Prof. Judith Didi-Kouko: « Lorsqu’un cancer du sein est découvert tôt par un dépistage, on peut en guérir dans 9 cas sur 10 »

Dans un entretien accordé au Centre d’information et de Communication Gouvernementale (CICG), la directrice générale du Centre national d’oncologie médicale et de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO), le Professeur Judith Didi-Kouko Coulibaly évoque la possibilité de guérir du cancer en général et du cancer du sein en particulier, si le dépistage est fait tôt et revient sur la politique mise en place par le gouvernement pour lutter contre le cancer.

Présentez le CNRAO et quel bilan depuis son ouverture ?
Le Centre national d’oncologie médicale et de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO) est un hôpital public qui a été inauguré par Son Excellence Monsieur le Président de la République, le 18 décembre 2017, et ouvert à la population le 25 janvier 2018. De cette date au 30 juin 2024, le CNRAO a reçu 12 160 nouveaux patients, 63 873 consultations réalisées, 3 204 traitements par radiothérapie, 29 461 cures de chimiothérapie et hauts traitements assimilés, 162 581 analyses biologiques réalisées, ainsi que 7876 participations aux différentes activités d’accompagnement. Et c’est un nombre qui va croissant.

Quelle est la politique mise en place par le Gouvernement pour la prise en charge du cancer en général et du cancer du sein en particulier ?
Le Gouvernement a affirmé sa ferme volonté de lutter contre le cancer en Côte d’Ivoire à travers sa devise « Faire de la Côte d’Ivoire un pays où le cancer n’est plus un drame, mais une maladie chronique ». À cet effet, le Gouvernement a mis en place le Programme national de lutte contre le cancer, une structure du ministère de la Santé, qui coordonne toutes les actions de lutte. Nous avons des services de diagnostic du cancer (radiologie, biologie, anatomie pathologique, institut de médecine nucléaire) et les services de traitement du cancer (chirurgie, gynécologie obstétrique, le service de cancérologie du CHU de Treichville et de Bouaké, et le Centre national d’oncologie médicale et de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO), que j’ai l’honneur de diriger.
Il y a également l’accompagnement de la communauté organisé par les associations et Organisations non gouvernementales (ONG) de lutte contre le cancer sous le leadership du ministère de la Santé.
Il y a par ailleurs la formation de spécialité qui concerne les médecins, les physiciens médicaux (spécialistes de la radiothérapie) ; la formation des professionnels de la santé qui relève de l’Institut national de formation des agents de santé (INFAS).
Aussi, le partenariat entre l’État de Côte d’Ivoire et le laboratoire Roche permet la gratuité dans les hôpitaux publics de certains médicaments anticancéreux, dont le coût varie entre 1,5 million et 4,2 millions de FCFA par séance, à raison d’une séance tous les 14 ou 21 jours (en fonction de la pathologie) et pendant au minimum un an. Ces médicaments ont en effet révolutionné le traitement du cancer à travers le monde. Tous les traitements anticancéreux ne sont cependant pas gratuits.
En 2023, en présence de la Première Dame, Dominique Ouattara nous avons présenté les résultats qui ne sont pas différents de ceux de l’Occident.
À ce jour, l’État est donc très engagé dans la mise en place des structures et des équipements nécessaires pour le traitement efficace du cancer, de même qu’à faciliter l’accessibilité financière.
En 2023, le nombre de personnes qu’on a réussi à sauver du cancer du sein a triplé au bout de cinq ans de traitement (60 sur 100 au lieu de 20 sur 100). La volonté politique permet donc de réaliser de très bons résultats.
Plus particulièrement au CNRAO, grâce au soutien et aux instructions du Gouvernement, aucun traitement n’est retardé pour des raisons financières. Lorsque les factures pro forma sont délivrées, les personnes qui ont les moyens payent directement pour leurs soins. Mais pour celles qui n’en ont pas, elles sont immédiatement prises en charge, et ont la possibilité de payer de manière différée et par fractionnement par le truchement de l’assistante sociale qui va leur présenter le circuit de recouvrement afin de leur permettre de payer à leur rythme. Nous délivrons pour ce faire un reçu de paiement à ceux qui se sont acquittés des frais pour mieux faire le suivi des personnes qui paient en différé.

