Comment les BRICS+ sont en train de « dé-dollariser » l’économie planétaire

Le sommet des BRICS qui s’ouvre aujourd’hui dans la ville russe de Kazan est un événement de première importance pour la Russie et pour le président Vladimir Poutine en personne. La Russie profite de ce sommet pour prouver qu’en dépit de toutes les sanctions occidentales, le pays est loin d’être isolé dans le monde.

Ce qui est dans les faits corrects. La Russie, comme le souhaitaient les pays de l’Otan et de l’axe occidental, ne s’est pas affaissée.

Rappelons que sur les 100 dernières années la Russie, tout comme sa devancière l’Union Soviétique, a été constamment sous sanctions occidentales. Un peu comme la Chine, certes sur une période moins longue.

Les BRICS, le club des pays non occidentaux qui comprenait depuis 2010 le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, s’est élargi au début de cette année à quatre pays : l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran et les Émirats arabes unis, etc. nous parlons désormais également du côté des BRICS+.

Pays phare de l’OPEP, l’Arabie Saoudite devait initialement y adhérer. Mais le royaume sunnite en « concurrence » avec l’Iran chiite sur le dossier palestinien entre autres, a décidé de ne pas encore y adhérer pleinement.

Ces pays seront aux côtés de représentants d’environ 25 autres pays dans la ville située sur la Volga, la capitale de la république du Tatarstan, riche en pétrole et à majorité musulmane. Kazan a été choisie en partie parce que la ville possède déjà l’expérience nécessaire dans l’organisation de grands événements, comme lors de la Coupe du monde de football en 2018.

Poutine peut ainsi recevoir un grand nombre d’invités de marque, parmi lesquels le président chinois Xi Jinping [première puissance économique mondiale], le Premier ministre indien Modi, le secrétaire général de l’ONU Guterres ou encore le président turc Erdogan.

Mais pourquoi les BRICS veulent-ils « dé-dollariser » l’économie mondiale ?

Composée de cinq puissances économiques, le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, l’organisation souhaite redéfinir non seulement l’ordre économique, mais aussi le système financier planétaire, dominé par les USA depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Par Franck Noudofinin, envoyé spécial à Kazan

Le 16ème sommet des BRICS marque un virage important : pour la première fois, le bloc adopte une approche plus offensive afin de se défaire de la dépendance au dollar, monnaie dominante dans les échanges internationaux depuis des décennies.

Les pays des BRICS estiment que le système financier international, tel qu’il existe aujourd’hui, est trop centré sur le dollar américain, ce qui favorise les économies occidentales, notamment les États-Unis, au détriment des autres nations.

Leur objectif est clair : créer une alternative crédible à ce système qui perpétue les inégalités mondiales.

C’est d’ailleurs ce qui a amené le président russe Vladimir Poutine dont le pays dirige la présidence tournante des BRICS à déclarer : « Le PIB des pays BRICS a dépassé celui du G7. L’Occident dans son ensemble perd face aux pays BRICS en termes économiques.”

L’idée d’une monnaie commune au sein des BRICS a été mentionnée à plusieurs reprises dans le passé, mais ce sommet pourrait être le déclencheur d’une stratégie plus concrète et audacieuse en matière de dédollarisation.

L’importance des nouveaux membres

Pour renforcer cette ambition, les BRICS comptent sur l’arrivée de nouveaux membres. Lors de ce sommet, quatre nouveaux pays rejoignent officiellement l’organisation : l’Iran, l’Éthiopie, l’Égypte et les Émirats arabes unis.

Ces nations, qui apportent une richesse en ressources naturelles et une influence géopolitique stratégique, sont perçues comme des acteurs clés pour soutenir l’effort de création d’un nouvel ordre financier mondial.

L’Iran, avec ses vastes réserves pétrolières, pourrait jouer un rôle crucial dans la diversification des échanges commerciaux en dehors du cadre du dollar. Les Émirats arabes unis, quant à eux, apportent une expertise financière et des ressources importantes dans les domaines de l’énergie et de l’investissement.

Mais les deux pays africains qui intègrent l’organisation pourraient également s’avérer d’une importance capitale. L’adhésion de l’Égypte et de l’Éthiopie aux BRICS en 2024 représente un tournant significatif pour l’organisation et pour l’Afrique.

Ces deux nations, fortes de leurs positions géopolitiques et de leurs économies respectives, peuvent apporter des contributions importantes aux BRICS, tout en renforçant les efforts de dédollarisation.

L’Égypte située à la croisée de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Europe contrôle le canal de Suez, une route maritime clé pour le commerce mondial.

Son intégration aux BRICS peut renforcer les liens commerciaux entre les membres de l’organisation, facilitant l’accès aux marchés européens et asiatiques tout en influençant les routes commerciales mondiales.

L’Éthiopie, elle, avec une position centrale dans la Corne de l’Afrique joue un rôle crucial dans la sécurité régionale et les dynamiques politiques du continent africain.

En tant que puissance émergente, son influence croissante dans la région est stratégique pour l’organisation, en particulier pour l’accès au marché africain de plus de 1,4 milliard d’habitants.

La Turquie : un partenaire attendu
Le président turc Recep Tayyip Erdoğan et le président russe Vladimir Poutine/ TRT AFRIKA

Outre ces nouveaux membres, l’arrivée potentielle d’un autre acteur de taille, la Turquie, pourrait véritablement bouleverser l’équilibre au sein des BRICS. Située à la croisée de l’Europe et de l’Asie, la Turquie occupe une position géographique stratégique.

Les discussions pour l’adhésion du pays sont encore en cours, mais de nombreux experts estiment que sa présence au sein des BRICS renforcerait considérablement l’influence du groupe sur la scène internationale.

En tant qu’acteur économique majeur et membre de l’OTAN, la Turquie pourrait offrir un contrepoids face aux économies occidentales, tout en facilitant les échanges commerciaux entre l’Asie, l’Europe et le Moyen-Orient.

Un avenir prometteur pour les BRICS Le sommet de Kazan marque donc une nouvelle ère pour les BRICS, celle d’une organisation qui ne se contente plus de coopérer économiquement, mais qui vise à remodeler l’ordre mondial.

Avec l’arrivée des nouveaux membres et la perspective d’une adhésion future de la Turquie, les BRICS semblent prêts à relever le défi. Cependant, il reste à voir comment ces ambitions se concrétiseront, notamment dans un monde où les tensions géopolitiques sont croissantes.

Le projet de dédollarisation est audacieux, mais il devra surmonter de nombreux obstacles pour s’imposer face à un système économique solidement établi.

TRT Afrika

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