région du Guémon, messieurs Boli Nestor, Diedo Guy Marius, Ahio Atchori Sostène, Zozan Bi Legé et Lodou Aboua Landry comparaîtront également très bientôt devant la justice pour des faits qui remontent au 17 juin 2021, jour de retour de SEM le Président Laurent GBAGBO. C’est peu de dire que la justice est très active contre les pro-Gbagbo en cette fin d’année 2024 et en ce début d’année 2025. L’homonymie des acronymes de la maison d’arrêt d’Abidjan et du nom de notre parti sont en passe de devenir des synonymes par la simple volonté du régime du RHDP.

Tous ces procès ne répondent qu’à un seul objectif : La fragilisation du PPA-CI.

La société civile non accommodante au régime subit, elle aussi, les assauts du gouvernement. Ainsi, le vendredi 13 septembre 2024, 26 membres de la plate-forme citoyenne Agir pour le peuple (AGIP) ont été arbitrairement arrêtés à Abidjan, lors d’une marche contre la cherté de la vie. Ils sont condamnés à des peines d’emprisonnement de 6 mois.

I-2. Les conditions de détentions de nos militants

L’épouse de son Excellence le Président Laurent GBAGBO a été envoyée en mission par son époux pour remercier les populations, notamment les femmes et les jeunes, pour leur soutien et leur mobilisation constante durant tout le temps qu’ont duré la détention, le procès et l’exil forcé de ce dernier. Lors de sa dernière rencontre avec les jeunes, le dimanche 5 janvier 2025 à Azito, madame Nady Gbagbo a donné un aperçu des conditions inhumaines de détention du Président Laurent GBAGBO à Korhogo. Lesquelles conditions lui ont laissé des séquelles qui sont devenues des sujets de moquerie des militants du RHDP.  Les révélations glaciales des conditions de détention du Président Laurent GBAGBO, qui contrarient le pouvoir, amènent le PPA-CI à s’inquiéter des conditions de détention de ses camarades et autres personnes qui sont proches du Président Laurent GBAGBO. Car s’ils ont pu appliquer, à lui, un régime de détention particulièrement pénible et inhumain, connu en ce temps-là par l’ONUCI et les forces françaises qui l’avaient arrêté, nous sommes tout à fait fondés à nous interroger sur les conditions des autres camarades.  C’est pourquoi, dès son retour, le Président Laurent GBAGBO, instruit par sa propre expérience, avait demandé à visiter les détenus qui lui sont proches. Le gouvernement avait rejeté cette requête. A raison ou à tort, une certaine opinion avait attribué la mort du syndicaliste Mahan Gahé aux supplices qu’il aurait subis lors de son arrestation et de sa détention.

Par ailleurs, si l’on s’en tient au communiqué du parquet, l’arrestation et le mandat de dépôt décerné contre monsieur Gala Kolébi se justifient par une publication jugée diffamatoire contre le régime que ce dernier a faite sur les conditions d’incarcération des personnes arrêtées pendant la marche sur la vie chère.

Afin de s’informer in situ et d’éviter les appréciation subjectives sur les conditions d’incarcération des personnes qui se réclament de lui ou qui lui sont proches, la direction du PPA-CI a instruit les avocats du parti d’introduire une requête pour obtenir un droit de visite de de la direction du parti à ces personnes. Il s’agit de tous les prisonniers y compris ceux de la crise post-électorale de 2011, dont le Commandant Seka Seka Anselme qui fait partie des derniers officiers de l’armée arrêtés en 2011.

  1. Bilan que le PPA-CI dresse de la gouvernance du RHDP

Le 31 décembre 2024, le Chef de l’Etat a adressé le traditionnel message à la nation. Pendant ce message, il a dressé un bilan de sa gouvernance de l’année 2024. Le PPA-CI relève que le Président a omis certains pans de sa gouvernance. C’est pourquoi, il rappelle ces omissions qui rendent le bilan du Chef de l’Etat partiel.

Ce bilan sera politique, social et économique. L’exercice consiste à relever tous les nombreux échecs du gouvernement dans ces trois domaines.

Cependant, compte tenu de l’importance du sujet, l’examen du bial économique et social sera fait dans le prochain numéro de la tribune dans 15 jours.

