La situation politique au Burkina est vécue différemment par les populations. Si certains soutiens du régime s’en accommodent, chaque jour, ce sont des dizaines de jeunes et de personnes âgées qui se jettent sur le chemin de l’exil dans les pays voisins. A la recherche d’un mieux-être, loin des tumultes, de la hantise d’une attaque djihadiste et des traumatismes. O.I., est un jeune élève burkinabè, âgé de 18 ans. Il est de ceux qui ont réussi à prendre la fuite de peur de se faire enrôler dans les Volontaires pour la défense de la patrie, les Vdp. Le jeune homme vit désormais à Abidjan où nous l’avons rencontré. Sa voix tremblante de fugitif, le regard hagard, son accoutrement bigarré et sachant plus ou moins manier la langue de Molière. Son récit est pathétique et témoigne des côtés obscurs de la transition dans son pays.
«Mon père Souleymane Ouédraogo a quitté le Burkina quand nous étions petits avec mes deux sœurs en 2007, à cause de sa conversion à la religion chrétienne. Il était persécuté par la communauté et nos grands-parents qui ne voulaient pas que nous portions des noms chrétiens. Et surtout, il refusait l’excision de mes sœurs selon la tradition. Nous avons trouvé refuge chez un oncle, Boukary, qui était un homme de bien et les choses allaient mieux malgré l’absence de notre père. Et quand les terroristes ont commencé par attaquer la localité de Kaya, les VDP ont commencé à forcer les jeunes ».
Sur sa lancée, O.I. explique comment sa vie a basculé pour qu’il se retrouve en Côte d’Ivoire : « comme notre père est devenu pasteur en France, nous le suivions en ligne sur la page Facebook de son église. Parfois, il appelait le pasteur qui nous suivait et faisait des conférences en ligne pour nous donner des conseils à ne pas se joindre au VDP car c’était dangereux. Notre oncle Boukary a été arrêté en 2023 et c’est là que notre situation a commencé à s’aggraver jusqu’au jour où une vidéo de notre père dénonçant le fait de forcer les jeunes à s’enrôler au VDP circulait. J’ai vu la vidéo et j’ai essayé de contacter mon père mais je n’ai pas pu. C’était à la fin du mois de juin passé. Et un soir, des VDP sont venus et ont manqué le pasteur qui nous suivait. J’étais dans les toilettes lorsque j’entendais citer le nom de mon père qu’il était parmi les ennemis extérieurs contre la lutte du pays. Quand je suis sorti, la femme du pasteur m’a dit de fuir que certainement c’était pour m’enrôler de force. C’est ce que j’ai fait et j’ai réussi à m’échapper pour arriver difficilement en Côte d’Ivoire».
Il ne manque pas de marquer son inquiétude pour ses sœurs restées au pays. « Je n’ai pas les nouvelles de mes sœurs jusqu’aujourd’hui. Je suis très inquiet aussi pour mon père car il est fiché et il ne peut pas revenir au Burkina parce qu’il va se faire arrêter. J’ai expliqué ma situation à beaucoup de personnes pour ne pas qu’on me ramène au Burkina. Je ne veux pas être enrôlé de force. Je cherche la quiétude », a-t-il terminé.
Légende photo : Une vue des Vdp lors d’un rassemblement au Burkina Faso (Ph : DR)
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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