Simplice ONGUI, Directeur de Publication, Afriqu’Essor Magazine
Dans une interview avec Ali Diarassouba diffusée sur la Nouvelle Chaîne Ivoirienne (NCI), le jeudi 12 décembre 2024, Jean-Louis Billon a ouvertement exprimé ses ambitions pour l’élection présidentielle d’octobre 2025.
L’interview de Billon, député PDCI RDA et ancien ministre du Commerce, soulève de nombreuses questions sur l’état actuel du paysage politique ivoirien et sur les dynamiques internes au sein de son parti, le PDCI-RDA. À travers ses réponses, Billon offre une vision à la fois ambitieuse et critique de son parcours politique, ainsi que de son aspiration à la présidence de la République en 2025. Voici une analyse de cette interview.
1. Contexte Politique et Positionnement de Billon
D’emblée, Billon se positionne comme un acteur clé dans la prochaine élection présidentielle de 2025. Sa déclaration de candidature, effectuée dans son fief de Dabakala, souligne son ancrage local et sa volonté de se présenter comme un candidat populaire, en phase avec les réalités du terrain. Il évoque une “route très longue”, reconnaissant ainsi les défis qui l’attendent, ce qui témoigne d’une certaine humilité tout en indiquant qu’il est préparé pour le combat.
La mention de sa carrière en tant qu’homme d’affaires et ancien ministre du Commerce renforce son image de candidat compétent et expérimenté. Cependant, cette double casquette soulève aussi des interrogations quant à sa capacité à s’aligner sur les valeurs et les idéaux du PDCI-RDA, un parti qui a souvent été associé à des valeurs de gauche, bien qu’il se définisse comme un parti de droite, et à la lutte pour la justice sociale.
2. Tensions Internes et Discipline Partisane
Un des points centraux de l’interview est la tension qui existe entre Billon et la direction actuelle du PDCI-RDA, notamment sous la présidence de Tidjane Thiam. La convocation de Billon devant le conseil de discipline du parti, ainsi que son refus d’accepter un poste de Secrétaire Exécutif, illustrent les divisions internes qui minent le PDCI-RDA. Billon accuse la direction de négliger les luttes et les sacrifices des anciens dirigeants et militants, comme Maurice Kakou Guikahué, se positionnant comme un défenseur des valeurs historiques du parti.
Cette dynamique interne souligne la fragilité de l’unité au sein du PDCI-RDA et la difficulté pour un candidat de concilier ambitions personnelles et loyauté envers un parti en mutation. Billon semble prêt à défier les règles du parti pour réaliser ses ambitions, ce qui pourrait lui aliéner une partie de la base militante. Son affirmation, “Il (Thiam) est obligé de s’entourer d’une bande de ‘ropéros’ qui lui disent : ‘Faut faire ci, faut faire ça.’ Non, ça ne marche pas comme ça.”, illustre sa critique de la direction actuelle et de son incapacité à s’appuyer sur une réelle écoute des militants.
3. Vision pour la Côte d’Ivoire et Engagement envers la Jeunesse
L’interview met en lumière la volonté de Billon de rajeunir le PDCI-RDA et d’attirer la jeunesse, un enjeu crucial dans un pays où une grande majorité de la population a moins de 30 ans. Sa critique des anciens dirigeants, qu’il appelle à se retirer, résonne avec un sentiment croissant parmi les électeurs jeunes qui aspirent à un changement générationnel. En se positionnant comme un candidat de la nouvelle génération, Billon cherche à se démarquer des figures politiques établies, qu’il juge déconnectées des réalités contemporaines.
Cependant, cette stratégie pourrait être à double tranchant. D’une part, elle lui permet de se positionner comme un candidat de changement, mais d’autre part, elle risque de le couper d’une partie du parti qui reste attachée à ses figures historiques. Dans ce contexte, sa phrase “si je me mets à ses côtés, je pense qu’on perdra ensemble ; mais lui, s’il se met avec moi, on gagnera ensemble, ce n’est pas la même chose, parce que celui des deux qui connaît bien le pays, c’est moi.” révèle non seulement son assurance, mais également une certaine forme d’ego individualiste démesuré. Cette déclaration peut être interprétée comme une manifestation de suffisance, où Billon se positionne comme le seul capable de mener le PDCI-RDA à la victoire, minimisant ainsi les contributions et les compétences de ses concurrents.
