Mali/Azawad: Le CSP-DPA officialise son alliance avec l’Ukraine

Azawad 2/2] « La coopération entre le CSP-DPA et les Ukrainiens en est à sa première phase » interview avec Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole du CSP-DPA

par Contre-Poison 9 septembre 2024

Il y a quelques semaines, nous avions interviewé le colonel Hamad-Rhissa, l’homme qui a infligé au groupe Wagner sa première grande défaite sur le continent africain. En exclusivité pour Contre-Poison, le porte-parole du CSP-DPA (Cadre Stratégique pour la Défense du Peuple de l’Azawad) officialise l’alliance entre le CSP-DPA et l’Ukraine. Grande interview avec Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole du CSP-DPA.

Loup Viallet, directeur de Contre-Poison – Quelle est la réelle nature des liens entre le CSP-DPA et l’Ukraine ?

Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole du CSP-DPA – Cela fait maintenant 12 ans que la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), qui, avec le concours de la Plateforme des mouvements du 14 juin, est devenu le Cadre Stratégique Permanent pour la Défense du Peuple de l’Azawad (CSP-DPA), développe des relations diplomatiques pour démultiplier ses partenaires. Nous leur expliquons la cause qui est la nôtre, les problèmes auxquels nous sommes confrontés, notamment la situation de l’Azawad depuis l’indépendance des Etats ouest-africains dans les années 1960.

Nous avons établi des contacts avec de nombreux Etats. Ces derniers temps, l’Ukraine est entrée dans la danse car nous avons un dénominateur commun : les mercenaires russes de Wagner, qui ont aussi envahi l’Ukraine. L’Ukraine voit des ennemis là où se trouvent les Wagner et nous, dans l’Azawad, faisons face à cette organisation qui est la cause de malheurs et de destruction dans beaucoup de pays, en Libye, en Syrie, en République centrafricaine, au Soudan et bien évidemment en Ukraine.

Sur quels plans l’Ukraine a-t-elle aidé le CSP ?

La coopération entre le CSP-DPA et les Ukrainiens en est à sa première phase. Il est trop tôt pour révéler sur quels plans l’Ukraine nous a aidés, mais je vais profiter de cette question pour demander à l’Ukraine une aide sur le plan militaire, l’armement, la formation de nos combattants, la formation en droits de l’homme… C’est le plus important.

Car si l’Ukraine a ses propres combats et fait face à l’ennemi directement, nous menons aussi notre propre combat pour la liberté de notre population. C’est pourquoi il est nécessaire qu’on nous aide, particulièrement sur le plan militaire, afin de stopper l’avancée des criminels de Wagner. Cet appel est valable pour tous les alliés de l’Ukraine et pour tous ceux qui aident à combattre l’impérialisme Russe. La lutte contre l’impérialisme russe est un combat mondial car la Russie est une menace pour le monde entier. On doit conjuguer nos efforts pour faire un blocus devant l’avancée de cette organisation, de cet Etat impérialiste.

Depuis quand êtes-vous en relation avec les autorités ukrainiennes ?

Les hostilité ont commencé en août dernier. Nous sommes rentrés en contact avec l’Ukraine il n’y a pas très longtemps, peut être au début de l’année 2024.

Avec l’Ukraine, vous partagez un ennemi commun. Comment la Russie est-elle devenue votre ennemi ?

C’est vrai que nous avons un ennemi commun. La Russie était auparavant un pays de médiation, qui avait des représentants dans le Comité de Suivi de l’Accord d’Alger et qui connaissait bien l’histoire du conflit qui oppose l’Azawad au Mali depuis belle lurette. Elle a choisi son camp en prenant partie pour les putschistes de Bamako. C’est malheureux qu’une puissance de sa stature, jadis paisible et réservée choisisse de s’afficher avec la junte en totale ingérence contre un peuple qui ne le connaissait ni d’Eve, ni d’Adam.

Mais nous pensons qu’elle sait que son immixtion dans ce combat ne sera pas sans conséquences au plan juridique car elle a une grande part de responsabilité dans les exécutions extrajudiciaires des civils Azawadiens, en poussant des milliers des populations à l’exil, en détruisant nos infrastructures, en décimant et volant nos cheptels et autres biens…

Il faut noter que depuis que les mercenaires de Wagner dépendent du ministère de la Défense russe, Moscou répond directement et juridiquement de leurs actions, pas comme du temps où Prigojine était vivant.

Souhaiteriez-vous le retour de Barkhane au Sahel ?

Vous savez, quelle que soit la puissance d’une force étrangère, quelle que soient ses intentions, même si elles sont positives, il s’est avéré que cela ne peut pas amener à la sécurité. Il est difficile qu’une force étrangère parvienne à sécuriser un pays donné ou bien trouve une solution durable à un conflit. Nous, en Azawad, ce que nous voulons, ce n’est pas une intervention étrangère, c’est plutôt de reconnaitre la nature profondément historique et politique du conflit, de ne pas le confondre avec le terrorisme.

Il convient de plaider et de défendre politiquement et diplomatiquement devant toutes les instances internationales et sous régionales notre cause, obtenir des financements pour les organisations humanitaires afin de sécuriser les populations déplacées à l’intérieur comme les réfugiés et aux organisations locales des droits de l’homme pour assurer une documentation fiable et professionnelle des crimes de guerre commis en Azawad pour que la junte de Bamako, Wagner et leurs soutiens répondent de leurs crimes.

