Impact des sanctions Cedeao sur le système de santé du Niger: Chronique d’une asphyxie des pharmacies du pays

La fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Niger, l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne de la Communauté pour tous les vols commerciaux à destination ou en provenance du Niger, la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les Etats membres de la CEDEAO et le Niger… Ce sont là quelques sanctions prises par la CEDEAO (dont le Niger était membre), avec effets immédiats pour exiger la réinstauration de l’ordre constitutionnel et le président déchu. Des mesures qui ont eu beaucoup d’impact sur les populations du pays, particulièrement sur le système sanitaire.

Debout et silencieux devant l’agence de la Banque Of Africa (BOA) de Gaya, Abdoulaye Soumana, la quarantaine, est perdu dans ses pensées. Ce chef de famille est dans un désespoir qui saute à l’œil. Dans ses mains, il tient fermement une ordonnance médicale d’un montant de 60 000 Fcfa. Le 16 août aux environs de 16h, Ramatou l’épouse de Soumana a été admise aux urgences de l’hôpital départemental de Gaya à cause de violents maux de ventre.

Les médecins sont formels : une intervention chirurgicale s’impose. Mais du fait des sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA après le coup d’Etat du 26 juillet 2023, les banques du Niger n’autorisent que des retraits limités. Soumana a dû faire trois retraits en plusieurs jours pour réunir l’argent nécessaire afin de pouvoir acheter les produits pharmaceutiques prescrits dans l’ordonnance médicale. Cependant, certains médicaments et produits nécessaires tels que la bétadine jaune et solutés étaient en pénurie. Soumana, raconte qu’il a dû parcourir les officines de la place avant de s’en fournir auprès d’une pharmacie privée de la même agglomération. Toujours à Gaya, Idrissa Hamani, affirme avoir sillonné lui aussi toutes les pharmacies de la ville avant de se procurer de l’anti D, un médicament antidiabétique prescrit pour les femmes après l’accouchement lorsque le bébé a un rhésus positif et la mère un rhésus négatif (ndlr : une personne est dite rhésus positif si ses globules rouges possèdent l’antigène D ; elle est dite rhésus négatif si cet antigène est absent).

Pays sahélien de l’Afrique de l’Ouest, d’une superficie de 1 267 000 km2, avec une population estimée à plus de 26 millions d’habitants, le Niger est confronté à de récurrentes attaques terroristes depuis mai 2013. Cette dégradation continue de la situation sécuritaire est l’une des raisons mises en avant par le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie pour renverser le 26 juillet 2023 le président Mohamed Bazoum (élu en février 2021). Suite à ce coup d’Etat, la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont le Niger était membre à l’époque, lors de la session extraordinaire de la conférence de ses chefs d’Etat et de gouvernement sur la situation politique qui prévaut au Niger, tenu le 30 juillet 2023, a pris des mesures avec effets immédiats pour exiger les la réinstauration de l’ordre constitutionnel et le président déchu.

Ces sanctions sont : la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Niger, l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne de la CEDEAO pour tous les vols commerciaux à destination ou en provenance du Niger, la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les Etats membres de la CEDEAO et le Niger, le gel de toutes les transactions de service, y compris les services publics, le gel des avoirs de la République du Niger dans les banques centrales de la CEDEAO, le gel des avoirs de l’Etat du Niger, ainsi que des entreprises publiques et parapubliques logés dans les banques commerciales, la suspension du Niger de toutes formes d’assistance financière et de transactions avec toutes les institutions financières, notamment la BIDC et la BOAD; interdiction de voyage et gel des avoirs des officiers militaires impliqués dans la tentative de coup d’Etat et une éventuelle attaque militaire pour rétablir le président déchu.

Le 10 août 2023, lors de la deuxième session extraordinaire sur le Niger, la Conférence des chefs d’Etats et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a décidé de réaffirmer l’application de toutes les mesures prises contre le Niger. En face, le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le chef de la transition nigérienne, le Général de Brigade Abdouramane Tiani, dénonçait le samedi 19 août 2023 toutes ces sanctions qui vont jusqu’à priver les populations de tout approvisionnement en produits alimentaires et pharmaceutiques.

