
Malgré des pressions extérieures, l’arsenal juridique ivoirien ne protège pas encore de manière concrète les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (Lgbt). Tous sont soumis aux mêmes lois que les non Lgbt. « Fin 2021, la question de l’homosexualité avait surgi dans le débat public après de vifs échanges à l’Assemblée nationale. La mention de « l’orientation sexuelle » comme motif de discrimination avait été retirée du Code pénal », relève un article publié sur le site de Rfi le 8 septembre 2024. Dans ces conditions, être Lgbt ou simplement woubi selon le langage populaire pour désigner et stigmatiser cette catégorie de personnes, c’est s’exposer dangereusement aux yeux d’une population majoritairement homophobe.
Brimades, railleries, exclusion, stigmatisation tel est le lot quotidien des difficultés que bravent ces personnes à l’orientation sexuelle différente avec des forces de sécurité peu enclines à les protéger. Ces personnes ne sont pas souvent les bienvenues dans les commissariats de police. Elles sont vues comme des personnes aux mœurs peu accommodantes. « Certains ont été agressés, bafoués dans leur dignité parce qu’on les a mis nus. On reçoit des appels de menaces de mort. On nous recherche de partout. Il y a des photos et des logos des structures qui sont vulgarisées sur les réseaux sociaux. On a plus de vie. On est encore caché », témoignait un rare activiste de la cause des Lgbtq dans le même article de Rfi cité plus haut.
Souvent face à ce lot de difficultés, la tentation de s’exiler se présente comme la solution idéale pour échapper à des violences certaines. En 2024, une montée de violences homophobes avait gagné Abidjan avec des scènes qui ont profondément marqué la capitale économique ivoirienne. Sur les réseaux sociaux des groupes créés se sont clairement affichés ‘’anti woubi’’ et prônaient une haine ouverte contre l’homosexualité et ses déclinaisons connexes. Il fallait vivre caché ou périr dans des mouvements de masse qui n’ont pas hésité à s’attaquer à des biens ou à des installations supposées appartenir à cette catégorie de personnes. Au marché de Yopougon Sicogi, des semaines durant, des salons de coiffure ont été désertés. Ils constituaient les lieux de repère visibles où ils s’exhibaient les soirs venus.
Partir ou subir l’enfer
Un fait de violence à Abidjan nous a été rapporté. Il remonte au premier trimestre 2023, dramatique et traumatisant. Le meurtre de Pascal, lâchement abattu par des inconnus pour son orientation sexuelle après plusieurs menaces de mort qu’il avait reçues sur son téléphone et sur la porte de son domicile abidjanais. Ne faisant pas trop attention à ces menaces, sûr de lui, il bravait les menaces et sortait pour des virées nocturnes avec son amant. Un soir, alors qu’il rentrait d’un show comme on dit à Abidjan, il est violemment interpellé par des inconnus qui le traînent, le rouent de coups avant de lui sectionner les parties génitales. Certainement parce que pour eux, Pascal n’avait plus besoin de son sexe masculin qui lui sert de décor. Il a été découvert dans une mare de sang le lendemain par des passants, loin de son lieu d’habitation dans une banlieue au sud d’Abidjan. Ce meurtre n’a jamais été élucidé. L’on se demande si des enquêtes pour retrouver les meurtriers ont été ouvertes.
Très souvent l’agression voire l’assassinat des personnes à l’orientation sexuelle extraordinaire passe souvent dans le lot des dossiers négligés peut-être en raison de leur stigmatisation. Dans les cultures africaines en général, ivoiriennes en particulier ces personnes constituent une honte pour leur famille et s’inquiéter de leur sort est tout aussi problématique. Le regard de la société en est un facteur.
En septembre 2016, un expatrié français Laurent Guilard qui travaillait dans un restaurant de la place a été découvert mort dans un immeuble inachevé à Abidjan Cocody. Quand la rumeur a couru qu’il était un homosexuel, son dossier est resté sans suite. Ni la plainte de sa famille vivant en France, ni les relances récurrentes par saisine d’un tribunal parisien n’ont permis d’éclairer ce crime dont a été victime ce jeune français. « Laurent, victime d’un crime oublié en Côte d’Ivoire », titrait le journal français ‘’Le Parisien’’ dans son édition en ligne le 31 août 2018.
On en est là. Homosexuel ou woubi en Côte d’Ivoire, point besoin de s’exhiber. Il faut vivre caché au risque de s’exposer à la vindicte. L’opinion ivoirienne, la société ivoirienne tout court accepte encore mal ce qui est considéré comme une atteinte aux bonnes mœurs, l’homosexualité. Peut-être que les pouvoirs publics trouveront un jour la bonne formule pour légiférer sur un phénomène social qui relève du tabou. Mais ce n’est pas pour demain la veille.
Charles K. à Abidjan
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