Dans un contexte régional marqué par des crises politiques, des menaces sécuritaires croissantes et des enjeux économiques majeurs, les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont réunis le dimanche 15 décembre 2024 à Abuja, au Nigeria, pour leur 66e session ordinaire. Cette rencontre a été l’occasion de réaffirmer leur engagement envers l’intégration régionale, la stabilité politique et la sécurité collective.
Une Économie Régionale à Consolider : Vers une Croissance Durable
Croissance et Monnaie Unique
Malgré les tensions économiques et les pressions inflationnistes, la CEDEAO prévoit une croissance régionale de 3,8 % en 2024, signe d’une résilience économique relative. Dans ce contexte, les chefs d’État ont souligné l’importance de relancer les mécanismes d’intégration économique, notamment à travers la mise en œuvre de la monnaie unique ECO. Les critères de convergence ont été réaffirmés, bien que des retards cumulés témoignent des défis liés à l’harmonisation économique et monétaire.
Sécurité Alimentaire et Infrastructures
Face à l’insécurité alimentaire exacerbée par les conflits et les changements climatiques, les dirigeants ont décidé d’intensifier les programmes agricoles pour atteindre l’autosuffisance en riz et soutenir les filières pastorales. Par ailleurs, des progrès notables ont été salués concernant les projets d’infrastructures, dont le corridor Abidjan-Lagos et la liaison maritime Praia-Dakar, essentiels pour renforcer les échanges commerciaux. Des efforts pour réduire les coûts du transport aérien et améliorer sa sécurité ont également été annoncés.
Crises Politiques et Défis Sécuritaires : Un Engagement Renouvelé
Lutte contre le Terrorisme
La question sécuritaire a occupé une place centrale dans les débats. La région fait face à une montée du terrorisme au Sahel et à des instabilités politiques internes. Les chefs d’État ont renouvelé leur engagement envers la mise en œuvre du Plan d’action 2020-2024 pour combattre le terrorisme, avec un appel à une coopération renforcée et un financement accru pour les États les plus touchés.
Transitions Politiques au Cœur des Préoccupations
Les situations en Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger et Burkina Faso ont fait l’objet de discussions intenses. La CEDEAO a fixé une fenêtre de dialogue diplomatique allant du 29 janvier au 29 juillet 2025 pour accompagner ces pays dans la transition vers un ordre constitutionnel normalisé. “Le retour à la démocratie est non seulement un impératif moral, mais également une nécessité pour la stabilité de notre région”, a affirmé un chef d’État participant à la réunion.
- Pour le Mali, le Niger et le Burkina Faso, les dirigeants ont appelé à des discussions constructives pour éviter une fracture au sein de l’organisation régionale, tout en maintenant la pression pour le retour à des gouvernements civils.
- En Guinéeet en Guinée-Bissau, la CEDEAO préconise un dialogue inclusif et la mise en place d’élections libres et transparentes.
Justice Transitionnelle et Renforcement des Institutions
Création d’un Tribunal Spécial pour la Gambie
Une avancée majeure a été actée avec la création d’un tribunal spécial pour la Gambie, destiné à juger les violations des droits humains commises entre 1994 et 2017. Cette décision illustre la volonté de la CEDEAO de promouvoir la justice et de renforcer la lutte contre l’impunité.
Défis Institutionnels : Une Question de Viabilité
Sur le plan institutionnel, le non-reversement des prélèvements communautaires par certains États membres demeure une préoccupation majeure. Ces retards fragilisent le financement des projets communautaires et mettent en péril le fonctionnement des institutions régionales. Les chefs d’État ont également exprimé leur soutien à la candidature du Nigeria au Conseil de sécurité des Nations Unies pour la période 2030-2031, traduisant une ambition commune pour renforcer la voix de l’Afrique sur la scène internationale.
Analyse des Implications : Une CEDEAO à un Tournant Décisif
Cette 66e session marque un tournant pour l’organisation ouest-africaine. Les défis demeurent immenses, et les dirigeants doivent réconcilier les impératifs de souveraineté nationale avec les besoins d’une intégration régionale plus profonde. Les décisions prises lors de cette réunion pourraient influencer non seulement l’avenir économique de la région, mais aussi sa stabilité politique.
Les décisions prises, notamment sur la monnaie unique, les infrastructures et la justice transitionnelle en Gambie, montrent que des progrès sont possibles lorsque les États membres font preuve de coopération. Toutefois, l’avenir de la CEDEAO dépendra de sa capacité à restaurer la confiance, à renforcer la gouvernance et à répondre aux aspirations des populations ouest-africaines.
En conclusion, la CEDEAO réaffirme son rôle d’acteur incontournable pour la Paix et le Développement de l’Afrique de l’Ouest, tout en ouvrant des perspectives pour un dialogue diplomatique avec les États en transition. Le prochain sommet sera décisif pour mesurer les progrès accomplis et confirmer les engagements pris en apportant des actions concrètes pour bâtir une CEDEAO résiliente face aux défis du XXIe siècle.
Simplice ONGUI
Directeur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
osimgil@yahoo.co.uk
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