  1. 1. Bilan politique

Ce bilan se lit au niveau interne et au niveau international.

1-1. Le bilan politique interne

  • La promotion du communautarisme au détriment de la République

Le communautarisme se définit comme « la tendance à faire prévaloir les spécificités d’une communauté, des communautés (ethnique, religieuses, culturelles, sociales…) au sein d’un ensemble plus vaste » (Le Robert). Le communautarisme renvoie toujours à un repli identitaire et souvent porté par une idéologie qui théorise et justifie ce repli identitaire. La dernière décennie est marquée par une crainte, à la limite de la hantise, des anciennes démocraties vis-à-vis de la montée inquiétante du communautarisme. La question est d’une acuité telle que le Parlement français a dû prendre une loi le 24 août 2021 pour prémunir la république française contre ce qui est appelé là-bas le séparatisme, mais qui n’est rien d’autre que le communautarisme.  Si les vieilles démocraties, malgré une idée républicaine profondément enracinée dans leur histoire, s’inquiètent de la montée du communautarisme, combien devraient l’être les jeunes républiques comme la Côte d’Ivoire. Les vieilles démocraties occidentales ont des raisons historiques objectives de craindre le réveil du communautarisme au sein de leurs pays. Les deux conflits les plus meurtriers du 20ème siècle ont été nourris par une idéologie du communautarisme (nazisme hitlérien et fascisme mussolinien).

Or, force est d’admettre que le RHDP a fait du communautarisme son idéologie de conquête de pouvoir en se référant aux deux notions les plus nocives pour la république que sont la religion et la région. A l’approche de l’échéance électorale de 2025, l’idéologie communautariste se bonifie à la fois dans les discours et dans les faits. Ces discours et ces faits font appel à une certaine fraternité soit régionale, soit religieuse ou les deux à la fois pour orienter le militantisme politique. Rappelons quelques faits illustratifs de l’idéologie communautariste du RHDP.

  • Le 12 novembre 2021, Gilbert KONE Kafana, un très proche du Chef de l’Etat, alors Président du directoire du RHDP a lancé à Korhogo l’Union des cadres du Grand Nord. Aucune défense ne peut tenir longtemps devant l’opinion largement partagée qui qualifie cette union de rassemblement politique. Au contraire, tout concourt à cette conclusion. En tout cas, tous les dirigeants de cette union sont des militants du RHDP reconnus comme tel. C’est une belle illustration de l’idéologie du communautarisme du RHDP.
  • Le 20 décembre 2024, le Président de l’Assemblée nationale a parrainé la cérémonie de présentation du Bureau Exécutif National de la Communauté Musulmane des Douanes (COMODO), élu quelques semaines plutôt. Malgré un discours bien enrobé pour justifier l’existence d’une telle association dans une administration publique d’un pays constitutionnellement laïc, le Président de l’Assemblée nationale a dû lui-même avoir de la peine pour se convaincre de son exercice qui consistait à donner une forme carré à un cercle. Que sera les Douanes ivoiriennes, comprises comme service public, si toutes les confessions religieuses se mettaient à s’organiser suivant le modèle de la COMODO. Imaginons un seul instant la communauté chrétienne avec toutes ses déclinaisons, les bouddhistes, les adeptes du judaïsme, des adeptes des religions traditionnelles africaines s’identifier chacun selon ses croyances religieuses, dans l’administration douanière. Au-dessus de tout, une question demeure. Quelle valeur ajoutée apporterait à un agent de l’Etat, dans l’exercice de ses fonctions, son encartement à une organisation religieuse que ni sa pratique religieuse individuelle ou l’esprit républicain ne peuvent lui procurer ? Ici encore, c’est bien l’idéologie communautariste qui se manifeste.
  • Le 20 septembre 2024, le RHDP a lancé une plateforme appelée e-emploirhdp.ci qui permet aux seuls militants du RHDP d’avoir accès à plus de 5000 offres d’emplois émanant d’une centaine d’entreprises publiques et privées. Les promoteurs de cette idée communautariste, qui se défendent d’avoir une maturité plus élevée que l’ensemble de l’opposition ivoirienne et les populations ivoiriennes qui crient au scandale, ignorent certainement, dans leur grande maturité, hélas juvénile et candide, que c’est leur parti qui est au pouvoir et, comme tel, il lui appartient, en tant que parti gouvernant, d’assurer un égal accès à tous les emplois pour tous les citoyens de ce pays. C’est d’ailleurs cette raison qui justifie l’existence d’un ministère de l’emploi. C’est bien l’esprit communautariste qui fait que le RHDP se donne les moyens de concurrencer son propre gouvernement sur les compétences régaliennes de celui-ci. Pour comprendre l’idéologie communautariste du RHDP, il faut cerner la notion d’idéologie elle-même.

