Si vous êtes à Adjamé, où se trouve la gare routière de la capitale abidjanaise, que vous voyez un homme entouré de plusieurs personnes, à côté d’un gbaka, sachez que c’est un apprenti de gbaka qui est en train de donner la monnaie à ses passagers en les « associant » sur un billet de 500 francs ou de 1 000 francs.
Dans le transport en commun de mini-cars appelé gbaka, un conflit de monnaie oppose les apprentis à leurs passagers. Personne, ni l’apprenti ni le passager, ne veut laisser sa monnaie entre les mains de l’autre. La monnaie, c’est généralement entre 100 francs ou 200 francs que l’apprenti doit remettre à plusieurs passagers qui arrivent à la même destination. Pour les départager, les apprentis ont trouvé une astuce fâcheuse : « associer » les passagers. Cette pratique est appelé « association ».
« Je n’ai jamais vu un apprenti qui a laissé sa monnaie avec un passager. Au contraire, ce sont les passagers qui laissent leurs monnaies chez les apprentis. Comme ils ne font pas d’effort pour nous trouver la monnaie, alors, nous aussi, on ne leur fait plus de grâces », nous dit un passager dans le gbaka que nous avons emprunté. La scène est fréquente au niveau de Liberté, toujours à Adjamé, où les gbaka arrivent et repartent vers les communes d’Abidjan.
Pourquoi utiliser cette méthode pour départager les passagers ? Interrogé, un apprenti nous répond : « C’est le problème de monnaie qui provoque cela. Pourtant, nous disons bien aux passagers de monter avec la monnaie, mais ils ne le font pas. Quand on est presque arrivé à la gare, et qu’on commence à encaisser, c’est là qu’ils vont te donner, chacun, un billet de 1 000 francs pour payer 200 ou 300 francs pour le transport. Là-là, je fais comment ? Je vais les associer au calme ! », explique-t-il.
Un autre ajoute : « Les apprentis ne fabriquent pas la monnaie. La monnaie, on l’obtient avec les passagers. Certains ont la monnaie, mais ils ne nous donnent pas. D’autres aussi montent et ils se permettent de récupérer la monnaie de leurs voisins dans notre camion et après ils nous donnent des billets. Ce n’est pas à eux, mais à nous de récupérer les monnaies et de les redistribuer. Comme on sait qu’ils font ça, nous on ne se fatigue plus pour chercher monnaie. Eux-mêmes, ils se font déjà la monnaie. », a-t-il critiqué.
Dans un gbaka où je suis monté, des passagers donnent leurs versions des faits. « Les apprentis ne sont pas de bonne foi. Ils n’ont jamais de monnaie. Comment nous on en aura ? », se demande mon voisin avant de poursuivre. « C’est pourquoi, des clients préfèrent monter et chercher la monnaie avec leurs voisins pour éviter d’être associés à l’arrivée ».
« Moi, Je n’aime pas être associé. On t’associe avec des gens qui vont à l’école, d’autres vont au marché, et toi au travail. C’est compliqué. Pour trouver une solution, soit tu laisses ta monnaie ou bien tu achètes forcément un chewing gum ou de l’eau glacée avec les petites commerçantes ambulantes. Elles aussi guettent cette occasion », nous relate un autre voisin qui éclate de rire.
Alors, dans cette histoire d’association, qui a raison ? Chacun y va de son analyse. Cependant, pour les solutions, les deux parties ont fait des propositions. « La solution, je ne prends pas quelqu’un qui n’a pas de monnaie. Ça m’évite des discussions et je gagne en temps », déclare l’apprenti. L’autre renchérit : « Toi passager, tu sais que demain matin tu dois emprunter un gbaka, il faut dormir avec ta monnaie. Comme ça, le matin, tu empruntes tranquillement ton gbaka sans problème ». « Quand on ne connaît pas un problème, on n’a pas de solution. Le problème est connu. La solution, il faut avoir la monnaie avant de monter dans un gbaka. Sinon tu assumes la conséquence », conclut un passager.
Moussa I. Koné
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