Julien Adayé – Interview avec Jacques Krako, du CCM de Doropo, dans le nord de la Côte d’Ivoire. Cette région accueille de nombreux. Notre correspondant à Abidjan, Julien Adayé a rencontré Jacques Krako, le président de la cellule civilo-militaire (CCM) de Doropo, une localité du nord de la Côte d’Ivoire où a été construit un camp de réfugiés et qui abrite des milliers de déplacés Burkinabè qui fuient chaque jour les violences des groupes terroristes dans leur pays.
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DW : Quelle est la situation sécuritaire aujourd’hui dans cette partie de la Côte d’Ivoire qui fait frontière avec le Burkina Faso?
Elle est sous contrôle. Suite aux actions de l’Etat qui aident un peu les communautés à vaquer à leurs occupations.
DW : Combien de Burkinabé avez-vous enregistré dans cette zone de la Côte d’Ivoire depuis le déclenchement de la crise sécuritaire au Burkina voisin?
Les données sont issues des organismes internationaux qui interviennent dans la zone. Ce sont au total près de 60.000 demandeurs d’asile qui sont sur notre territoire ivoirien. Et parmi ces 60.000 demandeurs d’asile, nous avons environ 12.000 qui sont dans deux camps d’accueil de réfugiés. Le camp de Niornigue qui est au niveau du Tchologo (nord), et puis le camp de Timala qui est dans la zone du Bounkani.
Donc au niveau de la zone de Timala, à ce jour, ce sont environ 6. 551 personnes qui sont dans ce camp, tandis qu’au niveau de la zone du logo, c’est environ 6.100 demandeurs d’asile. Donc ça fait un total environ de 12.000 demandeurs d’asile dans les camps de réfugiés. Donc, c’est environ 40 à 50000 demandeurs d’asile qui sont hors de ces camps, dans des familles d’accueil.
DW : Comment on arrive à nourrir toute cette communauté?
L’Etat de Côte d’Ivoire fait des efforts dans son hospitalité légendaire avec le soutien des organismes internationaux dans les camps de réfugiés. Ils sont pris en charge, ils sont nourris, même ceux qui sont dans les familles d’accueil.
Il y a des actions spontanées à leur endroit, mais cela est sous la pesanteur de ces familles d’accueil qui, par devoir d’hospitalité, essaient de partager ce qu’elles ont avec ces demandeurs d’asile qui sont avec elles.
Il y a aussi encore des demandeurs d’asile qui ont fait des tentes au niveau des zones frontalières, dans les villages, dans les sous-préfectures et qui essaient tant bien que mal de subvenir un peu à leurs besoins réels.
DW : Est-ce que cela ne pourrait pas engendrer à terme des conflits de cohésion, puisque ces populations, si elles restent longtemps dans cette partie de la Côte d’Ivoire, il va y avoir bien évidemment la partition des parcelles de terre à cultiver…
Nous assistons déjà à la rareté des terres au niveau de la zone nord du pays. Si rien n’est fait pour ces demandeurs d’asile, nous allons assister à une explosion démographique au niveau de ces zones. Et qui dit explosion démographique, parle des problèmes de cohésion locale parce que ce qui est à partager n’est pas suffisant pour pouvoir satisfaire les besoins des uns et des autres.
Et il va falloir vraiment faire beaucoup attention, parce que effectivement, lorsque ces personnes n’ont plus à pouvoir se prendre en charge de façon économique, elles vont tenter de s’adonner à des braquages, peut-être un peu à des vols. Ça va créer encore un cadre d’insécurité grandissant. Et ce qui n’est pas bon pour notre pays.
DW : Dans cette partie du Nord, les populations vivent majoritairement dans des maisons en terre battue. Et récemment, on a vu que le gouvernement ivoirien a construit des camps de déplacés ou de réfugiés modernes, des maisons en dur. Comment les populations locales ont apprécié justement ce camp de réfugiés en dur?
Je pense que c’est un problème assez politique. Je voudrais mettre un peu de réserve parce que effectivement, l’Etat sait ce qu’il fait en prenant cette décision.
Ces camps sont saturés et les Ivoiriens se demandent : est-ce qu’il va encore y avoir d’autres camps à construire? Avec quel financement? Par moment, il peut y avoir des griefs, mais ces griefs-là, avec le leadership des leaders communautaires et des autorités préfectorales, ces conflits-là sont gérés au quotidien.
Parce qu’effectivement nous avons assisté à une surpopulation au niveau de ces populations du Nord et qui sont un peu sous la pesanteur économique liée à l’arrivée massive de ces demandeurs d’asile. Il va falloir encore renforcer l’action qui est déjà menée. Il faut un plan Marshall encore pour le Nord à l’effet d’aider à pouvoir contrer ce flux massif des demandeurs d’asile.
DW : Quand on parle de déplacements massifs comme ça, comme cette communauté burkinabè qui est en Côte d’Ivoire, est-ce que les infrastructures sanitaires, scolaires et autres répondent aujourd’hui aux attentes de ces populations toutes confondues?
Non, non, ce n’est pas possible. Effectivement, nous avions eu un plan de développement mais ces mouvements excessifs de demandeurs d’asile n’étaient pas dans le plan de développement.
Donc il va sans dire qu’il faut renforcer encore les actions. Beaucoup reste à faire parce que la demande, elle est réelle.
Il va falloir renforcer les infrastructures de base telles que l’école, la santé et surtout, même en termes de développement alimentaire.
Nous faisons le plaidoyer afin que réellement il y ait une stratégie sous-régionale commune à l’effet d’aider ces pays sahéliens à contrer cette avancée dans leur pays, pour freiner l’arrivée continuelle de ces demandeurs d’asile dans nos pays.
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