4. Impact de l’Ego Individualiste sur les Relations au Sein du Parti
L’affirmation de Billon, “si je me mets à ses côtés, je pense qu’on perdra ensemble ; mais lui, s’il se met avec moi, on gagnera ensemble, ce n’est pas la même chose, parce que celui des deux qui connaît bien le pays, c’est moi.”, non seulement met en avant son assurance, mais soulève également des interrogations sur son ego individualiste. Cette attitude pourrait engendrer des tensions avec d’autres membres du PDCI-RDA, en particulier ceux qui se sentent sous-estimés ou ignorés. En se positionnant comme le seul capable de mener le parti à la victoire, Billon risque de créer un climat de méfiance et de rivalité au sein du PDCI-RDA. Cela pourrait également nuire à sa capacité à rassembler des soutiens, car les militants pourraient percevoir cette attitude comme un manque de collaboration et d’inclusivité. Pour réussir, Billon devra trouver un équilibre entre l’affirmation de ses compétences et l’établissement de relations de confiance avec ses pairs.
5. Critique du Système Politique et Appel à la Modernisation
Billon appelle à une modernisation du système politique ivoirien, plaidant pour des règles plus claires concernant la discipline partisane et les candidatures. Son refus de se plier à des normes qu’il juge obsolètes, comme celles énoncées dans l’article 3 des résolutions du congrès, montre sa volonté d’initier un changement. Il souhaite un système où la voix des militants est entendue et prise en compte, ce qui pourrait contribuer à une plus grande légitimité de la direction du parti.
Cependant, sa critique des autres dirigeants, notamment Tidjane Thiam, pourrait être perçue comme une tentative de discréditer ses adversaires au sein du parti, tout en cherchant à se positionner comme le seul capable de diriger le PDC-RDA vers le succès à l’élection présidentielle d’octobre 2025. Cela pourrait engendrer des tensions supplémentaires et des divisions au sein du parti.
6. Chances de Remporter les Primaires
Jean-Louis Billon bénéficie d’un ancrage fort dans sa circonscription de Dabakala, ce qui lui confère une certaine légitimité locale. Son statut de député et d’ancien ministre du Commerce lui donne également un avantage en termes de visibilité et de reconnaissance au sein du parti. Sa déclaration de candidature est franche et résolue, ce qui pourrait séduire les électeurs et militants en quête d’un leader déterminé et ambitieux. Son discours sur la nécessité de moderniser le PDCI-RDA et d’attirer la jeunesse est pertinent dans le contexte ivoirien actuel.
Toutefois, ses critiques ouvertes envers la direction actuelle du PDCI-RDA, notamment envers le président Tidjane Thiam, pourraient lui aliéner une partie des militants qui sont loyaux envers l’actuelle direction. Les tensions internes et les divisions au sein du parti peuvent également jouer contre lui lors des primaires. La capacité de Billon à rassembler les militants autour de sa candidature sera cruciale. S’il parvient à mobiliser un soutien significatif, cela pourrait renforcer ses chances de succès.
Il faudrait aussi envisager un rapprochement avec l’ancien Secrétaire Exécutif Maurice Kakou Guikahué et son équipe, qui ont été écartés des instances dirigeantes du PDCI-RDA, et qui représentent un groupe de poids au sein du parti. Leur soutien pourrait jouer un rôle significatif pour Jean-Louis Billon dans sa quête pour les primaires à la Convention.
Voici quelques éléments à considérer concernant cette dynamique :
Légitimité et Influence de Guikahué : Maurice Kakou Guikahué est une figure respectée et influente au sein du PDCI-RDA. Son expérience et sa connaissance des rouages du parti pourraient apporter une légitimité à Billon. Si Guikahué et son équipe choisissent de soutenir Billon, cela pourrait renforcer sa position et lui donner un avantage face à d’autres candidats.
Unité et Mobilisation des Militants : Guikahué, en tant qu’ancien Secrétaire Exécutif, a de nombreux contacts et une base de partisans fidèles. Son soutien pourrait non seulement mobiliser des militants qui se sentent frustrés par les changements au sein du parti, mais aussi créer une dynamique d’unité autour de Billon. Cela pourrait être particulièrement pertinent dans un climat où les divisions au sein du PDCI-RDA sont palpables.
Critique Commune du Leadership Actuel : Billon et Guikahué partagent une critique envers la direction actuelle du PDCI-RDA, notamment en ce qui concerne les décisions prises sous la présidence de Tidjane Thiam. Leur alliance pourrait se présenter comme une réponse à ce qu’ils perçoivent comme des dérives de la direction du parti. En collaborant, ils pourraient faire entendre une voix collective appelant à un retour aux valeurs fondamentales du PDCI-RDA.
