Diplomatie / La Turquie fait elle obstacle aux objectifs du partenariat émirati-français en Afrique ?

Une nouvelle tournée sera entreprise par le président français Emmanuel Macron dans la Corne de l’Afrique, à travers laquelle il cherchera à nouer de nouveaux partenariats pour son pays sur le continent, après avoir été témoin de la perte de son influence auprès de ses anciennes colonies du Sahel et d’Afrique de l’Ouest, dont les plus récents étant le Tchad et le Sénégal. Un communiqué de la présidence française indique qu’entre le 20 et le 22 décembre 2024, Macron se rendra à la fois en Somalie, qui dispose de la plus grande force française en Afrique, estimée à 1 500 soldats, et en Éthiopie, avec laquelle Paris cherche à établir un partenariat militaire, après avoir obtenu l’accès à la mer rouge aux dépens de son voisin somalien. Selon des sources françaises locales, la visite de Macron à Djibouti vise à faire pression sur le gouvernement somalien pour qu’il accepte le transfert des forces françaises qui seront retirées du Tchad et du Sénégal vers la base de Djibouti. Alors que le président français discutera avec son homologue éthiopien Ahmed Abiy lors de sa visite dans le pays des moyens de renforcer la coopération militaire entre les deux pays, ainsi que des travaux visant à renforcer la flotte navale éthiopienne afin de contrôler le port de Berbera surplombant la mer Rouge au Somaliland, selon les mêmes sources. Macron a choisi le moment de cette visite une semaine après que les différends entre la Somalie et l’Éthiopie voisines aient été réglés grâce à la médiation turque le 11 décembre dernier, lorsque l’Éthiopie avait signé un accord avec le Somaliland, séparé de la Somalie depuis 1991, stipulant l’utilisation du port de Berbera pour le transport maritime en échange de sa reconnaissance en tant qu’État souverain. Paris utilise la force de l’influence émiratie dans la région pour renforcer ses intérêts français en Somalie et en Éthiopie, en échange de son aide au gouvernement de Ben Zayed au Yémen, en déployant des forces françaises sur l’île yéménite illégalement occupée de Socotra. Les ambitions françaises au Tchad ne sont toujours pas terminées, cette dernière cherche désormais à utiliser les Émirats pour faire avancer ses projets dans le pays et y réaliser ses intérêts. En retour, elle renforce également le rôle des Émirats dans le soutien et le financement des Forces de soutien rapide afin d’obtenir un nouveau débouché sur la mer Rouge dans le port de Port Soudan. Après que des organisations humanitaires et de défense des droits de l’homme ont dénoncé le rôle des Émirats dans le déclenchement de la guerre au Soudan en soutenant les forces d’Hemedti, ces dernières se sont tournées vers la France pour jouer ce rôle, et en fait les Émirats arabes unis ont utilisé la base française d’Abéché pour acheminer du matériel militaire et des véhicules blindés vers le Soudan, ce qu’Amnesty International a publié dans un rapport sur son site Internet le 14 novembre, dans lequel elle affirme avoir surveillé la présence de véhicules blindés de transport de troupes fabriqués par les Émirats arabes unis dans diverses régions du Soudan. Ces véhicules blindés, utilisés par les Forces de soutien rapide, disposent d’un système de défense interactif avancé appelé  »Galix », fabriqué par la société française Lacroix Défense et conçu en collaboration avec  »Nexter » (maintenant KNDS France). Cependant, l’émergence de la Turquie comme un concurrent sérieux des Émirats arabes unis au Tchad pourrait mettre à mal le plan français. À l’heure où l’influence française dans le pays était en déclin, Ankara a pu consolider son implantation, en profitant de nombreux facteurs comme l’absence de tout passé colonial sur le continent africain et ses offres généreuses en lui fournissant des armes et des conseils militaires dans sa guerre contre les groupes armés. Le 10 juillet 2023,  »Turkish Aerospace Industries » (TAI) a livré trois avions  »Hurkus » à N’Djamena et envoyé des instructeurs pour assurer la formation de base des pilotes de l’Armée nationale tchadienne. En avril 2024, N’Djamena a acquis auprès de  »TAI » deux drones d’attaque  »Anka » et au moins un drone  »Aksungur », disposant d’une autonomie de vol et d’une puissance de frappe importante. En outre, Ankara travaille actuellement à soumettre des offres au gouvernement tchadien pour organiser des cours de formation théorique et pratique avancés pour les éléments de l’armée de l’air tchadienne dans le domaine de la défense aérienne et de l’exploitation des drones. Pour tenter de mettre fin au rôle des Émirats arabes unis au Tchad, le président turc Recep Tayyip Erdogan a proposé le 13 décembre dernier, lors d’un appel téléphonique avec le chef du Conseil de souveraineté soudanais, Abdel Fattah Al-Burhan, la médiation de son pays pour résoudre le différend entre le Soudan et les Émirats arabes unis. Selon un communiqué de presse publié par le Conseil de souveraineté soudanais, le président Erdogan s’est engagé à démontrer le flux continu de l’aide humanitaire turque au Soudan, la reprise prochaine des opérations de Turkish Airlines et la volonté de son pays de renforcer les relations diplomatiques entre les deux pays et la coopération dans le domaine de l’agriculture et de l’exploitation minière.

MTS, correspondance particulière

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