Dans son acceptation simple, l’idéologie, entendue selon Jean Baechler ( J. Baechler, Qu’est-ce que l’idéologie ?, Gallimard, coll. Idées, Paris, 1976, p. 22) « comme un discours lié à l’action politique » se définit comme l’ensemble des idées caractéristiques d’une personne, d’un groupe, d’une société à un moment donné, en rapport avec l’organisation sociale, elle-même, fortement tributaire de la politique. La politique ici s’entend, toujours selon Baechler,  comme « une sphère ou un ordre parmi d’autres, qui constitue un système social » ou encore « une certaine stratégie, c’est-à-dire, une ordonnance particulière de moyens en vue d’une fin », ou enfin, « la manière dont sont agencés divers éléments d’un système social ». Il y a donc une corrélation, voire, une consubstantialité entre idéologie, politique et société. Cette perception de l’idéologie articulée à l’action politique correspond parfaitement à l’idéologie communautariste du RHDP. Ce que nous dénonçons aujourd’hui a été théorisé en 1991 dans la chartre du Nord, mis en essai au laboratoire en 1995, implémenté en une grande échelle par la rébellion de 2002 et officialisé dans la notion de rattrapage ethnique. Or le communautarisme, comme idéologie, est ontologiquement séparatiste. Dans un pays qui a connu une guerre civile, le communautarisme prôné par le RHDP est certainement la plus grande menace contre la République et la Nation. L’on comprend pourquoi le gouvernement du RHDP n’a jamais été capable de réussir la réconciliation nationale parce que tout repli identitaire est antinomique à l’idée de réconciliation qui appelle irrévocablement au rassemblement. L’idéologie communautariste ne déchire pas seulement la République et la Nation dans leur acceptation sociologique. Cette idéologie favorise la corruption.

  • La corruption endémique qui fausse les facteurs d’évaluation des performances économiques.

L’année 2024 a davantage révélé la corruption endémique qui caractérise la gouvernance du RHDP. Cette affirmation ne relève pas d’une opinion personnelle ou partisane. Elle est suffisamment étayée par les faits suivants :

  • Le vendredi 25 octobre 2024, le GAFI a ajouté la Côte d’Ivoire et le Liban sur sa liste grise. C’est-à-dire sur sa liste des pays à juridictions soumises à une surveillance renforcée. Tous les pays de cette liste doivent travailler avec le GAFI pour remédier aux déficiences stratégiques de leur régime de lutte contre le banditisme d’Etat (LeMonde.fr/https://www.LeMonde.fr 2024/10/25)

Il convient de rappeler que le groupe d’action financière (GAFI), ou Financial Action Task Force (FATF) en Anglais, a été créé en 1989. Il édite des recommandations aux pays membres du système financier mondial pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terroriste. Il alerte les pays qui présentent des insuffisances institutionnelles ou structurelles dans ce domaine en les inscrivant sur une « liste grise. Au moment où la Côte d’Ivoire rejoint la liste grise le Sénégal en sort. C’est dire que la lutte contre le blanchiment de l’argent sale, fruit de tous les actes criminels, dont la corruption, s’est nettement améliorée au Sénégal et, à l’inverse, s’est nettement dégradée en Côte d’Ivoire. La pléthore des institutions et des organes de lutte contre la corruption n’a servi que la cause de la propagande d’un gouvernement qui veut se donner les habits de vertus pour couvrir sa mauvaise gouvernance. L’économie criminelle ne peut prospérer sans son auxiliaire indispensable qui est la corruption. L’inscription sur la liste grise du GAFI est le témoignage éloquent de la corruption du régime du RHDP dont les effets sur l’économie sont énormes comme on le verra dans la seconde partie de ce bilan.

