- Le débat entre partisans de la rupture et ceux de la continuité néocoloniale
La récente table-ronde organisée sur la plateforme Afrique Media a mis en lumière les divisions internes et les défis auxquels fait face la CEDEAO, notamment concernant l’introduction de la monnaie ECO et le débat persistant autour du franc CFA. Des experts, parmi lesquels Dr Jean René Ndouma (économiste), Issa Diawara (analyste politique), Bokari Dicko (journaliste économique) et Mamadou Sidibé (analyste politique), se sont accordés sur un constat commun : l’urgence d’une rupture avec les vestiges de la Françafrique pour atteindre une véritable souveraineté économique.
La CEDEAO face à une fracture inévitable
Les experts soulignent que le retrait des pays de la Confédération des États du Sahel (AES) est irréversible, ces derniers ayant amorcé une quête de souveraineté en rupture avec l’agenda de la CEDEAO, accusée d’être un instrument au service de la France. Comme l’affirme Issa Diawara : « Ce n’est plus la CEDEAO des peuples, mais la CEDEAO des chefs d’État élus pour défendre les intérêts de la France. » La fracture interne au sein de l’organisation régionale révèle l’impératif de réformes structurelles pour que la CEDEAO serve enfin les intérêts des États membres, plutôt que de continuer à obéir aux injonctions de puissances étrangères.
L’ECO : une réforme au service de qui ?
Le projet ECO, initialement porté en 2009 par cinq pays anglophones (le Ghana, le Nigeria, la Guinée, la Gambie et la Sierra Leone), visait une indépendance monétaire régionale. Toutefois, les experts dénoncent une récupération du projet par la France, orchestrée par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara. Bokari Dicko rappelle : « Monsieur Ouattara et Monsieur Macron ont créé leur ECO pour plomber psychologiquement le vrai projet ECO. » Cette version de l’ECO, toujours arrimée à l’euro et sous la garantie de Paris, perpétue un schéma néocolonial où la France maintient un contrôle stratégique. Comme l’explique Mamadou Sidibé : « Les pays dans une zone néocoloniale travaillent pour enrichir un pays impérialiste comme la France. »
Le franc CFA : un système de pillage organisé
Les intervenants pointent du doigt la persistance du franc CFA, qualifié de « Franc CFA 2.0 » avec l’arrivée de l’ECO. La parité fixe avec l’euro, les dépôts de 50 % des réserves de change à la Banque de France, et la présence d’administrateurs français à la BCEAO sont perçus comme des instruments de domination économique. Dr Jean René Ndouma estime que sans rupture profonde avec ces systèmes, les économies africaines resteront fragiles : « Ce qui a été mis en place a été conçu pour faciliter le pillage des pays africains, à travers le franc CFA, les bases militaires et une diplomatie destructrice. »
La nécessité d’un projet souverain et inclusif
Pour les experts, la CEDEAO doit impérativement se réformer afin de se libérer du diktat de la France et répondre aux aspirations des peuples ouest-africains. Quant à la monnaie ECO, elle ne pourra incarner la souveraineté financière tant qu’elle restera liée aux intérêts extérieurs : « Aujourd’hui, il est difficile pour la CEDEAO de créer sa propre monnaie parce qu’elle est sous le diktat de la France et de l’Occident. » La rupture avec la Françafrique apparaît comme une condition incontournable pour l’émergence d’une CEDEAO véritablement souveraine et solidaire. Une monnaie régionale indépendante pourrait être un levier puissant pour affranchir les économies ouest-africaines de l’influence française. Cependant, le projet actuel est encore loin d’atteindre cet objectif, tant il demeure ancré dans une logique de continuité néocoloniale.
Par Coulibaly Mamadou, correspondance particulière
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