Sur le terrain, le CSP-DPA peut faire le boulot, mais nous avons besoin d’aide matérielle.

Nous ne voulons pas faire de l’Azawad un champ de règlements de compte. Nous savons ce que nous voulons : des partenariats avec la France, l’Union Européenne, avec tous les Etats, même les pays voisins, qui souhaitent nous aider à mener ce conflit jusqu’au bout. Car c’est devenu un problème pour toute la sous-région et c’est aussi un problème qui est à la porte sud de l’Europe.

Le Sahel est devenu un fief de déstabilisation de toute la sous-région parce que depuis toujours la communauté internationale a essayé de trouver des solutions pour les conséquences, les symptômes, mais n’a jamais cherché à faire une bonne évaluation des causes afin de les traiter. Notre cause a une dimension politique et il faut que la communauté internationale toute entière se mette derrière nous et nous aide à en finir avec cette occupation malienne et russe de notre territoire.

L’Azawad peut être une digue pour ceux qui visent la Méditerranée et l’Europe à travers le Sahel. Nous pouvons être utiles pour plusieurs choses. Prenez la lutte contre l’immigration par exemple. Nous savons que si le problème de l’Azawad se règle favorablement, de nombreux autres problèmes qui ne sont que les conséquences de ce conflit pourront être résolus.

Nous tendons aussi la main à l’OCI, aux États voisins, à l’Union africaine et à la CEDEAO, parce que ces juntes sahéliennes soutenues par la Russie et ses armées privées commettent des désordres dans toute la sous-région et prennent ces Etats en otage. Si nous gagnons cette guerre, c’est dans l’intérêt de tout le monde et dans l’intérêt de la sous-région, et particulièrement des pays voisins qui ont des conflits à leurs frontières, subissent des déplacements de populations et plusieurs autres menaces d’ordre sécuritaire.

Le Sahel a besoin de stabilité et nous serons les gardiens de celle-ci, les gardes-frontières de nos voisins ouest-africains, nord-africains, Européens. Nous nous emploierons à maîtriser les flux d’immigrants qui débordent dans la sous-région et jusqu’en Europe, ainsi qu’à endiguer les trafics de drogues qui empoisonnent notre jeunesse. Le Sahel est aujourd’hui l’épicentre du réchauffement climatique. Nous accueillerons des scientifiques et des innovateurs déterminés à comprendre et à inventer les meilleures manières de vivre et de prospérer dans des conditions difficiles.

Quel intérêt aurait la France à reconnaître l’indépendance de l’Azawad ? Ne serait-ce pas vu comme une ingérence néocoloniale ?

Vous savez, le conflit qui oppose l’Azawad aux autorités Maliennes est l’un des plus vieux conflits du continent africain. Il est né bien avant l’indépendance de la fédération du Soudan français qui comprenait le Mali et le Sénégal. Nos leaders communautaires, les notables de l’Azawad, avaient adressé une lettre au général de Gaulle en 1958 pour lui demander de ne pas lier l’Azawad, qui n’a rien à voir historiquement, culturellement et géographiquement, avec le sud du Mali.

Nous avons demandé cela bien avant l’indépendance du Mali, ce que la France n’a pas fait en son temps, ce qui est devenu la raison de toutes ces insurrections cycliques. C’est pour dire que notre cause est ancienne.

Le sous-développement, la prolifération des groupes armés, des narcotrafics, des jihadistes et de l’insécurité au Sahel sont les conséquences de ce conflit. Tant que ce conflit n’aura pas trouvé de solution définitive, en tenant compte de sa dimension politique et des doléances de la population de l’Azawad, tous ces symptômes, toutes ces conséquences resteront et s’aggraveront de jour en jour, s’exportant dans d’autres pays.

Si l’Azawad devenait un Etat indépendant, à quoi ressemblerait-t-il ?

Si nous trouvons notre indépendance, l’Azawad sera un trait d’union entre les pays du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest. Il sera un pays où toutes les communautés seront respectées. Les libertés individuelles seront garanties, ainsi que les droits de l’homme. Notre gestion sera démocratique et nous respecterons les frontières des pays voisins, nous nous baseront sur notre religion, respecterons les us et coutumes de nos populations. L’Azawad sera la clé de voûte de la sécurité de la sous-région.

Il faut se rappeler que depuis les années 1990, cette zone n’a jamais connu la stabilité plus de cinq ans d’affilée. Nous garantissons à l’Union Africaine et à la CEDEAO que nous serons un pays respectueux, un partenaire crédible, qui jouera pleinement son rôle pour l’émergence du continent africain.

Il faut savoir que nous avons un sous-sol très riche. C’est ce qui attire les envahisseurs russes, ce ne sont pas les beaux yeux des putschistes sahéliens mais nos richesses, notre or, notre pétrole. Nous avons le potentiel, en ressources minières et en ressources humaines pour exister de façon indépendante, sur tous les plans.

Si vous souhaitez réagir à cette interview vous pouvez exposer votre point de vue dans les commentaires ou nous écrire sur redaction@contre-poison.fr

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