Beugré Mambé ou Bacongo Cissé ? Qui décide sur les destructions des quartiers précaires ?

Au lendemain de la démolition des quartiers de Gesco et de Banco-I dans la commune de Yopougon en Janvier dernier, qui avait choqué l’opinion, le gouvernement prenait d’importantes décisions sur la question des zones à déguerpir. Ainsi il était mis en place un comité interministériel sous l’autorité du Premier Ministre, qui était désormais l’instance de décision pour les futures actions à mener concernant ces zones. Ensuite les zones concernées n’étaient plus au nombre de 177 comme le prétendait le gouverneur Bacongo, mais de 67. Enfin il n’était plus question de les démolir purement et simplement, mais plutôt de les « réhabiliter ».

Pourtant suite à ce qui apparaissait clairement comme sa mise à l’écart de la gestion de ce dossier, le Gouverneur Bacongo lançait cette mise en garde dans la presse : « Je tiens à faire passer ce message aux maires. J’ai une idée fixe en tête. Je n’ai pas été nommé pour me tourner les pouces. » Cet avertissement laissait entrevoir qu’il n’entendait pas se laisser dessaisir de la question.

Après une période d’accalmie, le gouverneur Bacongo passait de nouveau à l’offensive en rasant des habitations dans la zone du zoo d’Abidjan, dans le périmètre de l’abattoir de Port-Bouët, et ces derniers jours une partie du quartier Andokoi, et tout le quartier « Fanny » à l’entrée de la même commune. Si la démolition de la partie du quartier d’Adjamé-village se situant sur l’emprise du quatrième pont ne souffre d’aucune contestation, pour les autres zones des questions se posent. Le quartier Fanny est une zone densément peuplée, qui n’est aucunement située sur l’emprise de l’autoroute comme cela a été présenté. Dans la presse, il est évoqué un décret de 2014 pour justifier ces dernières démolitions dans la commune de Yopougon. Bacongo a-t-il obtenu le « feu vert  » de ce comité interministériel censé avoir le pouvoir de décision sur la question ? Ce comité s’est-il une fois réuni depuis sa mise en place ? Où est-il tout simplement mort-né ?

Il y a un flou. L’autorité du PM Beugré Mambé semble quasi nulle, tout laisse à penser que Cissé Bacongo a toujours la haute main sur la question des quartiers précaires. Il semble reprendre sa lancée de janvier dernier, en démolissant sans rendre de compte à personne, foulant au pied les décisions prises en conseil des ministres en Janvier, qui mettaient désormais la question sous l’autorité du Premier-Ministre. Il avait été clairement décidé que les zones seraient réhabilitées, et non rasées, ce que le gouverneur Bacongo continue de faire. Aujourd’hui en cette veille de rentrée scolaire, l’homme a dans son collimateur le bidonville de « Zimbabwe » à Vridi, un quartier précaire où vivent quelque 40 000 personnes.

Bacongo foule allègrement au pied les dispositions contenues dans le code de l’urbanisme, stipulant que les populations doivent être indemnisées ou relogées avant tout déguerpissement, quand bien même elles occuperaient un site illégalement. Homme de loi, il la met en œuvre lorsqu’elle est à son avantage, et l’ignore quand elle ne cadre pas avec ses objectifs. Il avait promis de recaser les déguerpis de l’abattoir de Port-Bouet dans la zone d’Anani (route de Bassam), où selon ses propos ils bénéficieront « d’un titre de propriété définitif ». Mais encore une fois, il faut lui rappeler que la loi impose de reloger avant de déguerpir et non l’inverse. D’autre part, que vaut sa parole ? A-t-il recasé les déguerpis du zoo ? De Yopougon-Santé ….etc….etc……. ?

Personne ne nie la nécessité d’intervenir sur la question des zones précaires. Mais il faut le faire en conformité avec la loi, en prenant en compte la dimension humaine de la question. La façon dont le gouverneur Bacongo a traité les habitants des zones de Koumassi qu’il a déguerpies, fut scandaleuse et inhumaine. Il s’en est vanté alors qu’il ne devrait pas en être fier. Nous exhortons le Premier Ministre à user de son autorité pour contenir le zèle du gouverneur. Le comité interministériel mis pour statuer sur la question des quartiers précaires doit réellement fonctionner, et dans l’esprit des décisions prises en janvier dernier.

On ne peut demander à des milliers de personnes de quitter leur logement et ne pas se soucier de leur sort, au motif qu’ils occupent illégalement le site. La loi prévoit un minimum de protection pour ces êtres humains. Ministre depuis 2005, conseiller du président Ouattara, député, maire, SG du parti présidentiel, et aujourd’hui gouverneur, le ministre Bacongo n’a pas de souci de logement. Qu’il pense à ceux qui n’ont que le SMIG, souvent moins, et qui doivent se loger. En tant qu’administrateur d’une collectivité locale, il a le devoir de se soucier du sort de ses administrés. Il doit intégrer la dimension humaine dans son style de management. Il ne doit pas seulement avoir la force avec lui, mais aussi la loi avec lui.

En cette période où une marche contre la vie chère est prévue, marche que le gouvernement tente de dissuader, ses démarches de démolition des quartiers précaires sont à contre-courant de toutes les initiatives gouvernementales visant à garantir la paix et la stabilité au fur et à mesure que les élections approchent. Bacongo semble vivre dans un monde parallèle. Son initiative consistant à créer une brigade de lutte contre ce qu’il appelle le désordre urbain a lamentablement échoué. Partout les populations étaient vent débout. Toute la nation le désavoue. mais l’homme n’en tient pas compte. Il n’est pas trop tard pour le Président de la République de corriger ce qui révèle visiblement une erreur de casting.

Douglas Mountain

oceanpremier4@gmail.com

Le Cercle des Réflexions Libérales

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