La sortie de monsieur Robert Bourgi réintroduit dans le débat politique une problématique ancienne qu’il faut réinterroger. Il est vrai que ses déclarations peuvent être jugées anachroniques mais elles ne manquent pas de pertinence dans le débat politique ivoirien. Malgré les cris d’orfraie entendus par-ci et par-là, il n’y a qu’une seule façon de se convaincre qu’aucun crédit ne devrait être accordé aux propos de monsieur Robert Bourgi : la voie judiciaire que le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » attend des personnes accusées afin qu’enfin éclate la vérité sur cette affaire pour laquelle le sang d’innocentes personnes a coulé.
Selon Frédéric Lejeal interrogé par journal en ligne LeFaso.net, co-auteur du livre des confessions de Robert Bourgi, il est à constater qu’aucune plainte n’a suivi, jusque-là, les graves faits rapportés anciennement par l’auteur et ne lui ont valu aucun procès. Et il ajoute : « il (Robert Bourgi) n’a jamais été convoqué par un seul juge pour une quelconque affaire françafricaine. Il n’a pas davantage été témoin assisté dans un dossier ou mis en examen ou placé en garde à vue ». Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » attend donc la suite accordée à ces affaires de la Françafrique.
En attendant que ce procès n’arrive et tout en étant conscient que la stabilité de la Côte d’Ivoire prime et qu’on ne saurait refaire l’histoire, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » voudrait tirer les leçons des révélations explosives faites par monsieur Robert Bourgi.
En affirmant, lors de ses interviews à France 24 et TV5 Monde, que « c’est Gbagbo qui a gagné les élections, pas Ouattara », monsieur Robert Bourgi semble remettre en cause la légitimité démocratique du Président Alassane Ouattara et la légalité constitutionnelle de tout ce que sa signature de président de la République a engagé jusque-là. Ces propos sont extrêmement graves et tendent à noircir l’image de démocrate que le Président Ouattara s’est construite pendant ses nombreuses années de combat politique, lui qui exercerait le mandat constitutionnel d’un autre avec la caution de la communauté internationale.
Ces interviews jettent aussi une lumière sombre sur le jeu trouble de l’ONU qui aurait donné une caution internationale à un coup de force français. Elles révèlent que cette institution internationale censée faire respecter le droit des peuples a des pratiques controversées qui piétinent le droit de ces mêmes peuples pour promouvoir et défendre les intérêts des puissances de ce monde.
Ces propos tendent également à montrer que le président Laurent Gbagbo est victime d’une machination et d’une grande injustice nationale et internationale et ne mériterait donc pas l’humiliation qu’il subit de la part des autorités, l’accusation portée contre lui de braquage de la BCEAO et le retrait de son nom de la liste électorale. Cela veut aussi dire que la réconciliation en Côte d’Ivoire est et reste une exigence sociétale et démocratique.
Les propos de Robert Bourgi révèlent, en outre, que pour ses intérêts géopolitiques et économiques, la France est prête à tout, y compris à faire verser du sang, même s’il est innocent, et à tordre le cou au droit des peuples africains à disposer d’eux-mêmes, forte de sa position à l’ONU. Ce qui remet totalement en cause l’idée reçue et vendue selon laquelle l’apport de l’Afrique à l’économie française serait minime, insignifiante. Bien au contraire, la thèse selon laquelle il serait plus important que ce qu’avancent les chiffres officiels et essentiel pour la survie de la France comme puissance économique et politique se voit subtilement accréditée.
On se rappelle, il y a quelques années, avec l’affaire Elf, que les chiffres fournis par cette entreprise française et que prenaient à leur compte les déclarations officielles sur l’économie française étaient largement en deçà de ce que cette entreprise pompait aux congolais. Une pratique de la double comptabilité qui profite tant peut-elle être abandonnée aussi facilement ? L’on est en droit de se poser la question.
Le rapport de la France à l’Afrique est, d’ailleurs, une question existentielle pour elle. Les discours officiels semblent cacher la réalité au peuple français : la France s’est organisée autour de la rente coloniale (tous les accords avec ses anciennes colonies sont à son avantage) et ne se voit pas avoir un avenir mondial sans ce paradigme, ce dont n’ont pas besoin les autres puissances économiques telles que l’Allemagne et la Corée du Sud par exemple dont la solidité économique repose d’autres paradigmes.
Ce fait est à la fois une force et une faiblesse pour les élites politiques et économiques françaises qui ont du mal à sortir et à s’organiser géopolitiquement au-delà de ce carcan et qui pourrait conduire dans des situations inextricables ses liens avec cette jeunesse africaine si friande de souveraineté. On comprend pourquoi, malgré leurs promesses de rompre avec les pratiques anciennes, les présidents français finissent par marcher dans les voies de leurs prédécesseurs : le système mis en place depuis des décennies pour le rayonnement de la France s’impose à eux.
Des déclarations de monsieur Robert Bourgi, les hommes de pouvoirs africains doivent retenir qu’on n’achète pas la conscience de l’élite politique française chez qui l’intérêt stratégique de la France est plus important que tout au monde. Les hommes du pouvoir français, bien que sur-arrosés de pluies de milliards par les présidents africains, restent sans état d’âme lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts stratégiques de leur pays. Le leitmotiv, chez eux, est : le pays d’abord, les intérêts personnels et les amitiés ensuite.
Cela montre qu’on n’achète pas la conscience d’un occidental qui est, du reste, passé maître dans la duplicité, une duplicité mise au service de la défense des intérêts de son pays, son seul et unique but stratégique en tant que politique. Cela révèle que l’homme occidental, malgré tous les défauts qu’on pourrait lui prêter ou trouver, a un rapport religieux, quasi mystique, avec les intérêts de son pays qui devrait inspirer les élites politiques africaines prêtes à saborder leur pays pour des intérêts stratégiques étrangers.
Monsieur Robert Bourgi a fait des révélations fracassantes appréciées par les uns et non appréciées par les autres. Malgré la polémique qu’elles ont engendrée, elles posent des problèmes de fond importants que le brouhaha médiatique ne permet pas de voir clairement. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » propose à la classe politique et à l’opinion publique ivoirienne et africaine ces réflexions afin qu’elles aident à comprendre le passé pour penser le présent et anticiper le futur dans nos rapports avec la France politique et économique.
Fait à Abidjan, le 02 octobre 2024.
Pour « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ».
Le Président
Pr. Séraphin Prao
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