Ces mesures dont le peuple nigérien a vécu et continue de vivre les conséquences avec résilience ont été levées par la CEDEAO le 24 février 2024 après 7 mois de vigueur. Mais celles-ci ont engendré des répercussions dans tous les secteurs. A la date du 25 août 2023, 2133 camions étaient bloqués entre le Niger, le Bénin et la Côte- d’Ivoire ; 700 véhicules d’occasion bloqués à Malanville et 6 785 conteneurs bloqués au port de Cotonou, selon le Syndicat des commerçants importateur-exportateurs et grossiste du Niger.

Impacts des sanctions sur l’approvisionnement en produits pharmaceutiques

Dans une interview publiée à SPUTNIK Afrique, le 18 septembre 2023, le secrétaire Général du ministère de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales du Niger, Dr Ibrahim Souley, a déclaré que le Niger a subi une pénurie drastique de médicaments par suite des sanctions imposées par la CEDEAO, lesquelles ont bloqué les principaux circuits logistiques aux produits de santé destiné au Niger. Après la fermeture des frontières, les médicaments sont restés bloqués au port de Cotonou ou à la frontière nigéro-béninoise.

Ainsi, après seulement cinq semaines de blocage d’approvisionnement de médicaments, le pays enregistrait 25% de pénurie de médicaments vitaux. Ceux qui n’ont pas disparu des rayons, ont vu leur prix augmenter, selon la même source. Par la suite, Dr Ibrahim Souley a informé que du 28 juillet au mois de septembre 2023 aucune réception de produits pharmaceutiques n’a été enregistrée. Il s’agit de la quasi-totalité des produits pharmaceutiques dont le Niger a besoin et c’était plus d’une soixantaine de conteneurs qui étaient bloqués pour près de 4 milliards de francs CFA, selon le SG du ministère de la Santé.

La majorité des produits pharmaceutiques est acheminée au Niger à travers le port de Cotonou. Le deuxième circuit d’acheminement via le port Togolais de Lomé n’est que très rarement utilisé à cause de l’insécurité sur la route entre le Burkina Faso et le Niger. En temps normal, le circuit logistique des produits de santé a toujours été confronté à des ruptures mais confinées à des taux n’excédant pas 7 à 10% sur les produits les plus demandés. Alors, qu’avant ces sanctions le taux de la couverture sanitaire est passé de 52,68% en 2020 à 54,47% en 2022. Passant d’un taux de rupture des médicaments de 9,03% en 2020 et 5,77% en 2021 à 3,70% en 2022, selon le rapport sur la performance de l’action gouvernementale du Niger 2021-2022.

Gaya, la ville frontalière du Bénin située au sud-ouest du Niger dans la région de Dosso et à environ 292 km de Niamey à une dizaine minutes de Malanville (Bénin). Cette localité a fait face à des difficultés d’accès aux soins depuis la fermeture des frontières. Selon un infirmier qui a préféré garder l’anonymat, cette rupture de médicament est venue aggraver la situation des centres de santé qui sont confrontés à d’autres problèmes parmi lesquels l’insuffisance des ressources humaines. Avant les sanctions, Gaya était la ville-carrefour commerciale et centre de transit entre le Bénin et le Niger. La majorité des produits importés sont achevés à travers celle-ci. Depuis la fermeture des frontières, la cité du Dendi a perdu son ambiance commerciale laissant place au marché informel des médicaments qui s’est accru, selon une source sécuritaire. La même source nous apprend que le trafic se faisait essentiellement à deux niveaux à savoir par le transport fluvial (Malanville-Niamey) et par la frontière du Nigeria (Kamba).

Pour sa part, Dr Nafiou Aga, promoteur de la pharmacie Macha Allah de Gaya, indique que la ville a connu une période de difficulté d’accès aux soins médicaux adéquats à cause des ruptures en médicaments. Les premiers produits entrés en pénurie sont ceux des maladies chroniques comme l’asthme, la drépanocytose, le diabète, l’hypertension. Les médicaments en forte rotation servant à soigner les maladies comme le paludisme, le rhume, les céphalées sont devenus très rares, voire inexistants de novembre 2023 à janvier 2024. « Les rares produits disponibles ont connu une flambée de prix avec une hausse comprise entre 100 et 5000 Fcfa selon les produits », a-t-il confié. Toutefois, selon Dr Nafiou cette situation a eu des conséquences néfastes sur l’économie du secteur avec des chiffres d’affaires en baisse. Notons que la ville de Gaya ne dispose que deux pharmacies dont une dite ‘’populaire’’ (publique) et une autre privée. Elle a aussi trois dépôts de produits pharmaceutiques.

