Après plusieurs saisons difficiles à Arsenal, Nicolas Pépé a « retrouvé le plaisir » du jeu avec Villarreal qu’il a rejoint cet été. Pour Eurosport, l’ex-Lillois raconte comment Marcelino l’a relancé et se confie sur ses années en Angleterre, où la haine en ligne a failli le pousser à arrêter. Aujourd’hui, il lance un appel aux clubs pour qu’il y ait plus de prévention dans les centres de formation.
Par Clément Lemaître
Nicolas Pépé, dans quel état d’esprit êtes-vous avant d’affronter le Real Madrid samedi ?
Nicolas Pépé : Après notre bon début de saison, je suis bien et dans un bon état d’esprit. Un gros match nous attend contre le Real Madrid. C’est le deuxième qui reçoit le troisième. On se prépare bien pour cette rencontre et pour tenter de revenir avec un bon résultat.
En face, il y aura du répondant avec Antonio Rüdiger ou Aurélien Tchouaméni. Comment comptez-vous tirer votre épingle du jeu face à ces adversaires ?
N.P. : C’est vrai qu’on va jouer l’une des meilleures équipes du monde. Ça va être intéressant d’être opposé à Antonio Rüdiger. Je l’ai déjà affronté donc je sais comment jouer.
Villarreal est actuellement troisième de Liga. Est-ce que vous visez le Top 4 en fin de saison ?
N.P. : C’est sûr qu’on doit viser l’Europe. Au regard de la qualité de cet effectif, on doit viser le plus haut possible.
Sur le plan personnel, vous effectuez un très bon début de saison avec Villarreal. Comment expliquez-vous ce retour en forme après plusieurs années difficiles ?
N.P. : J’effectue un bon début de saison et je peux faire encore mieux. Je n’ai pas eu de préparation estivale mais j’ai su m’adapter très vite avec ce groupe qui m’a très bien accueilli. Malheureusement, une petite blessure m’a empêché de jouer deux matches mais j’ai su revenir rapidement sur les terrains.
Vous vous êtes procuré plusieurs occasions lors de vos derniers matches. Vous semblez au point sur le plan physique…
N.P. : Il y a l’état physique mais aussi l’aspect mental. Quand on te donne beaucoup de confiance, ça devient largement plus facile pour n’importe quel joueur. Quand les coéquipiers te font confiance, c’est plus facile de s’exprimer, de bouger. J’essaie d’apprendre la langue rapidement pour m’adapter le plus efficacement possible. Après, sur le terrain, il y a le langage footballistique. Et avec les joueurs de cet effectif, j’arrive à bien les comprendre.
Vous évoquez la confiance de vos partenaires. Est-ce que vous sentez aussi celle de votre entraîneur, Marcelino ?
N.P. : Bien sûr. C’est ce qui m’a convaincu de venir ici. Avant que les choses ne bougent, j’ai eu une discussion téléphonique avec lui. Il m’a beaucoup parlé sur l’aspect football et de la vie extra-sportive. Ça m’a convaincu. Marcelino a un grand cœur. C’est un coach qui arrive à donner beaucoup de confiance à tous ses joueurs parce qu’il sait que ça joue et c’est le cas pour moi en tout cas. J’ai aussi beaucoup de séances avec ses adjoints à la vidéo, pour comprendre la raison de faire tel ou tel déplacement et savoir comment aider mon partenaire à avoir le ballon dans telle ou telle zone. Ici, je retrouve ce goût de plaisir et de réapprendre une nouvelle culture footballistique.
A-t-il insisté pour que Villarreal vous recrute ?
N.P. : Clairement, oui. En fait, les choses se sont faites assez rapidement. Éric Bailly m’a appelé pour me dire que le coach s’était renseigné sur moi. Il lui a demandé ce que je comptais faire : poursuivre ma carrière en Europe ou plutôt dans les pays du Golfe. Moi, ce qui m’importait, c’était le projet du club. Puis, une fois que j’ai eu Marcelino au téléphone, ça s’est fait rapidement.
Dans son discours, a-t-il dit des choses qui vous ont particulièrement marqué ?
N.P. : Un moment, il a dit : ‘si tu retrouves ce goût de faire les efforts, tu seras récompensé’. Cette phrase m’a marqué et jusqu’ici, ça fonctionne. On prend du plaisir tous ensemble, on est troisièmes. C’est bien et il faut continuer comme ça.
Marcelino est resté à peine deux mois sur le banc de l’OM. Dans quels domaines excelle-t-il ?
N.P. : C’est un coach qui aime avoir très souvent la possession du ballon même si on affronte de très grosses équipes. Aussi, la réaction des joueurs après la perte de balle est primordiale pour lui. Par ailleurs, quand on peut contrer, on le fait car on a les joueurs pour.
Avez-vous l’impression que le chapitre Arsenal (2019-2022) est définitivement derrière vous ?
N.P. : Arsenal, ça reste un grand pas en avant dans ma carrière. Jouer avec les Gunners, ça reste inoubliable. J’ai gagné des titres (la Cup et le Community Shield en 2020) avec ce grand club donc ce n’est pas une mauvaise aventure non plus. Je ne retiens que les bonnes choses. Le chapitre Arsenal, je ne dirais pas ce que c’est derrière moi mais plutôt que ça va m’accompagner jusqu’à la fin de ma carrière.