  • Le 4 janvier 2025, reprenant une dépêche de Reuter, RFI a annoncé que plus 50 000 tonnes fèves de cacao auraient franchi la frontière ouest du pays pour être revendues en Guinée et au Libéria. Là-bas, le kilogramme de cacao se négocie autour de 5000 FCFA contre 1800 FCFA en Côte d’Ivoire. Des personnes véreuses achètent le kg de cacao à 1800 FCFA, en Côte d’Ivoire, traversent la frontière et le revendent au Libéria et en Guinée à 5000. La révélation de cette affaire a amené finalement le gouvernement à prendre des mesures de protection de la frontière ouest sous le code militaire « d’opération verrou 322» comme l’indique un communiqué du Chef d’Etat-Major général des armées. Dans ce communiqué, l’on mesure la profondeur de la corruption qui gangrène notre pays parce que les personnes démises de leurs fonctions, parce que soupçonnées d’être impliquées dans ce trafic des produits agricole de rente se recrutent au sommet de la hiérarchie administrative, militaire et policière locale de la région de l’Ouest.  La frontière ouest n’est pas la seule poreuse par laquelle passent les produits de la contrebande. Le même article de RFI annonce qu’une cargaison de 40 tonnes de cacao, en partance pour le Burkina Faso, depuis le port de San-Pedro, a été saisie à Ferké après avoir parcouru plus de 700 km sans être pour le moindre inquiétée. Pour le seul mois de décembre 2024, ce sont au moins 8 500 tonnes qui ont franchi illégalement les frontières ivoiriennes pour se retrouver dans d’autres pays.  Cette économie de contrebande ne prospère que grâce à la corruption endémique, comme le relève la dépêche qui reprend les propos d’un chef d’entreprise. Ces sorties illégales de cacao, qui échappent à tout contrôle, font perdre des recettes fiscales importantes à l’Etat ivoirien.
  • Des informations de plusieurs sources, non démenties par le gouvernement font état de ce que 11 gendarmes, dont un officier supérieur, seraient en procès en catimini pour vol de 200 kg de cocaïne, d’un stock saisi et destiné à être détruit. Si ces informations se confirment, le caractère secret de ce procès traduit l’embarras que le régime ressent dans cette affaire. En effet celle-ci illustre à souhait la profondeur de la corruption et de l’esprit de cupidité dans notre pays sous la gouvernance du RHDP. L’affaire aurait éclaté parce qu’un indic, senti mal rémunéré, aurait rendu public ce deal malsain. La gendarmerie a toujours été présentée, au niveau des forces de sécurité, comme étant un corps d’élite qui se déploie avec honneur et une grande dignité. Cette affaire de vol de cocaïne par des éléments de ce corps d’élite témoigne de l’effondrement de la morale promue par une gouvernance qui ne se soucie guère de la vertu. Le bradage de Versus Bank n’en constitue pas la moindre des preuves.
  • Le bradage immoral de Versus Bank est l’expression achevée de l’état de dépérissement de l’autorité morale dans le pays. Le détail de cette affaire a été bien restitué par le journaliste Ferro Bailly dans un article qui fait autorité tant par la qualité que par la précision des faits qui constituent ce qu’il convient d’appeler « Versus Bank gate». Pour la résumer, le jeudi 19 décembre 2024, le gouvernement ivoirien annonce son désengagement total de la Versus Bank par l’effet d’un décret pris en conseil des ministres qui consacre le transfert de la totalité des 52,89% détenues dans le capital de la banque à la société Harvest Capital Holding, créée la veille, c’est-à-dire le 18 décembre 2024. Le montant de la transaction est fixé à 8,5 milliards de FCFA assortis d d’un engagement d’investissement pour le développement de la banque à hauteur de 10 milliards de FCFA. Pour tous ceux qui connaissaient l’histoire de la Versus Bank, cette affaire réunit tous les travers de la gouvernance du RHDP. Vengeance primaire, communautarisme et déni de droit.