Face à cette crise de produits pharmaceutiques, le Président-Directeur Général, Dr Nouhou Abdoulaye, et le médecin-chef, Harouna Moussa, de la clinique Pro santé de la localité, ont dit que les médecins se sont trouvés dans une situation assez lamentable. Selon eux, la prise en charge des maladies chroniques telles que le diabète ou l’hypertension a été très compliquée. Tout en se réjouissant de n’avoir enregistré aucun cas de décès, ces médecins ont déploré la situation dans laquelle se sont trouvés leurs patients. « Par exemple, nos patients hypertendus doivent prendre régulièrement des médicaments précis sans possibilité de les changer par des équivalences dans certains cas. Vous voyez à quel point ils sont condamnés avec ces ruptures », déplorent les médecins.

Concernant les médicaments de forte rotation, Dr Nouhou Abdoulaye et Harouna Moussa pensent que la meilleure alternative est la modification des prescriptions afin de faciliter l’accès aux médicaments. Même avec cette initiative, « ces malades n’ont pas eu de médication appropriée ». « Beaucoup des malades hospitalisés ont subi cela, les équivalences manqueraient également et certaines ne sont pas trop efficaces aussi », atteste le médecin en chef de la clinique Pro santé. Les médicaments liquides composés de sirops, de solutions injectables, de sérums et d’effervescents ont connu plus de rupture dans la ville de Gaya que les solides (comprimés, pilules, gélules, poudres et autres). Cela s’explique du fait que la majorité des médicaments liquides sont lourds et leur commande est coûteuse, a justifié Dr Nafiou Aga [Photo].

Des cas de décès à Niamey

La pénurie a été ressentie d’une manière générale sur tout le territoire nigérien. Niamey, la capitale a été la plus touchée avec des cas de décès. S’agissant des produits pharmaceutiques, la situation était vraiment compliquée, selon le Dr Waguiri Inoussa, médecin-chef du cabinet médicale Doribane.

A Niamey, Rachida 48 ans et mère de cinq enfants, a été placée sous perfusion au cabinet médical Doribane du quartier Aéroport dans la nuit du 10 janvier. Selon le Dr Waguiri la dame souffrait d’un trouble ionique de type hyponatrémie (Na+) hypokaliémie (K+). Après plusieurs tentatives de stabilisation des douleurs, l’état de la patiente s’est aggravé. C’est pourquoi, elle a été transférée aux urgences du Centre Hospitalier régional de Niamey (CHR) « Poudrière ». Au CHR, les médecins ont prescrit les mêmes produits, la famille s’est lancée en vain à la recherche de ce médicament (NACL, KCL). Malheureusement, la patiente a rendu l’âme dans la soirée aux environs de 20h. Le médicament tant recherché n’a pas été trouvé dans toute la ville de Niamey qui dispose pourtant de 142 pharmacies privées, 5 pharmacies populaires et plus de 300 dépôts de produits pharmaceutiques.

Selon la présidente du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens du Niger, Mme Galy Rahana, il y a eu un sérieux manque de solutés, d’antibiotiques, de vaccins, d’antidouleurs et même de chlorures. A l’en croire, le Niger fait toujours face à une difficulté d’approvisionnement en produits pharmaceutiques et ce n’est pas quelque chose qui peut se régler de sitôt. « Présentement il y a toujours des médicaments qui connaissent la rupture », renchérit Dr Brahima Amadou Al-Moustapha, président par intérim du Syndicat des pharmaciens du Niger. On déplore, poursuit-il, la perte de toutes les molécules même la simple bétadine jaune, il a fallu qu’on la commande à l’extérieure du pays.
La chaîne d’approvisionnement avant et après les sanctions au Niger

La pénurie a été ressentie d’une manière générale sur tout le territoire nigérien. Niamey, la capitale a été la plus touchée avec des cas de décès. S’agissant des produits pharmaceutiques, la situation était vraiment compliquée, selon le Dr Waguiri Inoussa, médecin-chef du cabinet médicale Doribane.

