La dette ivoirienne: De plus en plus lourde à refinancer

La dette ivoirienne est régulièrement pointée du doigt. Chaque année l’Etat ivoirien lève d’importants emprunts pour faire face à ses besoins de trésorerie. De même, les infrastructures sont construites par des emprunts. Conséquence, la dette accélère, passant de 6 000 milliards FCFA en 2011, à 28 944,7 milliards au premier semestre 2024. Elle est projetée à 34 656,7 milliards en 2025. Notons que n’eût été l’annulation partielle intervenue en 2012, elle serait plus importante aujourd’hui.

Bien sûr, il ne faut pas considérer la dette de façon isolée. Si elle atteint des « sommets » comme le disent certains, le PIB a lui aussi fortement augmenté. Ainsi avec un ratio Dette/PIB de 58,1 % en 2023 ( la norme communautaire au sein de l’UEMOA étant de 70%), le pays reste dans les clous, comparativement au Sénégal (76,6 %), au Ghana (96,2 %), au Maroc (71,5 %), au Kenya (68,4 %). La Côte d’Ivoire est le troisième pays le mieux noté en Afrique derrière l’île Maurice et le Botswana en 2024. Le pays a reçu un prix en Novembre dernier sur la gestion de sa dette souveraine, décerné à Londres par le magazine financier international Risk. Enfin, l’économie ivoirienne est devenue la neuvième du continent en 2024.

Malgré tous ces lauriers, l’inquiétude commence à pointer concernant la taille de la dette, quand bien même les agences internationales de notation parlent de ’’risque modéré de surendettement’’. En 2025, la Côte d’Ivoire va consacrer 4 121 milliards FCFA au remboursement de sa dette, soit 26% de son budget (15 339,2 milliards de FCFA). Mais il faut dans le même temps noter que le pays projette de contracter un montant plus important de nouveaux emprunts dans le cadre de ce budget, et ce sont ces nouveaux emprunts qui vont entre autres servir à régler le service de la dette, c’est-à-dire à payer les 4 121 milliards de remboursement.

On l’aura compris, chaque année on s’endette pour rembourser la dette. C’est ce qu’on appelle le refinancement de la dette. De nouvelles dettes règlent en partie d’anciennes dettes, puis s’ajoutent au stock de celles-ci, accroissant ainsi le volume de la dette globale. Si sur le plan comptable la dette est remboursée, mathématiquement elle demeure, en fait elle n’est jamais vraiment remboursée. On remet le problème à plus tard pour ainsi dire.

Le refinancement des dettes souveraines est une pratique courante dans les Etats. Mais elle n’en comporte pas moins des risques, surtout pour les pays africains, dont les ressources et l’environnement restent volatiles. Quand vous refinancez votre dette au lieu de la rembourser réellement, vous êtes soulagé de la pression de la dette sur le court terme, mais elle grossit, entraînant un risque de surendettement toujours plus croissant. Aujourd’hui, le Ghana, la Zambie, l’Ethiopie, l’Angola, le Congo Brazzaville entre autres ne peuvent plus refinancer leurs dettes. Ils n’ont plus accès aux marchés. En fait le refinancement des dettes souveraines s’apparente à une pyramide de ponzi, c’est une fuite en avant, c’est un engrenage.

La source de la dette, c’est le déficit budgétaire, le fait que toutes les dépenses inscrites chaque année au budget ne sont pas couvertes par les ressources intérieures, entraînant le recours aux emprunts pour combler le gap. Chaque année nous ne parvenons pas à dégager suffisamment de ressources pour couvrir toutes nos dépenses. Si en 2025 la Côte d’Ivoire prévoit un déficit budgétaire de 3% du PIB (la norme communautaire au sein de l’UEMOA), les années antérieures il était de 6%. Conséquence, seulement 45% des dépenses inscrites au budget étaient financées par les ressources intérieures, le reste était financé par la dette, les appuis budgétaires (notamment de l’UE) et les dons en tout genre. Ce n’est pas le scénario idéal pour un pays qui se veut émergent. En fait, ce n’est pas le ratio dette / PIB qu’il faut surveiller, mais plutôt le déficit budgétaire. Car c’est lui qui définit la trajectoire de la dette.

La dette ivoirienne n’a pas encore atteint le seuil fatidique de 70% du PIB (la norme communautaire au sein de l’UEMOA), mais elle s’en approche chaque année, et les autorités semblent incapables d’inverser le processus ou même de le ralentir. La dette devient chaque année plus lourde à refinancer. On attend les chiffres définitifs de 2024. A moins que l’Etat ne se décide à une cure d’austérité, ou que ses recettes ne fassent un bond prodigieux, l’éclatement de l’orage est une question de temps.

Ce qui nous amène à porter les regards vers les champs pétroliers « baleine » et « calao » découverts. Ils sont prometteurs. Le premier est entré en production en Août 2023, et le second le sera en 2026. Selon les projections, la CI pourra capter environ 3,65 milliards de dollars annuellement ( sur la base d’un baril à 80 dollars ), lorsqu’elle va exercer ses pleins droits sur ces deux gisements. Le bruit a couru en début d’année que le président Ouattara comptait lancer un méga emprunt de « 8 milliards de dollars » garanti par la production du champ « baleine ». Les autorités ont démenti, mais il est probable que l’idée avait été envisagée avant d’être abandonnée. Si la production pétrolière tient ses promesses, la dette sera sous contrôle. Dans le cas contraire, le pays sera dans une situation vraiment « fâcheuse ».

Douglas Mountain

oceanpremier4@gmail.com

Le Cercle des Réflexions Libérales

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