Jurisprudence des viols de Mazan: M. Pelicot se tape 20 ans de réclusion criminelle « des peines largement en dessous des réquisitions » du parquet

En France l’on pourrait évoquer aujourd’hui une jurisprudence écrite par des juges de Première instance. En attendant, oui ou non , la confirmation du jugement rendu ce jour dans le procès en Appel.

Quatre mois après le début du procès des viols de Mazan (Vaucluse), Dominique Pelicot, jugé pour avoir drogué Gisèle Pelicot pendant une décennie et l’avoir livrée à plus de 70 hommes recrutés sur internet, a été déclaré coupable de viols aggravés sur son ex-épouse et condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Tous les accusés ont été reconnus coupables.

Avec Clémentine Eveno dans L’Humanité

Plus de trois ans après que le calvaire de Gisèle Pelicot a été dévoilé dans la presse, le verdict est tombé, ce jeudi 19 décembre. Dominique Pelicot, jugé pour avoir drogué pendant une décennie celle qui était à l’époque son épouse et l’avoir livrée à plus de 70 hommes recrutés sur internet, a été déclaré coupable de viols aggravés après quatre mois de procès. Il a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Tous les accusés ont été reconnus coupables.

50 des hommes sur le banc des accusés, âgés de 27 à 74 ans, qui ont infligé à Gisèle Pelicot des viols et agressions sexuelles à son domicile conjugal de Mazan (Vaucluse), de 2011 à 2020, sont également jugés. Parmi eux, on en dénombre un en cavale, et dix-huit en détention déjà en détention en amont du procès. Pour une trentaine d’autres, le logiciel de reconnaissance faciale de la police nationale n’a pas été en mesure de les identifier.

« Merci Gisèle »

« Je voulais que toutes les femmes victimes de viol se disent : « Madame Pelicot l’a fait, on peut le faire. » Je ne veux plus qu’elles aient honte », déclarait Gisèle Pelicot depuis le début du procès de ses violeurs. Son message, et son choix de refuser le huis clos pour que « la honte change de camp » ont inspiré nombre de personnes, partout dans le monde. Une banderole qui flotte, ce jeudi matin, avant la tombée du verdict, face au palais de justice d’Avignon, indique « Merci Gisèle ». Environ 200 policiers des CRS ont été prévus, et plus de 180 médias ont été accrédités.

Sur les 51 hommes qui étaient sur le banc des accusés, seule une poignée – une petite quinzaine -, dont Dominique Pelicot lui-même – ont exprimé leurs excuses à la victime, tout en ajoutant parfois ne « pas avoir eu l’intention » de commettre un viol ou avoir été eux-mêmes « victime de manipulation » de la part de Dominique Pelicot.

Le « procès historique de la soumission chimique en France »

Un procès essentiel, qui a permis d’éclairer les ressort de la culture du viol à laquelle la société française n’échappe pas. Les hommes en question sont de toutes les classes sociales : journaliste, ouvrier, chauffeur routier, ex-pompier, fonctionnaire, chef d’entreprise…

Le procès a également permis de mettre en lumière certains faits. Un tiers des hommes jugés, dont Pelicot lui-même, dit avoir subi des violences dans leur enfance. Certains l’ont révélé pendant l’enquête sans en avoir jamais parlé auparavant. Beaucoup en ont également commis sur leur femme ou leur fille.

D’ailleurs, Caroline Darian, fille de Gisèle Pelicot, s’était présentée comme « la grande oubliée » du procès. Elle a indiqué être « convaincue » qu’elle aussi a été droguée et violée par son père. Des faits que celui-ci a persisté à nier. Pour elle, il s’agit également du « procès historique de la soumission chimique en France ».

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Le détail des condamnations prononcées contre Dominique Pelicot et ses 50 coaccusés

France Télévisions
L’ensemble des accusés ont écopé de peines allant de trois ans de prison, dont deux avec sursis, jusqu’à vingt ans de réclusion.

Voilà plus de trois mois que la France a les yeux rivés sur la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon, pour suivre l’affaire hors norme des viols de Mazan. Pour la dernière fois de ce procès, Dominique Pelicot et ses 49 coaccusés (le 50e est en fuite) ont pénétré dans l’enceinte du tribunal, jeudi 19 décembre, afin d’entendre le verdict. Tous ont été reconnus coupables. Ils ont été condamnés à des peines allant de trois ans d’emprisonnement (dont deux avec sursis) à vingt ans de réclusion criminelle. Sur les 51 condamnés au procès des viols de Mazan, 41 vont immédiatement en détention (dont les 18 déjà en prison), trois font l’objet d’un mandat de dépôt différé et les six derniers restent libres, en attendant leur passage devant le juge d’application des peines, selon un décompte de franceinfo. Les peines sont toutes largement en dessous des réquisitions du ministère pubic, hormis celle concernant le principal accusé.

