A au meurtre d’un étudiant le week-end dernier, plusieurs hauts responsables de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) ont été arrêtés et le gouvernement a décidé la suspension de toutes les activités syndicales estudiantines sur l’ensemble du territoire national. Une visite sur les campus de Cocody et d’Abobo-Adjamé nous a permis de constater l’atmosphère qui y prévaut après cette mesure.
Nous débutons notre tournée par l’Université Nangui Abrogoua d’Abobo-Adjamé, le jeudi 3 septembre 2024. Il est un peu plus de 10 h et l’atmosphère est relativement calme. Des étudiants rassemblés sous les arbres discutent, papotent entre eux, tandis que d’autres assistent à leurs cours dans les amphithéâtres. Le calme qui règne sur le campus est tel que cela a suscité notre curiosité et nous avons voulu en savoir plus, en approchant quelques étudiants. L’un d’entre eux confie qu’il partage aussi cette curiosité et ne comprend pas à quoi cela est dû.
En effet, notre interlocuteur raconte qu’il est arrivé sur le campus le matin-même, après avoir été absent un moment pour un stage. Mais ce qui l’a frappé en premier lieu, c’est le petit portail de l’université qui est resté fermé alors qu’habituellement il est ouvert. « Je ne comprenais pas pourquoi le petit portail est fermé, alors je suis allé voir une dame qui travaille au restaurant et elle n’a rien voulu me dire. Mais nous savons tous ici que lorsque ce portail est fermé cela signifie qu’il y a un problème », raconte-il.
Parlant des agissements de la Fesci et de la suspension des activités, l’étudiant se dit inquiet face à la montée des violences au sein de cette fédération. D’un geste de la main, il nous montre le préau qui sert de QG pour les rassemblements et les activités des fescistes. L’espace était occupé par d’autres étudiants et par des femmes chargées d’entretien sur le campus.
« Depuis la suspension de leurs activités par le gouvernement, on les voit rarement. Cependant, ils sont passés dans les différents amphithéâtres pour parler aux étudiants et leur demander de rester calmes », confie un autre étudiant qui semblait agacé par nos questions.
Abus et injustices
Selon Amarie, un jeune homme que nous avons croisé sur le campus, « la Fesci joue un rôle important en ce sens qu’elle porte, devant l’administration, les besoins et les problèmes des étudiants, en vue de les amener à trouver des solutions à leurs difficultés. Cependant, si, pour cela, la vie humaine doit être bafouée, je pense qu’il serait mieux qu’elle soit dissoute ». Son avis est partagé par « Jean », étudiant en master 2 dans la faculté de Maths-infos. Dans un premier temps, Jean ne comprend pas pourquoi on dit, aux informations, que l’étudiant décédé est inscrit dans la faculté d’Anglais alors que cette faculté n’existe pas à l’université d’Abobo-Adjamé. Dans un second temps, il reconnaît le rôle important que joue la Fesci pour les droits des étudiants, mais il dénonce leurs abus et l’injustice qu’ils font subir à d’autres étudiants.
« L’Etat ne se soucie pas des besoins des étudiants, c’est eux qui défendent nos droits, mais à cause d’eux, beaucoup ont abandonné les cours. Si un parmi eux veut ta petite amie ou si tu as affaire avec un membre, ils te mèneront tous la vie dure et si tu ne tiens pas le coup, tu seras obligé de fuir le campus » confie Jean. Il raconte que la majorité de ses camarades qui avaient intégré la Fesci ont dû abandonner les cours pour avoir eu des démêlés avec le groupe. L’étudiant révèle que les fescistes continuent les rassemblements sur la cité universitaire d’Abobo et même dans certains coins de l’Université.
La suspension de la Fesci, une bonne chose
A l’opposé, l’atmosphère à l’Université de Cocody est tout à fait différente de celle de Nangui Abrogoua. Là, l’ambiance est tout ce qu’il y a d’ordinaire sur un campus. Assis sous un préau, un groupe d’étudiants révisent leurs cours, tout en s’exerçant à la théorie. L’une d’entre eux, que nous avons approchée, affirme que les événements récents n’impactent pas le bon déroulement des cours. « Au contraire, la suspension des activités de la Fesci est une bonne chose, parce que nous souhaitons tous que la lumière soit faite sur la mort du camarade, et que les coupables répondent de leurs actes », dit-elle.
Comme elle, ils sont plusieurs à souhaiter que les meurtriers soient jugés et condamnés, afin que cela serve de leçon aux autres. Pour ce qui est de la suspension définitive de la Fesci, les avis sont mitigés. Pour certains, il faut leur donner une bonne leçon pour l’injustice, les discriminations et les exactions qu’ils font subir à d’autres étudiants, sans toutefois dissoudre le mouvement, car c’est grâce à leurs actions que l’administration se penche sur les problèmes des étudiants. Pour d’autres, en revanche, la suspension définitive est la solution pour mettre fin à ces violences.
Pour rappel, c’est dans la nuit du 29 au 30 septembre que le corps sans vie de Déagoué Zigui Marc Aubin, 49 ans, étudiant inscrit en master 2 en Anglais et membre de la section Fesci Abobo 1, avait été retrouvé au CHU de Cocody. Selon les informations données par le Procureur de la République, le 1er octobre, il aurait été enlevé et violenté par des membres de la Fesci à qui il était opposé.
Marie-Claude N’da
Lebanco.net
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