Vengeance, parce que la principale victime est Jean-Claude Nda Ametchi dépossédé de sa propriété, en violation du droit et de la morale, du seul fait qu’il a été de ceux qui ont répondu à l’appel de la nation lorsque le RHDP tentait, par tous les moyens, de mettre en péril sa survie par diverses entreprises, y compris l’embargo, l’expulsion de la Côte d’Ivoire de la BCEAO et la fermeture des banques françaises. Après avoir nationalisé la BICICI, tête de file du versant bancaire de la coalition des comploteurs ligués contre le régime du Président Laurent GBAGBO en 2011, Jean Claude Nda Amétchi en sera nommé administrateur provisoire. Cela constitue le seul crime qu’il a commis qui lui vaut la vendetta du régime actuel qui s’évertue à le déposséder de sa banque.

Le déni de justice est tellement flagrant qu’il suscite honte et nausée. Au regard de l’article 7 de la convention qui lie l’Etat de Côte d’Ivoire et monsieur J Claude Nda, qui stipule la pleine résolution du contrat de cession en cas de non-paiement du montant convenu, ce dernier reste propriétaire des de 30% des parts de la banque sur la base du principe de droit, connu de tous, selon lequel la convention fait loi entre les parties. Le courrier du 10 septembre 2022 que l’actuel Président du comité de privatisation a envoyé à monsieur Jean Claude Nda est une insulte à l’intelligence. Dire que l’Etat détient la totalité des parts de la banque sur la base d’une convention de cession, qui a été pourtant pleinement résolue pour défaut de paiement de la part de l’Etat, ne peut tenir devant aucune conscience saine. Il n’y a plus dette de 553 950 000 FCFA dus par l’Etat à monsieur Jean Claude NDA. L’Etat doit payer au minima les actions de monsieur NDA au coût de vente qu’il a accordé à la CGRAE.

  • Pour saisir le communautarisme dans cette affaire, il faut comprendre la conscience collective d’une partie de nos compatriotes qui s’inscrit dans une sorte de contrat d’adhésion à une cause qui a servi d’alibi au RHDP pour conquérir le pouvoir et qui sert encore d’alibi pour la conservation du pouvoir. Les discours sont surabondants pour entretenir ce contrat d’adhésion construit autour d’une idée historiquement et sociologiquement fausse. Cette partie de nos compatriotes, endoctrinée par une propagande qui tend à les désigner comme les potentielles victimes d’une probable vendetta si le pouvoir venait à échapper à la communauté dirigeante, cultive en elle la somme de toutes les peurs. Si nous perdons le pouvoir, demain serait pire qu’hier quand notre communauté n’avait pas le pouvoir, le pensent-ils. Or, cet hier n’a jamais existé. Il a été inventé. Afin de bien tenir la communauté regroupée autour du projet de maintien au pouvoir du RHDP, il faut en renforcer les liens de dépendance qui justifient en même temps la crainte d’un lendemain sans pouvoir qui est agitée comme un chiffon rouge devant les membres de la communauté. C’est sous ce prisme qu’il faut lire l’affaire de Versus Bank. Tous ceux qui le connaissent disent du bien de monsieur Daouda Soukpafolo KONE. Il est certes un homme d’affaires habile, mais il n’est pas du genre à porter les coups-bas à ses adversaires en affaires. Il est peut-être même la victime du communautarisme. Il lui appartient de préserver cette image que l’on a de lui en veillant à ce que les droits de monsieur Jean Claude Nda soient respectés. Un Etat qui dépossède un actionnaire de sa propriété est dangereux pour tous les hommes d’affaires. Aucun homme d’affaires ne peut s’en féliciter même s’il en est le bénéficiaire. Les deux hommes d’affaires, qui sont tous des Ivoiriens, doivent s’entendre sur un minimum dans leurs intérêts mutuels pour éviter que le régime du RHDP, très hostile à la loi, ne les instrumentalise. D’ailleurs, monsieur Nda Amétchi, que nous avons interrogé sur cette affaire, bien qu’ayant saisi le Conseil d’Etat à l’effet d’obtenir l’annulation du décret qui constate le transfert de ses parts à l’Etat dit en appeler à la bonne compréhension du Chef de l’Etat pour régler ce problème afin de préserver l’image du pays. Il ne souhaite pas en faire un problème politique. Malheureusement, toutes nos tentatives de rentrer en contact avec monsieur KONE Soukpafolo sont restées vaines. Nous voulions juste nous assurer s’il était suffisamment informé du contentieux qui oppose monsieur Nda Amétchi à l’Etat de Côte d’Ivoire au sujet de la banque qu’il vient d’acquérir.
  • Ce n’est d’ailleurs pas le seul cas de conflit entre opérateur économique où les services de l’Etat se seraient comportés au mépris de la loi. Le second cas, qui illustre la mal gouvernance du RHDP, est le conflit qui oppose le ministère du commerce et la PME KN distribution d’un côté et celle-ci et la société Brassivoire, filiale de la multinationale Heineken en Côte d’Ivoire de l’autre. Sans préjudice de ce qui décidera la justice saisie par la société Brassivoire (l’affaire est en cassation), la critique fondamentale porte sur les agissements du Comité National de Lutte contre la contrefaçon institué par de la loi 2013-865 du 23 décembre 2013 relative à la lutte contre la contrefaçon et la protection des droits de propriété intellectuelle dans les opérations d’importation, d’exportation et de commercialisation de biens et services.