Le couperet est tombé en premier pour Dominique Pelicot, qui a drogué, violé et fait violer par au moins 50 hommes son épouse, Gisèle. Il s’est levé pour entendre son verdict, alors qu’il restait jusque-là assis pour des raisons de santé. Il a été condamné à la peine maximale de vingt ans de réclusion criminelle, comme l’avait demandé le parquet. Au moment du prononcé du verdict, l’homme s’est affaissé, a semblé accuser le coup, mais ne s’est pas effondré.

A cette peine d’emprisonnement est associée une peine de sureté des « deux tiers », a précisé le président de la cour criminelle de Vaucluse, Roger Arata. En fin de peine, sa situation « fera l’objet d’un réexamen pour juger de sa sureté ». Il sera inscrit au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais).

Cas à part dans ce procès, Jean-Pierre M., 63 ans, n’était pas poursuivi pour viols sur Gisèle Pelicot, mais sur sa propre épouse endormie, à plusieurs reprises, avec la participation de Dominique Pelicot. Il a été condamné à douze ans de réclusion.

Les quatre accusés venus à six reprises au domicile du couple Pelicot ont été lourdement sanctionnés. Romain V., 63 ans, pour qui l’accusation avait requis dix-huit ans de prison en raison de « son discours banalisateur, sans recherche des raisons de son comportement », a été condamné à quinze années de réclusion criminelle dont six ans d’injonction de soins. Dominique D., chauffeur routier de 45 ans, a écopé de treize ans de réclusion dont cinq ans d’injonction de soins. Charly A., qui s’est rendu à Mazan pour la première fois en janvier 2016, alors qu’il n’avait que 22 ans, a lui aussi été condamné à treize années de réclusion criminelle (assorties d’une période de sûreté à la moitié de la peine) pour viols aggravés (commis en réunion et avec administration de substance chimique). La cour a écarté l’altération du discernement le concernant. Quant à Jérôme V., poursuivi lui aussi pour s’être rendu six fois au domicile des Pelicot, entre mars et juin 2020, en plein confinement, il est condamné à 13 ans de prison, dont six de suivi sociojudiciaire.

Fabien S., qui affiche l’un des casiers judiciaires les plus chargés, avec 18 condamnations, a écopé d’une peine de onze ans de prison assortie de cinq ans de suivi sociojudiciaire avec injonction de soins. Cédric G., que ses ex-compagnes ont dépeint comme un homme particulièrement dangereux et pervers, est condamné à douze années de réclusion criminelle avec un suivi sociojudiciaire de cinq ans et une injonction de soins. Il est reconnu coupable de viols en réunion et de détention d’images pédopornographiques.

Un homme en fuite condamné en son absence

Mohamed R., 70 ans, est le seul accusé qui ne comparaissait pas pour des faits ayant eu lieu à Mazan, mais pour avoir violé Gisèle Pelicot dans la résidence secondaire de Caroline Darian, la fille des ex-époux Pélicot. Il avait par ailleurs été condamné pour le viol de l’une de ses filles, en 1999. L’accusé est condamné à huit années de réclusion criminelle et est maintenu en détention. Son nom sera inscrit au Fijais.

Hassan O., 30 ans, le seul accusé en fuite et sous mandat d’arrêt depuis le 22 avril 2022, a été jugé par défaut et condamné à douze années de prison.

Joan K., 27 ans, le plus jeune des accusés, avait affirmé lors de ses premières auditions avoir « été accueilli par Gisèle Pelicot éveillée ». Cet ancien militaire, qui s’est rendu deux fois à Mazan, en 2019 et 2020, a été condamné à une peine de dix années de réclusion criminelle. Une peine similaire à celles de Vincent C., 43 ans, également poursuivi pour deux séries de faits. Dans la même situation, Cendric V. écope de neuf ans de prison et est maitenu en détention. Son nom sera inscrit au Fijais. Abdelali D., 47 ans et Jean-Luc L., 46 ans sont dans ce même cas, mais font partie des rares qui ont admis avoir su dès le départ que la victime serait inconsciente au moment de leur venue. Ils ont été respectivement condamnés à huit années de prison (avec mandat de dépôt à effet différé) pour le premier, et dix ans pour le second. Grégory S., 31 ans, qui avait assuré devant la cour être « un instrument trompé », car il n’y avait selon lui « pas viol », a été condamné à huit années de réclusion criminelle.

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Plusieurs accusés déjà condamnés pour violences conjugales

Nicolas F., 43 ans, qui comparaissait libre, a été condamné à huit années de prison pour « détention d’images à caractère pédopornographique » et « viols aggravés ». Son nom sera inscrit au Fijais. Thierry Po. et Karim S., 40 ans, ont été condamnés, pour les mêmes motifs. Le premier (déjà détenu) a écopé de douze ans de prison, le second de dix ans de prison, adont cinq ans d’injonction de soin et l’interdiction définitive d’exercer un métier en contact avec les mineurs. Il est le seul des accusés à avoir pleuré au moment du verdict. Christian L., 56 ans, a été reconnu coupable de « viols aggravés » mais a été acquitté des faits de détention d’images pédopornographiques. Il a été condamné à neuf ans de suivi sociojudiciaire, cinq ans d’injonction de soins et son nom sera inscrit au Fijais. Il est maintenu en détention.