Professeure, quel est le rôle du dépistage dans la prévention du cancer du sein ?
Le dépistage permet de découvrir plus tôt l’existence du cancer, avant l’apparition des premiers signes cliniques. Le dépistage permet donc de contrôler le corps de celui qui se dit en bonne santé pour s’assurer effectivement qu’il n’a pas de maladie cachée. En médecine, lorsqu’un cancer du sein est découvert tôt par un dépistage, on peut en guérir dans 9 cas sur 10. Dans un tel cas, l’ablation du sein ou la chimiothérapie ne sont pas obligatoires.

Que faire une fois que la maladie est déclarée ?
Une fois que le cancer du sein est détecté, il faut consulter un spécialiste, un gynécologue ou un cancérologue. Ce dernier va donc apporter les soins appropriés. Il se pose alors trois principales questions : La maladie est-elle petite et restée sur place ? La maladie est-elle sur place, mais plus grosse ? La maladie s’est-elle métastasée ? À chacune des réponses à ces interrogations, il y a une stratégie de traitement qui est complètement différente. Des examens supplémentaires et des scanners (TEP, IRM) sont nécessaires pour mieux poser le diagnostic. Le 3 octobre dernier, Son Excellence Monsieur le Premier Ministre a lancé les journées portes ouvertes de l’Institut de médecine nucléaire.
À la suite de ces examens, les médecins vont se retrouver en collège pour des concertations pluridisciplinaires (gynécologue, cancérologue médical, cancérologue radiothérapeute, radiologue, l’anatomopathologiste). C’est donc ce noyau de cinq spécialistes qui vont analyser le dossier de la patiente ou du patient (on peut avoir le cancer du sein chez les hommes) pour décider, à partir de référentiels internationaux, du traitement spécifique (traitement médical). Il y a également le traitement non spécifique encore appelé traitement d’accompagnement ou soin de support (soutiens psychologique, social, spirituel, nutritionnel, esthétique…). Ce sont des soins capitaux dans la prise en charge d’un malade du cancer.
La personne est donc prise en charge de façon holistique, aussi bien pour les médicaments que dans les autres soutiens non médicamenteux. C’est notre façon de lui dire qu’elle peut s’en sortir et qu’il y a des possibilités de guérison au bout de tous ces traitements.

Professeur, peut-on guérir du cancer du sein ?
Oui, on peut guérir du cancer aujourd’hui, à condition de le découvrir tôt et le traiter correctement. C’est la raison pour laquelle on parle de dépistage. Dans le cas du cancer du sein, l’ablation n’est pas une obligation.

Quelle est la tendance du taux de survie en Côte d’Ivoire ?
Le taux de survie est en hausse en Côte d’Ivoire. En 2022, l’étude d’impact du CNRAO, après trois ans de fonctionnement, indiquait qu’on avait réussi à réduire de 25% le risque de décès par cancer du sein, sans différence au niveau scientifique entre les personnes qui ont de l’argent, qui n’en ont pas ou qui en ont un peu. Ce qui dénotait de ce que les actions sociales de l’État avaient atteint les objectifs pour lesquels l’État les avait mises en place.
Après cinq ans, les mêmes études ont été faites et ont montré que les résultats vont en s’améliorant. Nous rendons grâce à Dieu pour le Président de la République et que Dieu bénisse toutes nos autorités.

Votre appel à l’endroit de la population en général et aux malades du cancer du sein en particulier.
À la population, je dirais s’il vous plaît, faites-vous dépister. Ce n’est pas le dépistage qui va entraîner le cancer dans vos vies. Il permet juste de contrôler votre organisme alors que vous ne sentez rien. S’il n’y a pas de cancer, le dépistage va être normal. Mais s’il y a un cancer caché quelque part, le dépistage va permettre de le voir. On peut guérir du cancer de nos jours, à condition de le détecter plus tôt par le moyen du dépistage.
Aux personnes qui se battent contre le cancer, vous n’êtes pas seules. Dieu est avec vous. Les autorités de Côte d’Ivoire sont avec vous. Nous les soignants, nous sommes avec vous. Nous savons que vos familles sont avec vous. Nous devons nous battre pour que tout le monde guérisse du cancer du sein. Et par la grâce de Dieu, nous allons y arriver.
CICG

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