Patrimoine historique (colonial): La Côte-d’Ivoire veut labelliser sa route des personnes mises en esclavage

Sous l´égide du ministère de la Culture et de la Francophonie, l’office ivoirien de patrimoine culturel (OIPC) a organisé un atelier de validation du formulaire de demande de labellisation par l´UNESCO, de la route ivoirienne des personnes mises en esclavage, le jeudi 03 octobre 2024, à son siège à Cocody-Angré dans la commune de Cocody.

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L’objectif de cet atelier est de finaliser et valider le formulaire de demande qui sera soumis à l’UNESCO. Ce document devra réitérer l’engagement collectif, la rigueur scientifique et la vision partagée pour la préservation de cette mémoire et du patrimoine culturel et historique.

« La reconnaissance de cette route en Côte d’Ivoire des personnes mises en esclavage est un motif de fierté qui suscite en chaque ivoirien le sentiment du devoir accompli envers notre histoire », a expliqué l’inspecteur général Kouamé William Jacob, représentant la ministre Françoise Remarck.
Avec l’Inter

Le tunnel de non retour Sassandra
Le tunnel de non retour Sassandra

Esclavage : En Côte-d’Ivoire le réveil de la mémoire

Ce mois de juillet marque le temps fort de la commémoration en Côte d’Ivoire de l’Histoire de l’esclavage, point de départ du projet « La route de l’esclave ».

Par Viviane Forson Publié le 07/07/2017 par Lepoint.fr

Kanga-Gnianzé, situé à une centaine de kilomètres au nord d’Abidjan, est un lieu sacré pour les Ivoriens. C’est ici que furent acheminés depuis le nord et l’est du pays des milliers d’esclaves. C’est aussi là que nombre d’entre eux ont été vendus. Une stèle en leur mémoire vient d’être inaugurée ce 6 juillet par les autorités ivoiriennes avec le concours de l’ancien président béninois Nicéphore Soglo, du champion du monde de football français Lilian Thuram et de l’historien congolais Elikia M’Bokolo. Il entre dans le cadre du projet de l’Unesco « La route de l’esclave », lancé en 1994 et qui recense des lieux historiques de passage des esclaves dans divers pays africains.

Mais le pays, associé à d’autres États africains, veut aller plus loin afin que l’histoire de l’esclavage soit mieux enseignée en Afrique aux jeunes générations.

Un lieu au croisement de la mémoire africaine

« Il reste beaucoup de recherches à faire ici et ailleurs dans le pays sur l’esclavage », explique Aka Kouame, historien à l’université Félix-Houphouët-Boigny et à la tête d’une équipe pluridisciplinaire recensant les sites liés à l’esclavage en Côte d’Ivoire. « Les autorités ivoiriennes veulent faire émerger des études sur le sujet. Cette stèle c’est une bonne chose pour qu’on se souvienne », ajoute-t-il. Toutefois, la cérémonie était peut-être, « comme dans d’autres lieux au Togo (…), destinée à dompter les esclaves pour les rendre plus dociles avant le départ, mais cela reste à démontrer », précise le professeur Aka Kouame.

La traite négrière atlantique (Anglais, Français, Hollandais, Portugais et Américains) a déporté entre 1450 et 1860 vers les plantations des Amériques et des Antilles 11 millions d’Africains, essentiellement originaires d’Angola, de Haute Guinée, de Sénégambie et du Bénin. En plus des deux autres traites orientale et africaine.
Esclavage en Afrique : mémoire et histoire enfin réconciliées ?

La cérémonie dite de purification par l’eau dans ce ruisseau sacré de Kanga (esclave)-Gnianzé (eau) a réuni de nombreux Ivoiriens et des délégations d’Afro-Américains et d’Antillais qui se sont découvert, à partir de tests ADN, une ascendance africaine. « On convoyait des captifs du nord, du sud, de l’est, de l’ouest. Lieu historique, lieu de mémoire, ici gronde encore la mémoire de la détresse. À vous, les descendants d’esclaves africains, acceptez la symbolique de nos regrets. Pardon, pardon et pardon », a lancé le ministre de la Culture.

« Les esclaves arrivaient ici fatigués et cette purification leur donnait de la force, de la résistance pour continuer à vivre », explique Aubin Kouassi Yapi, 34 ans, son fils d’un an et demi sur les genoux. Il tient l’histoire de son grand-père et promet de la raconter à son fils.

Aujourd’hui, les villageois sollicitent régulièrement quand leurs « enfants doivent passer des examens » ou ont des « souhaits à exaucer », explique Claude Nguessan Nguessan, agriculteur du village.

La cérémonie a eu lieu en présence de nombreuses personnalités dont l’ancien président béninois Nicéphore Soglo, le champion du monde de football français Lilian Thuram et l`historien congolais Elikia M’Bokolo. © Issouf Sanogo
La cérémonie a eu lieu en présence de nombreuses personnalités dont l’ancien président béninois Nicéphore Soglo, le champion du monde de football français Lilian Thuram et l`historien congolais Elikia M’Bokolo. © Issouf Sanogo

« C’est incroyable. Je travaillais avec la Côte d’Ivoire depuis deux ans avant d’apprendre que les tests ADN me liaient à ce pays ! » raconte Kelley Page Jibrell, entrepreneuse dans le secteur du beurre de karité, originaire de Washington. Au départ, elle refusait les tests ADN parce qu’elle voulait rester sur une « identité panafricaine », mais elle n’a pas résisté au fait de « vouloir connaître ses racines », dit-elle aux côtés de son fils Aden, âgé de 6 ans. « Alleluia », crie-t-elle, émue, après son passage au cours d’eau.

« C’est un honneur. Après tous ces siècles, ces générations, nos sangs et nos esprits sont toujours connectés. Mon cœur me semble différent. Il bat très fort, lentement. Il y a un sentiment d’apaisement. »

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