Après votre très belle saison 2018-19 à Lille, vous avez choisi de rejoindre Arsenal malgré les sollicitations de Naples. Est-ce que vous regrettez votre choix aujourd’hui ?
N.P. : Non, pas du tout. A l’époque, j’avais eu une discussion avec Unai Emery qui avait duré quasiment une heure. Il avait pris le temps de m’expliquer comment il comptait m’incorporer dans l’équipe. Ça m’a clairement convaincu. Vous évoquez Naples, pour l’anecdote, j’avais aussi parlé avec Carlo Ancelotti mais l’appel a duré quatre ou cinq minutes. Pour moi, cela a fait la différence.
Est-ce que vous avez eu du mal à supporter le montant du transfert (80 millions d’euros) à Arsenal ?
N.P. : Non. Ce n’est pas moi qui ai décidé de mettre cette somme. C’est comme ça, c’est le marché. Désormais, cela devient de plus en plus fréquent. Après, au regard des critiques, c’était frustrant pour moi mais personnellement, cela ne m’a pas marqué plus que ça.
Est-ce que vous en voulez aujourd’hui à Mikel Arteta, concernant votre manque de temps de jeu sur la fin de votre aventure avec les Gunners ?
N.P. : Honnêtement, j’ai tourné la page. Je n’ai aucune rancœur. Franchement, je lui souhaite le meilleur.
Dans un entretien accordé en juillet dernier à L’Equipe, vous avez affirmé avoir pensé à arrêter votre carrière à cause notamment de la haine en ligne dont vous avez été victime. A quel moment avez-vous failli prendre cette décision ?
N.P. : C’était à l’été 2020 après ma première saison à Arsenal. Toutes ces critiques me frustraient. Quand tu es frustré voire crispé, tu n’es plus le même sur le terrain. Personnellement, après avoir encaissé, j’ai atteint une limite. A partir du moment où cela a touché ma famille, c’était différent. Le matin, je n’avais pas envie d’aller à l’entraînement et de jouer les matches. Heureusement, j’ai eu un bon entourage qui a été là pour moi. C’est grâce à ces personnes que j’ai continué. Ensuite, cela a été mieux à partir de la deuxième saison.
Comment cette haine en ligne se matérialisait-elle au quotidien ?
N.P. : Malheureusement, c’est devenu une mode d’attaquer comme ça tel ou tel joueur pour avoir la lumière sur soi. Mais ces personnes ne se rendent pas compte de la méchanceté qu’elles transmettent. Même les anciens joueurs qui descendent les joueurs actuels, ça peut être traumatisant. Ils ne doivent pas oublier qu’ils étaient à notre place auparavant.
Est-ce que les clubs devraient plus préparer les joueurs à appréhender ce phénomène ?
N.P. : Je pense que les jeunes joueurs devraient être sensibilisés dès le centre de formation. Les réseaux sociaux, c’est très, très dangereux pour leur santé mentale. Pour garder la face, tu peux dire que tout ça ne t’affecte pas, mais quand tu rentres chez toi, tu sais très bien que ça te touche inconsciemment. Cela a un impact sur la qualité de tes performances car c’est traumatisant. Les joueurs sont exposés par rapport à ça et pas grand-chose n’a été mis en place pour arrêter les harceleurs. J’espère qu’il y aura plus de prévention à terme dans les clubs.
Lors de la saison 2022-23, vous avez été prêté à Nice. Les blessures vous ont empêché d’enchaîner les matches. Quel regard portez-vous sur cette période ?
N.P. : Mon passage à Nice a été mitigé. Au niveau du club, c’était très bien, excellent. J’ai été très bien accueilli. J’ai côtoyé des très bons joueurs. Le président (Jean-Pierre Rivère) avait fait en sorte que je vienne. Il a été top. Concernant mes performances sur le terrain, j’ai été ennuyé par ces blessures (ndlr : à un genou puis à un mollet entre janvier et avril 2023). Cela m’a empêché de m’épanouir au maximum. Lors de ce quart de finale retour de C4 contre Berne, je joue quasiment sur un pied. Ça se passe super mal pour moi car ma blessure s’aggrave.
Comment avez-vous vécu votre occasion manquée face au gardien de Berne à l’Allianz Riviera ?
N.P. : Sur cette occasion, je ne choisis pas le bon pied car j’ai peur de me blesser. Clairement, je ne pouvais pas tirer du pied droit car ma blessure était sur mon genou droit. Peut-être que si j’avais tiré du pied droit, j’aurais rechuté cinq ou six mois. Mes coéquipiers le savaient. Mais pas les supporters. Quand les gens ne savent pas, ils peuvent critiquer ou insulter. Mon regret est que les fans de Nice m’aient jugé sur un match. Mais ils n’avaient pas tous les éléments.
Après toutes ces expériences, est-ce que vous vous sentez revanchard aujourd’hui avec Villarreal ?
N.P. : Franchement, je ne suis pas du tout revanchard. J’ai passé la saison 2023-24 en Turquie (Trabzonspor) où je me suis fait un peu oublier. Personnellement, je sais ce que je vaux. Je n’ai pas à cœur de montrer aux autres que Nicolas Pépé est revenu. J’ai à cœur de me montrer à moi-même que je suis capable de performer
Avec Eurosport
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