La querelle portée devant les tribunaux par la société Brassivoire contre KN distribution porte sur la concurrence déloyale et non sur une contrefaçon comprise au sens de l’article 1er de la loi 2013-865 du 23 décembre 2013 ci-dessus rappelée.

Les faits sont les suivants :

  • KN Distribution était un revendeur (communément appelé dépôt), entre autres, des produits de Brassivoire. Courant octobre 2019, la petite entreprise décide de lancer ses propres marques en important des boissons énergisantes qu’elle labelise Ivoire Pomme, Ivoire Energy et Ivoire Vodka Citron. Elle fait enregistrer ces marques devant l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle à Yaoundé. Les certificats d’enregistrements suivants lui sont délivrés (voir annexes 1,2,3.)
  • Le 18 octobre 2019, l’entreprise KN Distribution met sur le marché ses produits importés après avoir rempli toutes les formalités douanières (annexe 2)
  • Le 28 octobre 2019, le CNLC saisit et enlève tous les produits, sans aucune convocation ni information préalable et sans la présence d’un commissaire de justice dans l’ensemble des entrepôts et commerces visités
  • C’est seulement, le 28 octobre 2019, soit 3 jour après que le CNCL informera KN Distribution qu’il aurait agi sur plainte de la société Brassivoire, filiale de la multinationale Heineken.
  • Depuis ce jour, monsieur Bamba Mamadou, directeur de KN Distribution tape à toutes les portes, jusqu’à celles de la Présidence de la République en vain.
  • Pourtant, l’opération de saisie menée par le CNLC ressemble, à plusieurs égards, à de l’abus de pouvoir si l’on lit, même de façon la plus rapide possible, les dispositions de la loi de 2013 ci-dessus rappelée et celles du décret 2014-420 du 9 juillet 2014 fixant les attributions, l’organisation et le fonctionnement du CNLC. Le CNCL se déploie sur le terrain par la cellule de prévention et d’investigation prévue à la section 2 du dudit décret.  Les missions de cette cellule sont précisées à l’article 15 du décret. Ainsi selon cet article, la « cellule de prévention et d’investigations a pour missions de mettre en œuvre les décisions du Conseil d’orientation et d’assurer la gestion administrative et financière du CNLC. A ce titre, elle est chargée notamment ;
  • de collecter, d’analyser et de traiter les informations relatives à la contrefaçon et à la piraterie ;
  • de contribuer à la coordination des activités d’investigation menées par les administrations, le parquet et les juridictions compétente ;
  • d’apporter son assistance techniques aux administrations chargées de la lutte contre la contrefaçon ainsi qu’aux titulaires de droits ;
  • d’initier et de mener les investigations au nom du Conseil d’orientation etc. » Comme on le voit, nulle part, pouvoir n’est donné à cette cellule d’opérer des saisies de produits dans les entrepôts ou dans les lieux de vente.

L’opération menée par le CNLC constitue donc une voie de fait inacceptable dans un pays de droit. Depuis cette fameuse date du 25 octobre 2019, l’entreprise de monsieur Bamba, qui employait quelques 400 personnes, est fermée et personne, dans l’administration ivoirienne, ne se soucie de corriger cette violation grave des droits de ce jeune entrepreneur. Dire que ce gouvernement a décrété plusieurs années de la jeunesse. Mais le RHDP n’est pas une incohérence près.

