Le couple Diomaye Faye-Ousmane Sonko: A l’image du couple Poutine-Medvedev ? (tribune)

A la fin de l’année 2008, Vladimir Poutine, alors président de la fédération de Russie, ne pouvait pas briguer un troisième mandat, la constitution russe le lui interdisant. Après que la Cour Suprême eut invalidé la candidature de tous les candidats de poids de l’opposition, un certain Dimitri Medvedev, alors vice-président du gouvernement ( en fait vice premier-ministre ), relativement inconnu à l’époque, mais qu’on savait proche de Poutine, se fit élire président, et nomma Poutine Premier Ministre.

C’était un jeu de chaises musicales. Dmitri Medvedev faisait de la figuration, car le véritable pouvoir se trouvait entre les mains du Premier Ministre, Vladimir Poutine. Les dirigeants étrangers en visite en Russie, étaient d’abord longuement reçus par celui-ci, pour discuter du sujet de leur présence. Après seulement, ils étaient reçus en audience pour juste une vingtaine de minutes par Medvedev, histoire de respecter les formes. Medvedev assistait aux sommets internationaux, avait la primeur sur les déclarations de politique étrangère, mais tout était préparé par Vladimir Poutine.

Aujourd’hui lorsqu’on regarde le duo Diomaye Faye – Ousmane Sonko, on a une sensation de déjà-vu. Comme Medvedev, Diomaye Faye est certes président de la république, mais ne décide de rien, toute la politique étant verrouillée par son premier ministre, Ousmane Sonko, lequel apparaît bien comme l’homme fort du régime. C’est lui qui a fait le choix des hommes qui composent le gouvernement en Avril 2024, et selon un décret publié dès sa prise de fonction, « tous les ministres sont placés sont l’autorité directe du Premier Ministre ». Ce décret a déclenché une vive polémique. Il consacre la mise sur le touche du président dans la gestion des affaires de l’Etat.

Mais on l’a dit et redit, le pouvoir agit comme une drogue addictive. Difficile de s’en extraire une fois qu’on s’y est immergé. Ainsi vers la fin de son mandat en 2012, Dmitri Medvedev ne faisait pas mystère de ses intentions de s’octroyer un autre mandat, comme le lui autorisait la constitution. Mais Vladimir Poutine ne l’entendait pas de cette oreille. Il avait entre-temps fait adopter une nouvelle constitution dans laquelle le mandat présidentiel passait de 04 à 06 ans, et montrait de l’impatience à regagner son poste de président. Pendant quelque temps, les déclarations des deux hommes étaient contradictoires, Medvedev n’excluant pas un second mandat, tandis que Poutine annonçait ouvertement ses intentions de se représenter « si le peuple le désirait ».

Puis Poutine se fit menaçant, déclarant lors d’une conférence de presse, qu’il n’y aura pas de « concurrence » entre Medvedev et lui dans le choix du candidat à la présidence. Finalement Medvedev capitula, affirmant que « Poutine est le meilleur d’entre nous ». Quand Poutine redevint président, il nomma Medvedev Premier Ministre. Mais bien sûr celui-ci n’avait aucun pouvoir, il finit par démissionner en 2018. Il est aujourd’hui président du Conseil National de Sécurité, une position protocolaire. En fait, il est sur la touche, Poutine voyant en lui un danger potentiel.

Diomaye Faye a effectué beaucoup de voyages depuis son élection. Il reçoit les personnalités en visite au Sénégal. Il a droit aux honneurs. Tout cela va inévitablement susciter en lui le goût du pouvoir, le désir de « rester dans la place », et pourquoi pas d’être véritablement celui qui décide. Au fil du temps, il sera de plus en plus frustré d’être un président sans réel pouvoir. Quant à Ousmane Sonko, il doit certainement penser en son for intérieur que le poste de président devait lui revenir. Diomaye Faye qui ne pesait quasiment rien sur l’échiquier politique, n’a été élu que parce que lui Sonko l’a soutenu.

Ainsi Faye apparaît bien comme une épine dans le pied de Sonko. Il y a en ce moment une sorte de partage du pouvoir entre ces deux hommes. Le Sénégal est un navire qui a deux capitaines. Certes pour l’instant les points de vue concordent. mais en sera-t-il toujours ainsi ? Le véritable pouvoir ne s’exerce pas à deux, mais seul. Ainsi l’un des deux capitaines sera inévitablement débarqué à la prochaine « grande escale », certainement lors de la prochaine présidentielle.

Ousmane Sonko est bien celui qui dirige le Sénégal aujourd’hui. On le dit obstiné et opportuniste. Dans la crise qui l’a vraiment révélé à la face de la nation et du monde, Sonko était accusé par une jeune femme de l’avoir violée à quatre reprises sous la contrainte d’une arme, dans un salon de massage. Il nia tout viol, mais admis s’être plusieurs fois rendu dans ce salon pour « traiter un mal de dos ». Cet aveu en dit long sur sa moralité, les salons de massage étant connus pour être des lieux de prostitution déguisée. De même, il a refusé un prélèvement de son ADN pour le confronter à celui prélevé chez la plaignante lors de sa plainte, ce qui à priori milite en faveur de sa culpabilité.

Tout porte à croire que Ousmane Sonko va se débarrasser de Diomaye Faye. Il a montré dans son bras de fer avec Macky Sall, qu’il est du genre à forcer le destin, qu’il sait faire preuve d’engagement, de ténacité, et qu’il ne s’embarrasse pas de scrupules. Beaucoup pensent que l’homme a certainement dans un coin de sa tête, un plan pour éjecter ou ’’neutraliser’’ Diomaye Faye.

Notons pour terminer que sous le président Macky sall ( Mars 2012- Mars 2024 ), le Sénégal a fait un bond important en termes d’infrastructures, avec entre autres la Dakar Arena, une enceinte ultra moderne de 15 000 places entièrement dédiée au basket, la nouvelle ville Diamniadio, reliée à Dakar par le train express régional qui couvre le trajet de 36 km en 40 minutes, le BRT ( bus transit rapide) un service d’autobus en circulation sur des voies dédiées, reliant Dakar à sa banlieu, le stade olympique de Diamniadio, un stade ultra moderne et gigantesque de 50 000 places, l’autoroute Dakar-Saint Louis, une voie expresse de 200 Km.

La Côte d’Ivoire est actuellement en train de se doter de ces infrastructures, notamment le BRT et le train urbain, avec un retard de 05 voire 10 ans sur le Sénégal. Macky Sall a cependant laissé une immense dette ( 76,6 % du PIB ) à ses successeurs, fruits de tous les investissements réalisés. On ne peut pas faire d’omelettes sans casser les œufs, pourrait-on dire.

Douglas Mountain

oceanpremier4@gmail.com

Le Cercle des Réflexions Libérales

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