Depuis son arrivée au pouvoir en 2011, Alassane Ouattara, économiste de « renom » et ancien directeur du FMI, a longtemps incarné un espoir pour la Côte d’Ivoire. Sa vision d’une Afrique émergente avait séduit de nombreux observateurs, qui y voyaient en lui un leader capable de sortir son pays des crises économiques successives et de l’instabilité. Mais plus de dix ans après son arrivée au pouvoir, les promesses d’émergence se sont évanouies, laissant place à une série de scandales financiers qui ternissent aujourd’hui son image et sèment le doute sur la gouvernance du pays.
L’émergence en trompe-l’œil : Des promesses vides
Alassane Ouattara s’était engagé, dès son accession à la présidence en 2011, à faire de la Côte d’Ivoire une économie émergente d’ici 2020. Les objectifs étaient clairs : modernisation des infrastructures, croissance soutenue, réduction de la pauvreté et réformes structurelles. Cependant, alors que le pays a connu une certaine croissance économique, cette prospérité affichée semble avoir été construite sur un mirage. Au lieu de l’émergence promise, le pays est désormais miné par des scandales financiers, des détournements de fonds publics et une gestion opaque des finances publiques.
Le dernier en date, révélé par la Cour des comptes dans son rapport N°25/2023, touche plusieurs ministères, mais aussi des entreprises publiques et entreprises privées proches du pouvoir. En tête, l’Office National de l’État Civil et de l’Identification (ONECI), responsable de la délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports, et l’entreprise SNEDAI (Société Nationale pour l’Édification des Documents d’Identification), dirigée par Adama Bictogo, le président de l’Assemblée nationale. Ces deux institutions sont au cœur d’un scandale où des centaines de millions de francs CFA semblent avoir disparu des comptes publics.
Le scandale des cartes d’identité et des passeports : L’argent disparaît dans la nature
La Cour des comptes a révélé qu’en 2022, sur la somme perçue par le Trésor Public pour les droits de timbres des passeports et des cartes nationales d’identité (CNI), une partie substantielle n’a pas été reversée au Trésor Public. Le coût d’un passeport est de 40 000 F CFA et celui d’une CNI de 5000 F CFA, mais des sources fiables indiquent que 20 000 F CFA sont en réalité perçus pour les passeports au lieu des 40 000 F CFA affichés. Pourtant, ni le ministère du Budget ni la SNEDAI ne peuvent dire où est passé cet argent. Selon la SNEDAI, un “compte de séquestre” aurait été ouvert dans deux banques nationales pour y verser les droits collectés, mais aucun accès à ce compte n’est autorisé. Le mystère demeure, et les responsables, tant du ministère que de la SNEDAI, se rejettent la faute. Qui a donc détourné ces fonds ?
Des scandales à répétition : Un gouvernement en crise
Ce n’est là qu’un exemple parmi tant d’autres. En dehors de l’affaire des cartes d’identité et des passeports, la Cour des comptes a également épinglé plusieurs ministères et entreprises publiques pour une gestion désastreuse des finances publiques. Le rapport d’audit du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Treichville, par exemple, révèle une chute dramatique des recettes entre 2019 et 2020, ainsi qu’une mauvaise gestion des fonds. De même, plusieurs entreprises d’État comme l’ANSUT, la société FER-PALMIER et UTEXI ont été accusées de ne pas avoir effectué de remboursements comme prévu. Pour l’ANSUT, un rééchelonnement des paiements jusqu’en 2024 est invoqué, tandis que FER-PALMIER et UTEXI se trouvent dans des situations de liquidation ou de redressement judiciaire.
Pire encore, selon les rapports, l’exécution de la loi de Finances 2022 a conduit à un déficit budgétaire abyssal de plus de 3 000 milliards de F CFA, tandis qu’une somme excédentaire d’environ 3 023 milliards de F CFA est restée inutilisée. Un gouffre financier pour un pays dont les citoyens continuent de souffrir des effets de la pauvreté et du chômage.
Des scandales passés sous silence : De la gestion opaque aux détournements massifs
Cette série de scandales ne fait que s’ajouter à une longue liste de malversations financières qui ont émaillé les années de gouvernance d’Alassane Ouattara. En 2013, il y eut l’affaire des attributions de marchés illicites lors de la réhabilitation des universités, notamment l’Université de Cocody, où les coûts avaient été gonflés à plus de 110 milliards de F CFA. Puis en 2015, ce fut l’histoire des primes impayées des joueurs de l’équipe nationale de football, les Éléphants, après leur victoire à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), un différend qui aurait porté sur 720 millions de F CFA.
Les scandales se sont poursuivis avec le détournement de plus de 400 milliards de F CFA dans le Programme présidentiel d’urgence (PPU), une affaire qui a conduit à l’arrêt du programme par la Banque mondiale. La filière café-cacao, elle aussi, n’a pas échappé aux dérives financières, avec plus de 500 milliards de F CFA portés disparus. Et que dire de l’affaire GESTOCI, où 1000 milliards de F CFA ont été détournés, ou encore de la gestion de la construction du métro d’Abidjan, dont le budget a explosé de 300 à 912 milliards de F CFA sans justification claire.
Des finances publiques sous pression : Une dette nationale qui explose
Sous la gouvernance de Ouattara, l’endettement de la Côte d’Ivoire a explosé, alimenté par des pratiques financières douteuses et des détournements. En dépit d’un discours officiel sur la croissance et le développement, la réalité est tout autre : des milliards de F CFA disparaissent dans des projets pharaoniques mal gérés, et ce sont les citoyens ivoiriens qui devront, à terme, supporter le poids de cette dette. Et les scandales se multiplient : la Caisse Nationale des Caisses d’Épargne (CNCE), sous Mamah Diabagaté, a été victime d’un détournement de 700 millions de F CFA, mettant cette institution au bord de la faillite. Au FER (Fond d’entretien routier) avec Lanciné Diaby, un autre détournement de 100 milliards de F CFA par son directeur général a été révélé en 2022. À la SICOGI, plus de 3 milliards de F CFA ont disparu sous la gestion de l’ancien directeur général. Le guichet unique de l’automobile, quant à lui, a perdu plus de 20 milliards de F CFA dans des pratiques opaques de 2016 à 2018. Dans l’agro-business, des milliards ont été détournés par des responsables du secteur, et le Fonds de Développement de la Formation Professionnelle (FDFP), dirigé par Ange Léonid BARRY-BATTESTI, a vu près de 1,6 milliard de F CFA volatilisés. Ces détournements témoignent d’un système profondément corrompu et d’une gestion des finances publiques qui manque cruellement de transparence et d’intégrité.
Un héritage trouble : Des promesses de prospérité trahies
Au final, le bilan d’Alassane Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire est marqué par une série de scandales financiers qui jettent une ombre sur ses promesses d’émergence. Si le pays a connu une certaine croissance économique, elle n’a pas été accompagnée d’une transparence et d’une gestion saine des fonds publics. Au contraire, les détournements de fonds publics, les marchés publics fictifs et l’énorme endettement révèlent une gouvernance en crise. Pour les Ivoiriens, le rêve d’un pays émergent semble désormais lointain, noyé sous les vagues d’une corruption systémique et d’une gestion économique catastrophique.
Le régime d’Alassane Ouattara laisse un héritage trouble, où les scandales se succèdent et où la promesse d’une Côte d’Ivoire prospère et juste semble s’éloigner chaque jour un peu plus.
LA REDAC’
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