Éclaircissements sur les chiffres des dons de la Première Dame en Côte-d’Ivoire

Ce qui attire l’attention quand on suit les activités de la première dame Dominique Ouattara, c’est l’importance de ses dons. Les chiffres nous laissent tous bouche bée. Lors de la grande tournée du Président Ouattara dans le Nord du pays en 2018 par exemple, elle avait effectué pour 2,5 milliards de dons en tout genre !!! Et les dons n’en finissent pas, toujours aussi impressionnants.

Sur les neufs premiers mois de l’année 2024, on peut citer entre autres 130 millions à la communauté musulmane pour le carême, 362 millions aux femmes de Songon lors la journée internationale de la Femme, 512 millions aux femmes de Tarifé dans le département de Katiola à l’occasion de la fête des mères, 750 millions aux femmes du Sud Comoé lors de la tournée du PM Beugré Mambé…….etc…. Devant de tels chiffres, on est forcément amené à s’interroger. En scrutant les choses d’un peu plus près, on voit se rend compte que la presse fait certains amalgames, et occulte des informations qui permettent d’avoir une meilleure compréhension des montants qui sont annoncés. En fait des précisions doivent être apportées sur ces chiffres qui sont annoncés.

Considérons les dons les plus récents. A Bonoua lors de la visite de travail du Premier Ministre Beugré Mambé le 15 Septembre, la première dame a fait des dons d’une valeur globale de 750 millions de francs dont 250 millions de dons en nature (tricycles, presseuses de manioc, machines à coudre, matériel médical dont 03 ambulances,….etc…), et 500 millions pour l’augmentation du capital des agences du FAFCI du Sud Comoé. Le FAFCI est un établissement financier qui octroie des prêts. Les 500 millions qui viendront augmenter le capital des agences du Sud Comoé, seront accordés aux femmes de la région sous forme de prêts, qui devront en retour être remboursés avec les intérêts. Pourquoi alors considérer ces 500 millions comme un don aux femmes ?

A Tarifé dans le Hambol le 15 Juin dernier, sur les 512 millions de dons offerts, 400 millions étaient alloués à l’augmentation du capital du FAFCI des agences de la région, tandis qu’à Songon le 11 Avril, sur 362 millions de dons, 200 millions concernaient une augmentation du capital du FAFCI. L’augmentation du capital permet d’octroyer plus de crédits aux femmes, cette augmentation représente donc une opportunité pour ces dernières de sortir de la pauvreté. Mais ce capital est prêté aux femmes. Elles doivent rembourser les crédits reçus. Dès lors pourquoi parler de « dons » ? L’injection de fonds dans le capital du FAFCI ne constitue pas un don fait aux femmes, dans la mesure où ce n’est pas de l’argent qui leur est remis gracieusement.

D’autre part, telle que présentée, cette augmentation donne l’impression de sortir du portefeuille de la première dame. Rappelons que le FAFCI est un établissement public, créé par décret en 2012, il ne faut pas le perdre de vue. Le capital est entièrement détenu par l’Etat. En d’autres termes, c’est l’Etat qui augmente le capital de cette structure, pas la première dame. Cette augmentation de capital est inscrite au budget de l’Etat. En tant qu’administratrice du FAFCI, la première dame décide de la répartition des fonds selon les régions. Mais le capital est entièrement public.

Intéressons-nous aux dons en nature (tricycles, brouettes, matériel de cuisine, sacs de riz, cartons de boîte d’huile, matériel médical, ambulances,….etc…..). Il faut savoir que la première dame a des partenaires (industriels, grosses entreprises, hommes d’affaires etc…) qui l’accompagnent, elle ne manque pas de le souligner dans ses discours et de les remercier, mais la presse n’en fait pas cas. Ce sont ces derniers qui financent en grande partie les dons en nature. Ils ne sont jamais cités, c’est le principe de ce partenariat, il doit être « désintéressé », sinon cela serait de la publicité déguisée.

Es-ce à dire que la première dame ne met pas la main au portefeuille lors de ces dons ? Pas du tout. A Tafiré par exemple, lors de la fête des mères le 15 Juin dernier, 12 millions ont été offerts en espèces aux femmes. Les dons en espèces lors de ces cérémonies proviennent effectivement de la première dame. On remarquera que leurs montants sont plus réalistes.

Personne ne cherche à remettre en cause la générosité de la première dame. Loin de là. Madame Dominique Ouattara est une mère qui a toujours fait parler son cœur. Elle préside et finance entièrement sur ses fonds propres les activités du comité de lutte contre le travail des enfants dans les plantations. Elle finance aussi entièrement sur ses fonds, trois structures d’accueil pour les enfants et les femmes victimes de violences basées sur le genre. Il existe trois structures de ce type, à Soubré, Bouaké et Ferké. On peut aussi mentionner l’hôpital mère enfant de Bingerville où plusieurs mères et leurs progénitures sont souvent prises en charge gratuitement, où à des tarifs sociaux.

Néanmoins il fallait apporter des clarifications sur les chiffres qu’on entend lors de ses visites. L’augmentation du capital a l’allure d’un don, mais ne l’est pas. C’est une action salutaire pour l’autonomisation des femmes, il est normal de le mentionner tout en le dissociant des dons. Quant aux dons en nature, il serait bon dorénavant de préciser qu’ils sont l’œuvre de la première dame accompagnée de ses partenaires. Ces mises au point sont nécessaires, afin de rendre plus crédibles, plus réalistes, les chiffres qui sont annoncés dans les cérémonies qu’elle préside.

Dernier point, c’est la concurrence rampante que se livrent la Fondation Children Of Africa de la première dame, et l’ONG suédoise Save the Children. On est parfois amené à les confondre. Elles œuvrent sur le même segment social, celui des enfants vulnérables. Et malheureusement comme on peut s’y attendre, la fondation de la première dame bénéficie de toute la lumière.

Pourtant l’ONG suédoise agit discrètement mais efficacement, en témoigne l’atelier organisé à Soubré le 18 Septembre sur la lutte contre le travail des enfants dans les plantations. Save The Children s’est fixé pour objectif de retirer 2482 enfants des plantations, pour les insérer dans le système éducatif. D’autre part, le 07 Mai dernier elle mettait sur pied les « ambassadrices Dreams », des équipes de jeunes filles qui vont sillonner les quartiers en vue de lutter contre la propagation du VIH sida. Il est à espérer que la presse officielle fasse une couverture équilibrée des actions de ces deux structures.

Douglas Mountain

oceanpremier4@gmail.com

Le Cercle des Réflexions Libérales

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