A Niamey, Rachida 48 ans et mère de cinq enfants, a été placée sous perfusion au cabinet médical Doribane du quartier Aéroport dans la nuit du 10 janvier. Selon le Dr Waguiri la dame souffrait d’un trouble ionique de type hyponatrémie (Na+) hypokaliémie (K+). Après plusieurs tentatives de stabilisation des douleurs, l’état de la patiente s’est aggravé. C’est pourquoi, elle a été transférée aux urgences du Centre Hospitalier régional de Niamey (CHR) « Poudrière ». Au CHR, les médecins ont prescrit les mêmes produits, la famille s’est lancée en vain à la recherche de ce médicament (NACL, KCL). Malheureusement, la patiente a rendu l’âme dans la soirée aux environs de 20h. Le médicament tant recherché n’a pas été trouvé dans toute la ville de Niamey qui dispose pourtant de 142 pharmacies privées, 5 pharmacies populaires et plus de 300 dépôts de produits pharmaceutiques.

Selon la présidente du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens du Niger, Mme Galy Rahana, il y a eu un sérieux manque de solutés, d’antibiotiques, de vaccins, d’antidouleurs et même de chlorures. A l’en croire, le Niger fait toujours face à une difficulté d’approvisionnement en produits pharmaceutiques et ce n’est pas quelque chose qui peut se régler de sitôt. « Présentement il y a toujours des médicaments qui connaissent la rupture », renchérit Dr Brahima Amadou Al-Moustapha, président par intérim du Syndicat des pharmaciens du Niger. On déplore, poursuit-il, la perte de toutes les molécules même la simple bétadine jaune, il a fallu qu’on la commande à l’extérieure du pays.

La chaîne d’approvisionnement avant et après les sanctions au Niger

Créé en 1962, l’Office nationale des produits pharmaceutiques et chimiques (ONPPC) du Niger est chargé de distribuer des médicaments de qualité supérieure jusqu’au dernier kilomètre du territoire national. Cet office gouvernemental à un réseau de trois dépôts et quarante-trois pharmacies populaires. En son sein elle regroupe d’autres sociétés affiliées, dont la Société nigérienne des industries pharmaceutiques (SONIPHAR) qui assure la production d’un pour cent (1%) des besoins du pays et la distribution locale de médicaments. Le Laboratoire national de santé publique et d’expertise (LANSPEX) est responsable du contrôle de qualité des médicaments. Outre ces centrales d’approvisionnement, le Niger dispose de plusieurs grossistes privés en la matière qui fournissent aussi les pharmacies en médicaments.

Avant les sanctions précitées, l’approvisionnement des produits pharmaceutiques se faisait majoritairement (environ 90%) à travers le port de Cotonou (Bénin), confie le président par intérim du SYNPHANI. Les pharmaciens s’approvisionnent auprès des sites de répartition (ONPPC, grossistes etc..) à l’exception de quelques officines qui commandent directement à l’étranger.

La fermeture des frontières a occasionné le blocage de milliers de conteneurs dont ceux des centrales pharmaceutiques en territoire béninois. Ce qui a fait que les centrales n’ont pas pu recevoir les dernières commandes encore moins de lancer de nouvelles. Pour le bon fonctionnement de leurs entreprises, les pharmaciens ont cherché d’autres moyens pour s’approvisionner. C’est ainsi qu’à l’occasion de la Journée mondiale des pharmaciens tenue le 25 septembre passé, les pharmaciens du Niger se sont réunis pour réfléchir et adopter une feuille de route pour faire face à ce problème. A l’issue de cette rencontre, un comité de pilotage a été mis en place. Ledit comité a rencontré le ministre de la Santé pour discuter de la situation. « On a dû chercher des solutions en créant des comptes bancaires au Burkina Faso, au Togo et un peu partout hors du continent afin de faire des commandes dans la sous-région pour la survie de nos sociétés », ajoute Dr Brahima Al-Moustapha.

Toutes choses confirmées par la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, Dr Galy Rahanatou, qui déplore la dépendance quasi-totale du Niger de l’extérieur pour s’approvisionner en produits pharmaceutiques. Elle explique que pour asphyxier les ruptures, chaque pharmacien, sans attendre les grossistes, a multiplié les commandes à partir des pays comme le Burkina Faso, le Togo, l’Algérie voire en Turquie et même en France.