Risques de Controverses : Cependant, cette potentielle alliance pourrait également être perçue comme une tentative de créer des factions au sein du parti, ce qui pourrait être mal vu par d’autres membres influents. Les dirigeants du PDCI-RDA pourraient voir cela comme une menace et réagir en consolidant leur pouvoir, ce qui pourrait compliquer la situation pour Billon.
Dilemme de Loyauté : La dynamique avec Guikahué et son équipe pourrait aussi poser un dilemme de loyauté pour Billon. S’il s’aligne trop étroitement avec eux, il pourrait être perçu comme un candidat qui cherche à diviser le parti plutôt qu’à le rassembler. Il devra naviguer habilement entre la recherche de soutien et le maintien d’une image unificatrice.
En somme, le soutien de Maurice Kakou Guikahué et de son ancienne équipe pourrait être un atout majeur pour Jean-Louis Billon dans sa campagne pour les primaires du PDCI-RDA. Cependant, cela dépendra de la manière dont cette alliance se forme et est perçue par les autres membres du parti. Billon devra gérer cette dynamique avec soin pour éviter d’accentuer les divisions au sein du PDCI-RDA tout en consolidant son propre soutien.
7. Gestion d’un Échec Potentiel aux Primaires
La question de l’alignement de Billon en cas de défaite aux primaires est fondamentale. Bien qu’il ait exprimé son engagement envers le PDCI-RDA, son positionnement critique pourrait le conduire à remettre en question sa loyauté si le processus des primaires lui semble entaché d’irrégularités. Dans un tel scénario, il est essentiel de considérer comment Billon pourrait gérer cette situation.
Une stratégie possible serait de maintenir une communication ouverte avec la base militante, en expliquant clairement sa perspective sur le déroulement des primaires et en soulignant que son engagement envers le parti reste intact. De plus, il pourrait envisager de soutenir le candidat désigné par le PDCI-RDA, tout en continuant à défendre les valeurs qu’il a promues durant sa campagne. Cela pourrait non seulement démontrer sa loyauté envers le parti, mais également lui permettre de rester une figure influente au sein du PDCI-RDA, même après une éventuelle défaite. Toutefois, s’il estime que le candidat choisi ne représente pas les intérêts du parti ou de la population, sa possibilité d’envisager une candidature indépendante pourrait également être une option, mais cela risquerait d’accentuer les fractures internes.
8. Alignement en Cas de Défaite aux Primaires
Jean-Louis Billon a clairement exprimé son attachement et son engagement envers le PDCI-RDA, et a souligné que sa candidature vise à défendre les valeurs historiques du parti. Cela pourrait indiquer qu’il serait enclin à soutenir le candidat désigné par le parti, surtout si ce dernier est perçu comme ayant une chance réaliste de remporter les élections.
Cependant, la nature de sa candidature et son positionnement critique soulèvent des questions sur sa loyauté en cas de défaite. Si Billon estime que le processus des primaires a été entaché d’irrégularités ou de manipulations, il pourrait choisir de ne pas s’aligner derrière le candidat du PDCI-RDA. Jean-Louis Billon a laissé entendre qu’il pourrait envisager une candidature indépendante si les circonstances ne lui conviennent pas. Cela pourrait signifier qu’il ne se sentirait pas obligé de soutenir un candidat du PDCI-RDA s’il ne partage pas ses valeurs ou s’il estime que le candidat ne peut pas gagner.
9. Un Avenir Incertain
En conclusion, l’interview de Jean-Louis Billon est révélatrice des défis auxquels il est confronté en tant que candidat à la présidentielle de 2025. Sa volonté d’affirmer son indépendance et de revendiquer une place centrale dans le débat politique ivoirien est claire, mais elle est également entachée par des tensions internes et des critiques envers la direction actuelle de son parti. Le succès de sa candidature dépendra non seulement de sa capacité à rassembler les militants autour de sa vision, mais aussi de sa capacité à naviguer dans un paysage politique complexe et en constante évolution.
La Côte d’Ivoire, avec son histoire politique tumultueuse et ses aspirations de paix et de prospérité, attend une nouvelle dynamique. Jean-Louis Billon, avec son ambition et ses critiques, pourrait jouer un rôle clé dans ce processus, ou bien se retrouver isolé dans un contexte politique déjà chargé. Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer non seulement son avenir politique, mais aussi celui du PDCI-RDA et de l’opposition ivoirienne dans son ensemble.
Simplice ONGUI
Directeur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
osimgil@yahoo.co.uk
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