Par la Côte d’Ivoire, la Chine pénètre le marché africain de la défense

La CI a finalisé l’achat de 04 hélicoptères d’attaque avec l’entreprise publique chinoise CATIC, dont le vice-président a séjourné dans le pays à la mi-juin 2024. Le montant de la transaction n’a pas été divulgué, mais on sait que c’est un prêt de l’Etat chinois qui permet à la CI d’acquérir les engins. En fait, il semble qu’on soit à un tournant, car pour la première fois la Chine applique ici une méthode qui a fait ses preuves dans le domaine des infrastructures, où elle règne désormais en maître dans le monde entier.

Dans les infrastructures, la démarche chinoise est simple. Elle construit l’infrastructure et vous réglez après. En somme une dette classique. Mais surtout, et c’est là l’originalité de la méthode, vous pouvez régler la dette avec vos matières premières. Beaucoup d’Etats africains règlent en ce moment les dettes contractées envers la Chine en pétrole, or, bauxite, fer, ou en produits agricoles entre autres. C’est ce qu’on appelle « les prêts adossés aux matières premières ».

Cette démarche est condamnée par les Occidentaux, et les organisations internationales ( FMI, Banque Mondiale…..), qui y voient un pillage en règle des économies africaines. Vrai ou faux, le sujet fait toujours débat. Toujours est-il que la Chine met sur la table des propositions que les africains peuvent difficilement refuser. En payant en matières premières et non en devises, les gouvernements africains ont l’impression de ne pas mettre la main au portefeuille. On ne sait pas comment sont déterminées les quantités de matières premières à livrer, mais il se murmure que la Chine « frappe fort » à ce niveau. Des pays comme le Congo Brazzaville et l’Angola entre autres, qui paient une partie de leurs dettes en pétrole, ont d’énormes problèmes de trésorerie depuis un certain temps.

Aujourd’hui cette démarche est mise en œuvre dans l’armement avec ce deal conclu avec la CI. La chose est sans doute suivie avec intérêt par les pays d’Afrique sub saharienne, qui à l’instar de la CI, n’ont pas les moyens d’acquérir des équipements lourds neufs, principalement dans l’aviation. Les pays africains se fournissent sur le marché d’occasion des équipements russes, indiens, turcs, brésiliens, et certaines nations de l’Est de l’Europe. Car même le marché d’occasion des équipements occidentaux est hors de portée de leurs petits budgets défense. Le Rafale français, l’Eurocopter anglo- allemand, le Gripen suédois, les F 35 et le F 16 américains etc……..même d’occasion sont inaccessibles aux africains.

Aussi le prêt conclu entre la CI et la Chine pour ces 04 hélicoptères est d’une importance majeure, car jusque-là les lignes de crédit chinoises concernaient les infrastructures. Elles ne s’appliquaient pas à l’armement. Selon la presse, il est prévu l’acquisition d’avions de chasse dans une deuxième phase de l’accord, ce qui confirme bien que le deal ne se limitera pas aux seuls quatre hélicoptères. C’est un mouvement de fond qui est mis en œuvre par les Chinois. Nous sommes bien à un tournant, car la Chine ne mettra pas en place une telle ligne de crédit pour la seule CI, mais bien pour l’ensemble des pays qui sont dans la même configuration.

Enfin il faut bien remarquer que la démarche chinoise n’est possible que parce que la Chine possède de grands groupes publics, CATIC dans l’armement, la CSCEC (China State Construction Engineering Corporation) dans les infrastructures….etc…..Les occidentaux n’ont pas de compagnies publiques dans ces secteurs. D’où l’impossibilité pour eux de mettre en œuvre le même type d’approche. Toutefois aujourd’hui l’Europe semble avoir enfin compris qu’au lieu de condamner les Chinois, elle doit aussi proposer des solutions qui pourront intéresser les pays du Sud. A la Commission Européenne en ce moment, est en cours une réflexion sur la façon dont il faut s’y prendre pour proposer aux Etats du Sud des solutions des « solutions intégrées » comme le font les Chinois. Or les grands groupes européens doivent inévitablement être associés à l’approche, ce qui n’est pas évident car l’Afrique ne constitue pas leur marché traditionnel du fait de son étroitesse. Dans bien des secteurs, l’Afrique représente un marché certes d’avenir, mais un marché encore de faible taille, pas à même de permettre aux firmes occidentales de rentrer dans leurs coûts. Donc ce n’est pas tout de suite que ces groupes porteront leur regard sur vers l’Afrique.

Douglas Mountain

oceanpremier4@gmail.com

Le Cercle des Réflexions Libérales

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