Monsieur Bamba est victime du communautarisme qui est sans pitié pour ceux qui, présumés appartenir à la communauté, n’y militent pas.

1-2. Bilan de la politique extérieure

  • Le sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, tenu le 15 décembre 2024 à Abuja, a pris acte de la sortie définitive du Burkina Faso, du Mali et du Niger, qui sont unis désormais sous la forme confédérative appelée «Alliance des Etats du Sahel (AES) ». Cette rupture entre la CEDEAO et l’AES est le plus grand échec diplomatique de la CEDEAO depuis sa création en 1975. Pour une large opinion africaine, cet échec est imputable à trois Chefs de l’Etat, dont la diplomatie chevaleresque, a précipité le départ des 3 pays de la CEDEAO. Il s’agit des Présidents Ouattara de la Côte d’Ivoire, Talon du Benin et l’ancien Président Macky Sall du Sénégal. L’opinion est plus critique à l’égard du Président ivoirien, parce qu’étant le plus ancien, en termes d’âge, il a le bénéfice de la sagesse qui est réputée acquise par l’expérience de la vie. Par ailleurs, son accointance, dans un passé récent avec ces pays, qui ont épousé sa cause de façon significative dans son combat politique pour arriver au pouvoir, en faisait un interlocuteur de choix pour régler les contradictions entre ces pays et les autres membres de la CEDEAO. Mais son intransigeance à leur égard a été pour beaucoup dans l’élargissement du fossé qui a débouché sur une rupture devenue définitive. De ce point de vue, la rupture de ces trois pays d’avec la CEDEAO est perçue par une partie de l’opinion africaine comme l’échec personnel du Chef de l’Etat ivoirien. Surtout que, dans cette rupture, la Côte d’Ivoire reste la plus grande perdante. Les bras que le nouveau régime ghanéen ouvre grandement aux pays de l’AES témoignent de l’importance stratégique desdits pays pour les pays qui ont une économie portuaire. D’ailleurs, avec cette rupture et le rôle imputé au gouvernement ivoirien, le projet de Port Sec de Ferkessédougou perd de son intérêt. De même, le Port autonome d’Abidjan a perdu un volume non négligeable de ses activités liées au flux d’échanges avec les trois pays. Sur ce point, le témoignage du Centre d’études perspectives (CEP) est éloquent. Au cours de la 5ème édition du « Club prospectives CEP » tenue le 12 Avril 2024 à Abidjan, il a été relevé ce qui suit :

« Le port de Lomé doit 90% de ses transactions à l’AES dont 80% pour le Burkina Faso, 7% pour le Niger et 3% pour le Mali. Le port d’Abidjan a donc été délaissé, en témoignent les chiffres avancés par le DG du port qui parle d’une chute de 6% dans les transactions avec les pays de l’AES. A côté de cela, il y a le lobbying de Rabat, Tripoli, Nouakchott et Conakry envers ces pays sahéliens pour faire le perdre le marché de ces pays à la Côte d’Ivoire ». Au bout de compte, l’on ne peut que se demander ce qu’a gagné notre pays dans son hostilité diplomatique sévère envers ses pays. De quoi à apporter plus d’eau au moulin de ceux qui pensent que notre pays, dans la crise diplomatique avec les pays de l’AES, a joué le rôle de  « sous-traitant » pour le compte d’une autre puissance étrangère. C’est en cela le discours de fin d’année du Chef de l’Etat sur la base militaire française du 43ème BIMA est difficilement lisible.