Toujours selon Dr Galy, le gouvernement de la transition nigérienne a trouvé une solution sanitaire en faisant un convoi de camion à partir du port du Togo qui a fait passer les conteneurs à travers le Burkina. Cependant, Dr Brahima Al-Moustapha dénonce les multitudes de difficultés que les pharmaciens rencontrent avec les commandes, notamment le flux aérien. Il explique que le transport se fait par DHL et c’est excessivement coûteux. C’est pourquoi plusieurs produits connaissent des spéculations et une disparition exclusive. Parmi ceux-ci, on compte les sirops ; ils sont des médicaments très lourds que même les centrales n’ont pas pu acheminer facilement. « La DHL calculée en tenant compte du poids des marchandises. Également pour l’autorisation d’importation, 2% des bénéfices sont versés au service de régularité. A ceux-ci s’ajoutent les frais de douane et de transit qui pèsent beaucoup sur le transport », a édifié le président du SYNPHANI.

A Gaya aussi, cette chaîne a été impactée car avant les sanctions elle portait essentiellement sur l’apport des produits venant de Niamey. D’après les explications fournies par le Dr Nafiou, bien que les produits pharmaceutiques passent par la ville de Gaya en provenance du port de Cotonou, légalement l’acquisition se faisait spécifiquement au niveau des services compétents de Niamey. « En réalité, la majorité des produits sont commandés auprès des grossistes et des partenaires qui se trouvent à la capitale », a révélé Dr Nafiou Aga, promoteur de la pharmacie Macha Allah. Toutefois, a-t-il ajouté « des vendeurs de médicaments non homologués arrivent quand même à s’en fournir en quantité importante à travers des moyens illicites ».

Le Conseil Nigérien des Utilisateurs des Transports Publics (CNOUT) révèle qu’en 2022, 5 064 891 tonnes de produits pharmaceutiques ont été acheminés à travers le port de Cotonou et 3 054 883 en 2023. Ces données montrent que le transit de ces produits se fait principalement via le port de Cotonou, comparativement à celui de Lomé qui enregistre 293 354 tonnes et de Tema (1 286 629 tonnes). Les importations de produits pharmaceutiques via le port de Cotonou sont passées de 3 054 883 en 2023 à 0 tonnes au premier trimestre 2024. Alors que le port de Lomé (Togo) et celui du Tema cumulent au total respectivement 65 851 et 162 118 tonnes de marchandises pharmaceutiques au titre de l’année 2024 (premier trimestre).

Les mesures prises contre l’Etat du Niger par la CEDEAO, l’UEMOA ainsi que d’autres institutions internationales ont d’une part causé des pertes en vie humaines et ont été le catalyseur d’importantes violations des droits des populations nigériennes, notamment le droit à la santé.

Concernant les pertes en vies humaines, le Niger a enregistré sur l’ensemble du pays 375 décès, a déclaré le Premier Ministre nigérien, Ali Lamine Zeine, au cours d’une cérémonie officielle de remise de rapport d’étude sur les incidences de ces décisions. Ce nombre élevé de décès pourrait être la résultante des effets conjugués de l’arrêt de la fourniture du Niger en énergie électrique d’une part et le blocage de l’approvisionnement du pays en produits pharmaceutiques d’autre part. Ainsi, pour prévenir une telle situation, Dr Galy Rahanatou, Dr Brahima Al Moustapha et Dr Nafiou Aga, préconisent de faire la promotion de l’industrie pharmaceutique pour une autonomisation entière de l’approvisionnement en produits pharmaceutiques. « Pour que cela marche, il faudrait l’implication de l’Etat en mettant en place des structures de productions des médicaments », ont-ils suggéré. La deuxième chose, c’est d’anticiper les commandes en fonction des besoins et mettre en place des moyens de stockage des produits.

Combats menés par des défenseurs des droits humains

« La CEDEAO a appliqué au Niger une punition jamais vue au monde », condamne le Premier Ministre du Niger lors de la présentation du rapport de l’étude menée sur l’impact des mesures. Aussi, les défenseurs des droits humains ont trouvé que ces sanctions ont été injustes et inhumaines, surtout quand il s’agit de fermer les frontières, d’arrêter toutes les transactions commerciales qui impliquent les aliments, les médicaments, les produits de première nécessité pour la population dans un pays aussi enclavé comme le Niger.

