Coopération Ukraine/Azawad : Cacophonie entre Kiev et les djihadistes du Csp-Dpa en lutte contre les FaMa

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Ces dernières semaines, plusieurs interviews ont mis en lumière une divergence flagrante dans les déclarations entre les représentants du mouvement azawadien CSP-DPA (Cadre Stratégique Permanent pour la Défense du Peuple de l’Azawad) et les autorités ukrainiennes concernant une coopération supposée entre les deux entités. Alors que le porte-parole du CSP-DPA, Mohamed Elmaouloud Ramadane, confirme cette alliance naissante, l’Ukraine, par l’intermédiaire de son représentant Maksym Subkh, nie toute implication. Cette incohérence soulève des questions importantes sur les véritables liens entre l’Azawad et Kiev, et l’impact que cela pourrait avoir sur la situation géopolitique au Sahel.

Confirmation de la coopération par l’Azawad

Dans une interview exclusive accordée au média français Contre-Poison le 9 septembre 2024, Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole du CSP-DPA, a clairement officialisé l’existence d’une coopération avec l’Ukraine. Selon ses propos, « la coopération entre le CSP-DPA et les Ukrainiens en est à sa première phase ». Il a évoqué un besoin crucial de soutien militaire, tout en faisant allusion à des discussions diplomatiques amorcées plus tôt dans l’année. Ramadane justifie cette alliance par un ennemi commun : les spécialistes militaires russes, qui sont présents à la fois en Ukraine et dans l’Azawad, où ils sont accusés de crimes de guerre et de déstabilisation. Dans son entretien, Ramadane plaide pour une aide militaire urgente afin de contrer l’influence russe dans la région, appelant également à une mobilisation internationale pour soutenir la cause azawadienne. Le CSP-DPA, mouvement de lutte pour la liberté du peuple de l’Azawad, appelle à des alliances avec d’autres pays, notamment la France et les États voisins, pour stabiliser la région.

Déclarations contradictoires de l’Ukraine

Cependant, quelques jours après cette déclaration, le représentant spécial de l’Ukraine pour le Moyen-Orient et l’Afrique, Maksym Subkh, a démenti toute implication de son pays dans les événements liés au conflit azawadien. Dans une interview donnée à Jeune Afrique, Subkh a nié catégoriquement l’implication de l’Ukraine dans la bataille de Tinzaouatène, qui avait pourtant été mentionnée dans d’autres sources comme un événement lié à la coopération entre les rebelles azawadiens et Kiev. Ce démenti apparaît particulièrement surprenant compte tenu des preuves accumulées, notamment les déclarations publiques des représentants azawadiens. Maksym Subkh a profité de cet entretien pour repositionner l’Ukraine comme un acteur stratégique en Afrique, cherchant à contrer l’influence croissante de la Russie sur le continent, tout en minimisant toute intervention directe dans le Sahel. Son discours visait davantage à mettre en avant les efforts de Kiev pour tisser des liens avec des pays africains comme le Sénégal ou l’Afrique du Sud, dans un contexte de concurrence géopolitique accrue avec Moscou.

Des preuves qui s’accumulent

Outre l’interview de Ramadane, d’autres témoignages viennent corroborer l’existence de relations entre l’Azawad et l’Ukraine. Attaye Ag Mohamed, vice-secrétaire aux relations extérieures du CSP-DPA, a lui aussi confirmé ces liens dans une interview accordée à France 24, où il évoque « notre territoire et notre peuple » comme objectifs principaux, tout en soulignant l’importance du soutien extérieur pour la défense de la région de Tinzaouatène. Ces déclarations s’ajoutent à celles de Ramadane, renforçant l’idée d’une coopération en cours entre les deux parties.

Analyse des divergences

Face à cette série de déclarations contradictoires, il devient difficile d’ignorer l’évidence : il existe bel et bien une forme de coopération entre l’Ukraine et les forces azawadiennes, même si Kiev cherche à minimiser, voire à dissimuler, cette alliance. L’intervention de Maksym Subkh pourrait s’expliquer par une volonté d’éviter d’alimenter les critiques sur une ingérence ukrainienne dans un conflit lointain, particulièrement dans un contexte où l’Ukraine tente de renforcer ses relations diplomatiques avec plusieurs pays africains. Cependant, l’accumulation de preuves, y compris des entretiens officiels et des témoignages de terrain, remet en question cette tentative de déni. Les déclarations de Subkh, en contraste avec celles des responsables azawadiens, peuvent être interprétées comme une stratégie délibérée pour ne pas alarmer les alliés africains de l’Ukraine qui pourraient voir cette coopération sous un mauvais jour. L’écart entre les déclarations des représentants azawadiens et ukrainiens met en lumière une situation complexe et opaque, où des intérêts géopolitiques divergents sont en jeu. L’Azawad, dans sa lutte contre les Forces Armées Maliennes, voit en l’Ukraine un allié de circonstance, tandis que Kiev semble hésiter à reconnaître ouvertement cette alliance. Ce manque de transparence pourrait avoir des répercussions à long terme, tant pour la situation au Sahel que pour les relations entre l’Ukraine et l’Afrique. 7

Par Coulibaly Mamadou, correspondance particulière

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