Cyprien C. et Adrien L. ont été condamnés à six ans de prison au regard, semble-t-il, de leur passif judiciaire. Florian R. écope de sept ans de prison avec mandat de dépôt. Ce dernier, âgé de 32 ans, et Cyprien C., 44 ans, comptent tous les deux neuf mentions à leur casier respectif. Nizar H., 41 ans, a lui déjà été condamné pour violences conjugales à l’égard de la mère de son fils en 2015 et de son ex-compagne en 2018. Il écope de dix ans. Enfin, Adrien L., 34 ans, a déjà été condamné pour des faits de violences et de viols sur d’anciennes petites amies.

Lionel R., Ahmed T., Mahdi D., Jean T., Omar D., Thierry Pa., Cyril B., Boris M., Redouan E., Husamettin D., Patrice N., Redouane A. et Cyrille D. étaient tous poursuivis pour s’être rendus une fois à Mazan. Thierry Pa. a été condamné à huit ans de prison. Il a désormais interdiction de pratiquer une profession en lien avec les mineurs. Omar D., Cyrille D., Boris M., Mahdi D., Jean T., Lionel R., Ahmed T., Patrice N. et Redouan E. ont été condamnés à huit ans de prison (et inscrits au Fijais). Cyril B. écope de neuf ans de prison, tout comme Husamettin D., dont le mandat de dépôt est différé en raison de son état de santé.

Redouane A., qui a été diagnostiqué schizophrène par une expertise, a été déclaré coupable des faits de viol aggravé, mais bénéficie d’une réduction de peine, car l’altération du discernement est retenue. Il est condamné à neuf ans de prison et cinq ans de suivisociojudiciaire.

Andy R., un ouvrier agricole âgé de 31 ans, a quant à lui écopé de six années de réclusion criminelle. Il s’était rendu le 31 décembre 2018 au domicile des Pelicot. Quant à Quentin H., 34 ans, ex-policier et surveillant pénitentiaire au moment des faits, il a été condamné à sept années d’emprisonnement. Onze ans avaient été requis à l’encontre des deux hommes.

De nombreux accusés ont nié l’intention de commettre un viol

Onze hommes, contre lesquels l’accusation avait requis dix ans de réclusion criminelle, comparaissaient libres. Parmi eux se trouve Hugues M., 39 ans, poursuivi pour tentative de viol car il n’a pas imposé de pénétration à Gisèle Pelicot, n’ayant pas eu d’érection la nuit des faits. Il a été condamné à cinq ans de prison sans mandat de dépôt.

Saifeddine G., 37 ans, était, lui aussi, poursuivi pour les mêmes motifs. Mais la cour a requalifié les viols et tentatives de viol en agressions sexuelles. Il a été condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis et ressort lui aussi libre. Son nom est inscrit sur le Fijais. Jacques C., 73 ans, n’avait pas contesté l’intentionnalité de l’agression sexuelle. Il a été déclaré coupable de faits de viol aggravé et condamné à cinq ans de prison, dont trois avec sursis, sans mandat de dépôt. Son nom sera inscrit au Fijais. Le retraité ressort libre.

Patrick A., 60 ans, qui se dit homosexuel, a affirmé être venu pour avoir une relation sexuelle avec Dominique Pelicot, tout comme Didier S., 68 ans. Le premier écope de six ans de prison avec mandat de dépôt différé en raison de son état de santé, le second de cinq ans de prison, assortis d’un sursis de deux ans. Il sera inscrit au Fijais et ressort libre.

La liste inclut aussi Ludovick B., 39 ans, qui assurait avoir compris a posteriori avoir commis un viol. Il a été condamné à sept ans de réclusion. Paul G., 31 ans, qui souhaite devenir pasteur, a reconnu à la barre les faits de viol. Il écope de huit ans de prison. Son nom sera inscrit au Fijais. Philippe L., 62 ans, fait partie des quelques accusés à avoir mis un préservatif. Ila été condamné à cinq ans de prison, dont deux avec sursis. Il ressort libre, ayant déjà effectué de la détention provisoire.

Simone M., 43 ans, qui a dit avoir agi « sur les directives de monsieur Pelicot », écope de neuf ans de prison. Doyen des accusés (il a 74 ans), Jean-Marc L. comparaissait pour « attouchements, pénétrations digitales du vagin et tentatives de pénétration pénienne du vagin et de la bouche de la victime inconsciente ». Il a été condamné six ans de prison.

Mathieu D., 53 ans, apparaissait sur des vidéos qui montraient des pénétrations digitales et une pénienne sur la victime, malgré les dires de l’accusé. Il a été condamné à sept ans de réclusion criminelle. Son nom sera inscrit au Fijais.

Enfin, Joseph C., 69 ans, était le seul poursuivi pour agression sexuelle en réunion, puisqu’aucun acte de pénétration n’a été observé sur les vidéos dans lesquelles il apparaissait. Il a été condamné à trois années de prison, soit la plus faible des peines prononcées lors de ce procès. Il ressort libre.

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