  • Dans son discours de fin d’année, le Chef de l’Eta ivoirien a annoncé que la base militaire française du 43 BIMA a été rétrocédée à l’Etat de Côte d’Ivoire à la suite d’un accord avec les autorités françaises. Dans le contexte de la rupture des accords militaires d’avec Paris annoncées quelques jours avant, successivement par le Sénégal et le Tchad, et surtout après les déconvenues de l’armée française dans les pays de l’AES, ce discours est apparu troublant. En plus, immédiatement après ce discours, il était annoncé en urgence au journal de France 24 que « le Président de la Côte d’Ivoire demande le retrait des forces françaises». Cette présentation de la situation semble assimiler le cas ivoirien à celui des autres pays qui ont quasiment chassé l’armée française de leur territoire national. Est-ce cela qui a effarouché Emmanuel Macron au point de perdre son Latin diplomatique devant les ambassadeurs français le 7 janvier 2025. Or la situation de la Côte d’Ivoire n’est pas un fait héroïque à mettre au crédit du régime ivoirien, l’allié le plus sûr de la France dans notre sous-région en proie à des mutations multiples rapides. Dans la réalité, c’est la France qui, ayant tiré toutes les conséquences de sa déconvenue dans les pays du Sahel, et ayant compris le changement de mentalité profond des peuples africains, a décidé souverainement de réorganiser sa présence militaire en Afrique, par une réduction drastique de son effectif qui assure un camouflage, en copiant un peu ce que fait déjà les USA. Cette idée n’a pas plu à certains pays, comme le dit d’ailleurs le Chef de l’Etat français devant les ambassadeurs de son pays. Ceux-ci ont toujours trouvé dans la présence de l’armée française, l’assurance tout risque qui protège leur pouvoir. A titre illustratif, l’intervention militaire française a été décisive dans l’arrivée du RHDP au pouvoir en 2011. Fort de cet appui important, un traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de la Côte d’Ivoire a été signé le 26 janvier 2012. Il a été ratifié en France par le décret 2014-1764 du 31 décembre 2014. Le 21 décembre, un protocole additionnel relatif aux installations mises à la disposition des forces françaises stationnées ou en transit sur le territoire de la République de Côte d’Ivoire a été signé entre les deux pays. Ce protocole a été ratifié en France par le décret 2021-92 du 29 janvier 2021. Ce protocole additionnel renforce davantage l’emprise de territoriale de l’armée française en Côte d’Ivoire. Ainsi, l’on peut lire, entre autres, à l’article 3 relatif à « l’escale aérienne mise à la disposition des forces françaises sur l’aéroport international d’Abidjan » en son alinéa 1 :

« Afin de permettre de mettre en œuvre l’organisation d’escales aériennes prévues au point c du point 1 de l’article 4 du traité, la Partie ivoirienne met gracieusement à la disposition exclusive des forces françaises une parcelle pour l’implantation de l’escale aérienne, pour une durée de 50 ans ».

Comme l’on peut s’en rendre compte, jusqu’en 2021, la France et la Côte d’Ivoire renforçaient la présence militaire française en Côte d’Ivoire. A ce jour, le traité et le protocole additionnel n’ont pas été résiliés. Donc l’armée française est encore bel et bien présente en Côte d’Ivoire même si c’est par un dispositifs moins visible. La communication autour de cette question a échappé à la France et le discours du Chef de l’Etat ivoirien du 31 décembre n’a pas été suffisamment, volontairement ou involontairement, clair sur ce point. Dans le contexte actuel, même les media et une partie de l’opinion française ont analysé et compris la situation ivoirienne à l’identique de celles du Sahel, du Tchad ou du Sénégal.

Mais, si le Chef de l’Etat a décidé de communiqué ainsi sur la rétrocession du 43ème BIMA à l’armée ivoirienne, il entendait tirer le meilleur parti de cette opération pour prendre les habits d’un héros souverainiste africain. Ce faisant, il reconnaît à demi-mots que la présence d’une armée étrangère en Afrique est désormais anachronique. Dès lors, l’anathème que ses partisans jettent sur les pays du Sahel, qui ont rompu les liens avec l’armée française, est sans objet. Dans la réalité, la souveraineté est devenue la nouvelle matrice autour de laquelle se construit la conscience politique africaine du 21ème siècle. Une fois encore, le Président Laurent GBAGBO devance tous les autres.

  • Au total, le bilan politique du régime du RHDP présente un solde très négatif. Or, lorsque la politique est défaillante, toutes les autres actions de l’Etat qui en découlent en pâtissent. C’est pourquoi, le bilan économique et social qui sera dressé dans le prochain numéro de la Tribune ne sera guère meilleur. Les écrous de la Côte d’Ivoire ont besoin d’être revissés. Le Président Laurent GBAGBO l’a promis et le PPA-CI travaille à cet effet.

Une fois encore, bonne et heureuse année à toutes et à tous.

Je vous remercie.

Le Président du CSP

Dr Justin Katinan KONE

Ancien ministre.

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