En tant qu’humanitaire, Dr Moussa Fatima, ancien ministre de la Santé publique au temps du président Mamadou Tandja trouve inconcevables toutes ces mesures. Pour elle, ce sixième coup d’Etat a été violent en termes de sanctions pour le peuple nigérien qui est déjà meurtri par les afflux des attaques terroristes, de l’insécurité, de la crise économique et surtout de la pandémie de la Covid19. Aussi, l’ex-ministre a souligné que dans la planification sanitaire, les stocks de santé ne dépassent pas trois mois et dans le contexte du Niger, les évènements du 26 juillet 2023 se sont déroulés au deuxième semestre de l’année. Par ailleurs, elle a également rappelé que les financements sanitaires du Niger sont liés à ceux de l’extérieur.

Au lendemain de ces mesures, les organisations de la société civile et défenseurs des droits humains ont dénoncé ces actes à travers des sorties médiatiques et l’organisation de manifestations. En plus, l’Etat du Niger, avec l’appui de sept autres personnes morales et physiques a formé une requête introductive d’instance datée du 28 juillet et déposée au niveau de la greffe de la Cour de justice de la CEDEAO le 31 août 2023 avant de déposer aussi dans un document séparé une demande de mesure provisoire. Ces deux documents ont été notifiés aux défendeurs le 4 septembre 2023. L’objectif de cette procédure vise à obtenir de la Cour de justice de la CEDEAO une ordonnance suspendant l’exécution des décisions prises par la conférence des chefs d’Etat et de gouvernements de la CEDEAO.

Par conséquent, la Cour statuant publiquement, contradictoirement, sur la compétence, déclare qu’elle est prima facie compétente pour connaître de la requête au fond. Sur la recevabilité, elle déclare que la requête principale est, prima facie, irrecevable en ce qui concerne le premier requérant car selon la Cour elle n’a pas la qualité pour agir devant celle-ci. Sur le fond (mesures provisoires) la cour rejette la demande de mesures des requérants. Les sept autres plaignants sont : Dr Moussa Fatimata, consultante et ex ministre de la santé publique ; la Société Nigérienne d’Electricité (NIGELEC), la Chambre de commerce et d’industrie du Niger (CCIN) ; le Conseil nigérien des utilisateurs des transports publics (CNUT), le Conseil national de l’ordre des pharmaciens du Niger ; le Réseau des chambres d’agriculture du Niger (RCAN) et le Syndicat des commerçants importateurs-exportateurs et grossistes du Niger (SCIEGN).

Me Mounkaila Yayé, l’un des conseils parmi la task-force d’avocats des requérants a fait savoir que le recours n’ayant pas été examiné au fond, ils n’avaient pas pu faire la démonstration de l’impact des sanctions de la CEDEAO à l’échelle de la population nationale. Par contre, le recours déposé serait cantonné aux mesures provisoires. “Illégales, illégitimes, injustifiées, actes de violations flagrantes des droits humains’’, c’est ainsi qu’Abdoulaye Seydou, acteur de la société civile qui milite pour la défense des droits humains, décrit ces mesures ainsi que les dispositifs mis en place. De son point de vue, le Niger doit saisir les juridictions compétentes en la matière au niveau international pour demander réparation par rapport à ces sanctions prises contre son peuple.

De la CEDEAO à l’AES

La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est une organisation intergouvernementale ouest africaine qui regroupe à son sein 15 pays. Elle a vu le jour le 28 mai 1975 en vue de coordonner les actions des pays d’Afrique de l’Ouest sur le plan de l’intégration économique. Plus tard, avec les remises en cause des régimes démocratique, la CEDEAO a adopté un Protocole supplémentaire sur la démocratie et la bonne gouvernance. Et c’est en vertu de ce dernier qu’elle a sanctionné le Niger. Ces sanctions ont été jugées inhumaines par le Niger, le Mali et le Burkina-Faso. Ces pays ont signé le 16 septembre 2023 la charte du Liptako Gourma donnant naissance à l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Le 28 janvier 2024, les pays membres de l’AES ont annoncé en même temps leur départ de la CEDEAO avec effet immédiat.

Enquête réalisée par Balkissa IBRAHIMA MAHAMANEavec le soutien de la CENOZO dans le cadre du projet “programme Sahel”.
CENOZO
Cenozo.org

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